Putride : chapitre 10

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J'ai passé l'après midi entier avec lui à le regarder, fouiller la partie de sa chambre que je ne connaissais pas encore. A la tombée de la nuit, il s'est endormi, épuisé. Je lui avais donné des somnifères mélangé à l'arnica. J'en ai profité pour faire des courses et passer dans un sex shop, après avoir retiré une centaine d'euro sur mon compte.

J'ai acheté deux paires de menottes (réelles) et les mêmes préservatifs qu'il utilisait. Un coup de fil passé à mon père l'informa que je dormais chez Axel ce soir là. Aucune objection.

Revenue là bas, je préparais des beignets de calamar en chantonnant. Il s'avérait que c'était le plat qu'Axel préférait. Profitant de son sommeil, j'ôtais les antivols et câbles qui l'avaient blessé pour les remplacer par les menottes. Cédant à la tentation, j'effleurais sa joue du bout des doigts. Mon cœur se gonfla, prêt à éclater.

J'ai dû un peu trop forcer la dose, car il ne s'est pas réveillé de la nuit. Durant huit longues heures, je fus témoin de son sommeil. Il respirait profondément, l'air détendu.

Les oiseaux troublèrent le silence aux alentours de six heures. Il émergea tout doucement, en fronçant les sourcils, comme s'il revenait d'un mauvais rêve.

Je souris devant son air grognon et ensommeillé.

« Bien dormis ? » chuchotais-je.

Au son de ma voix, il hurla en se projetant en arrière, tombant sur le dos.

« Axel ! Axel, tout va bien, » m'écriais-je en poussant la chaise pour la remettre sur ses pieds.

-Mais qu'est ce que tu fais là ? Ce n'était pas un cauchemar, c'était vrai ! hurlait-il en pleurant.

-Calme toi, ça va aller, je ne te ferais rien tu sais...

Je lui frottais le dos, m'efforçant d'être la plus rassurante possible. Je le quittais un instant pour revenir avec un plateau. Comme je ne savais pas ce qu'il aimait, j'avais réuni tout ce que j'ai pu trouver de doux.

« On prend le petit déjeuner ensemble ? » lui demandais-je.

Il me fixa comme si j'avais dis une obscénité.

« Ecoute, dis moi ce que tu veux, d'accord ? Mais s'il te plait, va t-en, laisse nous tranquilles ! »

Je me mets à pleurer. Instantanément.

« Mais... pourq-«

D'un seul coup, je frappe le plateau de mon pied, envoyant voler son contenu. Axel me regarde, terrorisé.

« CE QUE JE VEUX C'EST TOI ! TU ES TOUT CE QUE J'AI TOUJOURS VOULU, LA SEULE CHOSE DONT J'AI JAMAIS EU BESOIN ! »

Je hurlais de rage, furibonde, à m'en déchirer la gorge.

« TU COMPRENDS ? EST CE QUE TU COMPRENDS QUE J'AI BESOIN DE TOI COMME L'OXYGÈNE QUE JE RESPIRE ? Parce que... sans te voir... sans t'entendre... »

Je tombais à genoux.

« Je ne suis qu'un cadavre. »

-C'était... c'était à ce point là ? bégaya Axel.

-Alors, laisse moi prendre soin de toi, ne t'éloignes pas. Suppliais-je.

-Ecoute... si tu aimes quelqu'un, ce n'est pas en le kidnappant et en l'attachant à une chaise que tu l'aideras à tomber amoureux de toi !

-Alors comment étais-je sensé m'y prendre ? Tu t'éloignais de moi, tu ne répondais plus ! Je suis sûre que tu ne faisais que penser à Anaïs toute la journée !

Axel perdit son expression de peur pour assombrir son visage. Je su que j'en avais trop dit.

« Excuse-moi. » Bredouillais-je.

