Chapitre 6: les dessins

36 30 12
                                    

Je me place derrière ma mère et pose mes mains sur son dos, la poussant doucement pour qu'elle se dirige vers la porte d'entrée. Elle me dicte encore ses consignes comme si j'étais encore une enfant, comme si j'étais incapable de rester à la maison sans une présence parentale.

Je roule des yeux en acquiesçant, et j'espère tout simplement que ses paroles ont une fin et qu'elle va partir à son rendez-vous romantique.

- Tu as bien compris tout ce que je viens de dire?

Elle se retourne, étant maintenant face à moi.

- Si tu continues de parler, tu vas être en retard à ton rendez-vous !

J'indique de ma tête la pendule qui trône sur le mur en face de la porte d'entrée. Elle croise ses bras en maintenant son regard au mien, bien décidée à avoir une réponse honnête.

-Oui, maman, je vais bien me comporter en ton absence, il n'y aura pas de dégâts et si j'ai un problème, je vais voir la voisine.

Je dis cela avec un sourire forcé qui selon moi est rassurant puisqu'elle baisse les bras, s'approche de moi et m'embrasse le front. Elle jette un dernier regard vers moi, je gesticule mes bras dans le vide à son attention, comme si je la poussais à l'extérieur. Elle cède, repousse mentalement son inquiétude et s'en va d'un pas déterminé en fermant la porte derrière elle.

Quand je n'entends plus ses talons claquer contre le chemin pavé qui orne notre jardin.

Je prononce dans un soupir :

-Les mamans!

Je me dirige tout de même vers la fenêtre pour vérifier qu'elle est bien partie dans la voiture qui l'attendait patiemment devant chez nous, je tire le rideau d'un côté et plisse les yeux devant la noirceur de la nuit, essayant de faire de l'ombre en collant le côté de ma main libre sur le carreau pour mieux voir l'extérieur.

Je ne vois plus les phares, elle est bien partie. Je me retrouve seule chez moi pour la première fois en seize ans.

J'esquisse un sourire avant de laisser tomber le rideau et de m'éloigner de la fenêtre.

Je ne vis à présent qu'avec ma mère, ma sœur a emprunté sa propre voie. Elle envisage des études de styliste en beauté et est partie s'installer avec sa meilleure amie à Paris pour ensuite ouvrir leur propre entreprise. Elle sait que cela va être difficile mais elle ne lâche rien, c'est son rêve et elle l'accomplira même si elle doit en baver. J'aime cette vision. Même si pour moi ça a été tellement insupportable de la laisser partir.

Il faut me comprendre, j'ai premièrement "perdu" mon père, puis ma sœur a pris son envol à son tour.

Avec ces pensées en tête, je me dirige vers la chambre de Bérénice. Je pousse doucement cette porte que je n'ai jamais eu le droit d'approcher après avoir piqué quelques affaires à ma sœur il y a deux ans. Je pose ma main sur la poignée et attends quelques secondes avant de l'ouvrir, hésitante.

Je fais glisser ma main sur le mur de gauche jusqu'à qu'elle rencontre l'interrupteur. J'allume enfin la lumière qui éclaire maintenant une chambre presque vide.

Son lit est toujours présent au milieu de la pièce les murs orangés d'un ton clair sont maintenant nus, les photos de ses amis, de ses années scolaires n'y sont plus accrochés. J'entre petit à petit en observant et m'assois sur le lit en tailleur. Toutes ses armoires sont vides, les vêtements ne débordent plus, son maquillage, ses fiches de cours ne sont plus éparpillés de partout. C'est trop vide à mon goût. J'ai l'impression que ce vide se serre autour de moi comme un serpent tenant fermement sa proie.

Le Tunnel Des ÉmotionsOù les histoires vivent. Découvrez maintenant