Chapitre 18. Camille

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Après le départ précipité de Kyle, j'ai passé la matinée au fond de mon lit, le nez dans les proses de Baudelaire. Je sais exactement où est-ce que j'avais posé mon bouquin la dernière fois que je l'ai lu, et je suis persuadée que Kyle y a jeté un œil parce qu'il n'était plus à la même place. Ce qui m'a d'abord fait sourire, puis verser une larme quand ça m'a forcée à me rappeler la façon dont il a clairement pris la fuite, après la nuit qu'on avait passée. Après qu'il m'ait pourtant dit vouloir que je sois totalement à lui et lui entièrement à moi, et que je pouvais même bien le crier sur tous les toits si ça me chantait.

De toute évidence, au réveil, il en était un peu moins certain.

Malgré la bienveillance de mes deux meilleures amies et les efforts qu'elles font pour me remonter le moral, me traînant depuis deux heures dans un centre commercial, je ne peux pas m'empêcher de ressasser encore et encore ce qu'il s'est passé. Ou plutôt, de chercher ce qui a justement bien pu se passer pour qu'on en arrive là, passant du tout à rien en l'espace d'une seule nuit.

J'ignore ce qui à bien pu arriver ou ce qui lui ait passé par la tête, mais une chose est sûre, il s'est complètement refermé sui lui-même alors que je croyais avoir enfin réussis à franchir sa carapace. Il commençait tout juste à se dévoiler davantage et à s'ouvrir à moi, comme quand il m'a parlé de son adoption par les parents de Kévin. Il commençait à être même plus entrain aux petites attentions, à se montrer plus affectueux, plus protecteur, à être plus naturel et moins dans son rôle du « tombeur et bagarreur invétéré de la Fac ». Je commençais à peine à découvrir qui se cachait réellement sous cette mauvaise réputation, et à l'apprécier, et voilà qu'il se braque complètement. Il avait l'air tellement... angoissé. Je n'y comprends rien.

-Allez, essaie celle-ci, insiste Clémentine en me tendant une robe rouge ultra moulante qui me fait grimacer. Tu vas être un véritable missile là-dedans, crois-moi !

-Je vais te trouver des talons pour aller avec, s'enquille Marion en disparaissant dans les rayons.

Poussée jusqu'aux cabines d'essayage, je cède malgré-moi et essaie la robe que je ne porterais, quoi qu'il arrive, jamais en dehors de ce magasin. 

Il est vrai qu'elle ne laisse peu de doute à l'imagination et met mes formes en valeur, mais je me sens tout de même un peu ridicule. J'ai l'impression d'avoir enfilé un 34 alors que je fais du 38.

-Alors, ça donne quoi ? s'impatience Clem derrière le rideau.

Je m'admire une dernière fois, de face, de dos, de profil, et soupir.

-Alors je me demande seulement quel fantasme absurde est-ce qu'elle pourrait bien déclencher chez Kyle, avouais-je, morose, en la retirant aussitôt.

Les filles ne répondent pas, mais je sens leur présence derrière l'épaisseur du tissu.

-Sérieusement, je ne comprends pas, m'agaçais-je en m'acharnant sur la robe pour m'en débarrasser. Hier, il me dit qu'il veut qu'on soit ensemble et ce matin, il déguerpit comme si j'avais la peste. Il avait l'air complètement flippé tout à coup.

-Hmm hmm, marmonne Clem, sûrement en pleine réflexion pour me donner une explication grâce à ses grandes connaissances en l'homme. Qu'est-ce qu'il t'a dit exactement quand il est remonté après son coup de téléphone ?

-Rien, c'est bien ça le problème, soupirais-je en renfilant mon pantalon. Il m'a simplement dit qu'il avait entraînement et un dîner ce soir, et donc qu'il devait s'en aller.

-Peut-être que tu ronfles super fort et que ça l'a un peu surpris, tente Marion, me faisant lever les yeux au ciel. Ou peut-être même que t'as pété dans ton sommeil.

BrokenOù les histoires vivent. Découvrez maintenant