Je m'en allais dans la salle à manger pour me calmer. Je me mis une dizaine de claques pour avoir été aussi méchante envers lui. Je me montrerai douce et compréhensive. Attentionnée et aimante. Chaleureuse et attirante.

Je reviens dans la chambre, mais des heures se sont écoulées.

Axel est endormi, et la nuit est tombée.

Il semblerait que je me sois absentée plus longtemps que je ne le croyais.

« Excuse moi, je t'aime. Que faut-il pour me faire pardonner ? Je veillerai sur ton sommeil, pour t'empêcher d'avoir peur, ou de te sentir seul. »

Un nouveau matin s'est levé, sans que mon père ne se soit inquiété. Ce sont les vacances d'été, peu importe.

Axel gémit, se contorsionnant sur sa chaise.

« J'ai besoin d'aller aux toilettes, détache moi s'il te plait. »

-Pas besoin, j'ai une autre solution !

Je saisis une bouteille et m'approche de sa braguette.

« Mais, non ne-«

-On a pas le choix, le coupais-je, ne t'en fais pas, je ne te ferais rien. Nous aviserons quand tu auras besoin de faire plus qu'uriner.

Pendant toute l'opération, il serre les dents en pleurant. Pourtant, je le tiens du bout des doigts, sans regarder, et avec des gants.

Comme d'habitude, je lui apportais un petit déjeuner qu'il ne fit que grignoter du bout des lèvres. Après qu'il eut terminé, je lui fis rapidement une toilette, avec un gant.

Axel se contentait de rester prostré sur sa chaise, les yeux dans le vague, vaincu.

« Alors, tu es heureuse comme ça ? »

Il venait de parler d'une voix cassée.

-Oui, je m'occupe de toi, te vois tous les jours ! Je peux enfin te toucher et te regarder dormir ! M'écriais-je.

Il n'ajouta rien.

Je le laissais seul un moment, il avait besoin de quelques minutes pour respirer. J'en profitais pour aller voir sa mère. En ouvrant la porte, l'odeur me prit au nez. L'assiette d'omelette était couverte de mousse verte. Une très large flaque de sang brune tâchait le tapis.

« Oh non... »

Je me précipitais vers elle en tâtant son cou. Mais je n'allais pas me mentir. Ses yeux révulsés et ses veines ressortant parlaient d'eux même. Elle était froide et raide.

« Qu'est ce que j'ai fait ? Il va me haïr. »

Je refermais la porte en cherchant une manière de me débarrasser d'elle.

Revenue auprès d'Axel, je lui dis que sa mère était très fatiguée et dormait donc beaucoup. Je ne sais pas s'il m'a cru.

Pour passer le temps, je lui racontais les actualités facebook, et lui montrais les photos de vacances de ses amis. Garçons, bien sûr. Je lui passais des vidéo sur youtube, ou parlait cinéma.

Je soliloquais. Peu importe, il était là.

Je ne sais pas combien de temps s'est écoulé. Peu, ou beaucoup, une semaine, deux, ou quelques jours. Axel ne pleurait plus. Il ne frémissait plus lorsque je m'approchais. Je crois que j'ai gagné sa confiance.

« Pour l'instant, tu n'aimes sans doute pas ta situation Axel. Mais, plus tard, on formera un foyer, une vraie famille. Le matin, je te dirais : »Bonjour » et lorsque tu seras rentré, je te dirai : »Bonsoir ». On mangera avec nos enfants, des repas qu'on aura préparé tous ensemble, en parlant de notre journée. Je pourrai te voir tous les jours et tu ne regarderas que moi. Et enfin, juste avant de fermer les yeux, la nuit, je t'entendrai me dire : »Bonne nuit », rien que pour ma personne. Alors, je pourrai aussi te souhaiter la meilleure nuit du monde, bien que ce soit déjà fait pour ma part, car je la passerai à tes côtés. Je m'endormirai, heureuse, au comble de la joie, car au réveil, la première chose que je verrai, c'est toi. »

Purgation (Putride, Limpide)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant