XIV

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La maison était telle une fourmilière, des dizaines de policiers s'affairaient à la recherche d'un potentiel intrus. Mais ils ne cherchaient pas au bon endroit. Je leur ai indiqué à plusieurs reprises la porte de la cave, mais personne ne m'a écouté. Pendant plus d'une heure ils m'ont ignoré, maman m'a répété sans cesse de les laisser faire leur travail, mais pour moi ils ne le faisaient pas comme il le fallait. Ils ont retourné la maison, soulevé, poussé des meubles, mais ils n'ont rien trouvé.
Si ils m'avaient écouté dès le début ils auraient trouvé depuis longtemps ce qu'ils cherchent en vain.
Après une heure de recherches interminables un des flics se tourne vers moi et me fixe comme si j'étais une bête curieuse, ce que je suis peut-être.
Il s'approche vers moi en baissant les yeux, c'est un truc de la police ça, comme si ils avaient l'air plus crédible.
- D'accord petit, explique moi ce que tu penses avoir vu.
- Ça fait une heure que je vous crie ce que j'ai vu et que vous ne m'écoutez pas !
- Je sais, mais je suis prêt à t'écouter maintenant.
J'ai hésité à lui expliquer, je déteste plus que tout me répéter, surtout quand c'est 100 fois d'affilée.
Mais cette fois c'était nécessaire.
- La porte de notre cave est coincée depuis notre arrivée, mais ce matin une jeune fille a réussi à sortir par cette porte, et je suis persuadé qu'elle a habité cette maison ! Ainsi elle est la seule à pouvoir aller à la cave, elle y cache quelque chose j'en suis sûr !
- Attends une seconde, tu es en train de me dire que cette porte est coincée et que vous n'avez jamais réussi à l'ouvrir, mais que ce matin quelqu'un l'a ouverte ?
- C'est exactement ce que je viens de dire. C'est si dur à croire ?
- Un peu oui. Je peux ?
Ma mère lui répondant d'un signe de tête, il s'avance vers la porte et prend la poignée dans sa main. Après une longue inspiration qui pour moi sonne comme de la peur, il clenche enfin la poignée.
Sans un effort de sa part, la porte s'entre-ouvre en grinçant.
Le policier n'ose plus me regarder, et je n'ose pas le regarder non plus. La seule chose que j'arrive à percevoir à cet instant c'est la porte qui claque. Le policier fou de rage pense que je me suis moqué de lui, n'importe qui pourrait croire ça.
- Ça t'amuse bien mon garçon, de te payer ma tête comme ça ! Ça t'amuse de nous faire perdre notre temps ?
- Mais non ! Je vous assure que c'est la vérité ! Cette porte était coincée !
Mes paroles n'ont plus aucun fondement pour lui, et c'est pour cette raison ce n'est plus à moi qu'il s'adresse.
- Madame, cette porte était-elle réellement coincée ?
- Mais bien sûr qu'elle était coincée, c'est ce que je me tue à vous dire !
J'ai coupé la parole à ma mère, qui à cause de moi n'a pas pu répondre, mais la vérité est là, je le sais, cela fait plus d'une semaine que j'essaie d'ouvrir cette porte sans aucun succès !
- Madame ?
- Eh bien, en réalité, je n'ai jamais essayé d'ouvrir cette porte, Tom m'a dit qu'elle était fermée, alors je l'ai cru, et je n'ai pas jugé nécessaire d'aller vérifier.
- A ce que je vois, votre fils s'est payé votre tête à vous aussi.
Mais il se moque de moi c'est pas possible, d'abord il m'ignore, ensuite il parle de moi comme si je n'étais pas là, et maintenant il monte ma mère contre moi !
Je me tourne vers elle pour lui expliquer ce que j'ai vu, mais elle le sait déjà, et elle a eu la preuve que j'avais tort. Son regard est plein de tristesse, et elle ne me regarde déjà plus.
Elle est triste et déçue, mais elle n'est pas en colère.
Son regard et celui du sale flic se croisent, et elle hoche la tête dans sa direction avant qu'il s'en aille.
Je pensais que j'allais pouvoir discuter avec elle, qu'elle allait se tourner vers moi et m'écouter, mais ce n'est pas du tout ce qu'elle a fait. Elle est partie tout droit sans même me regarder.
J'avais l'impression de ne plus exister pour qui que ce soit à cet instant.
- Il n'y a rien ici les gars, on rentre au poste !
En ramenant ses hommes à leur voiture, le flic qui doit me détester maintenant me jette le plus noir des regards avant de disparaître dans sa Renaud Megane aux couleurs de la police.

Je suis resté tellement longtemps dans ma douche ce matin que maman a cru que je m'étais noyé dedans, et ça m'a rendu heureux de voir qu'elle s'inquiétait toujours un peu pour moi, même si c'est très bête car je sais que quoi que je fasse elle s'inquiètera toujours pour moi.
Mais quand je suis enfin sorti de la douche elle était au téléphone, et lorsqu'elle m'a aperçu elle est partie se cacher dans sa chambre pour terminer son coup de fil.
Elle n'a jamais fait ça auparavant. Sûrement était-ce papa au téléphone. Sûrement était-ce lui.
J'imagine la dispute qu'ils sont sûrement en train d'avoir en ce moment.
Je n'ai pas fini de m'imaginer les insultes qu'ils pouvaient s'envoyer quand maman est redescendue, mais quand elle m'a vu elle a baissé les yeux et a filé dans le salon.
Je crois qu'elle se sent mal-à-l'aise avec moi, peut-être se sent-elle trahie également.
Le temps paraît long quand on n'a plus personne à qui adresser la parole. Le silence pèse lourd dans la pièce même si le son de la télé est à son maximum. Une ambiance plane et rien de ce que je pourrais dire ne la ferait s'envoler.
Nous étions tranquillement en train de regarder une rediffusion du Muppet Show quand on entendit frapper à la porte.
Maman sauta du canapé en s'exclamant :
- Les voilà enfin !
Je n'ai pas tout de suite compris de qui elle pouvait bien parler, mais j'ai ressenti une grande crainte quand deux hommes habillés en blanc ont pénétré dans l'entrée. J'ai vu assez de films pour savoir ce que cela voulait dire. Maman veut me faire enfermer.
- Tom, euh.. Ces messieurs sont venus pour t'aider, tu vas devoir les suivre.
- Tu me prend pour un fou c'est ça ? Tu penses que j'ai besoin de me faire soigner ?
- Mon chéri, tu es persuadé qu'il y a une personne dans notre sous-sol, et que cette personne est une jeune fille morte il y a deux ans !
- Elle n'est pas morte ! Son corps n'a jamais été retrouvé je te signale ! C'est parce qu'elle n'est pas morte ! Pourquoi tu ne veux pas m'écouter ?
Elle ne prend pas la peine de me répondre et se tourne vers les deux hommes comme pour leur dire « Vous voyez, mon fils est un fou furieux ». C'est définitif, elle n'a plus confiance en moi.
Un des deux hommes s'approche de moi, il est très grand, très baraqué, et très noir, il ressemble plus à un videur de boite de nuit qu'à un infirmier d'asile psychiatrique.
- Ecoute Thomas, tu as besoin d'aide, nous sommes là pour toi, nous venons pour t'aider. Nous te demandons gentillement de nous suivre, mais si tu montres de la résistance nous seront obligés de te mettre une camisole et te tirer jusqu'à la voiture. Ce n'est pas ce que tu veux, n'est-ce pas ?
Je fais un simple « non » de la tête, évidemment que ce n'est pas ce que je veux, qui voudrait se retrouver dans une camisole.
Je me lève du canapé le plus lentement possible pour retarder un maximum le moment de partir, mais avant tout je dois faire face à ma mère, je veux savoir si elle a réellement peur de moi, mais quand je m'approche d'elle, elle recule. Cela me donne finalement la réponse que je désirais, j'ai perdu ma mère.
- Est-ce que j'ai le droit d'emmener quelques affaires ?
- Tu n'auras besoin de rien, tout est prévu.
- Est-ce qu'il y aura de quoi me fournir de l'oxygène ?
- L'infirmerie a un stock, tu n'as pas à t'inquiéter, tout est prévu.
Tout est prévu, sauf le refus du patient à ce que j'ai cru comprendre.
- Ai-je au moins le droit de prendre un manteau et des chaussures ?
Le grand homme me dit oui de la tête, sans se douter que je me moque ouvertement de lui.
Jusqu'à maintenant tout va bien, mais quand l'autre homme, petit et roux, du style Gollum m'ouvre la porte je me rends compte de la situation dans laquelle je me suis, et mon cœur bat à tout rompre dans ma poitrine.
- Il est l'heure d'y aller petit.
Je suis prêt à partir, mais j'ai une dernière chose à faire avant.
Je me tourne pour me trouver face à ma mère une dernière fois.
Elle ne recule pas cette fois, elle me regarde droit dans les yeux, presqu'au bord des larmes.
- Joyeux Noël Maman.

Questions sans réponsesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant