Chapitre 36 : ... Et Mat

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Cinq mois plus tôt...

Courir. Jamais s'arrêter. Courir encore. Oublier la douleur, et fuir.

Ce n'était qu'une question de temps avant qu'ils ne découvrent le corps du Mangemort assommé. Ensuite, ils le traqueraient, où qu'il aille, sans relâche. Ils étaient même probablement déjà en route, suivant les traces de ses nombreux transplanages qui lui ôtaient chaque fois un peu plus de force. Les bois devenaient de plus en plus sombres au fur et à mesure qu'il s'enfonçait dans l'épaisse forêt, et les branches griffaient son visage déjà abîmé.
« Tu as entendu ça, Weasley ? Ils vont tuer la fille, cette fois... ». Les paroles du Mangemort résonnaient inlassablement dans sa tête, ainsi que son rire glacial, juste avant qu'il ne se retrouve au sol, rué de coups auxquels il ne s'attendait sûrement pas vu l'état pitoyable de son prisonnier.
Ronald continua de courir, son visage déformé par la douleur de son corps meurtri. Il ne devait plus être très loin, maintenant. Il avait entendu les adeptes discuter, alors qu'ils le croyaient tous inconscient : Drago Malefoy se cachait en France, dans cette forêt exactement. Ils n'allaient pas tarder à lui rendre visite, pour une énième tentative de ralliement à Voldemort. Et, comme toujours, il refuserait.
Le sol devint soudain boueux et Ron glissa parmi les feuilles mortes, sa chute ressemblant à celle d'un pauvre pantin sans vie. Il était si dur de se relever. Il aurait tellement aimé resté là, allongé, attendant que la mort vienne le soulager. Mais l'image d'Hermione vint brûler ses paupières fermées, et il puisa toute la force qui lui restait pour se relever, ses blessures à présent mélangées de sang et de boue.
Il fallait qu'il le trouve avant eux, vite. Il était son dernier espoir, le seul qui puisse encore la sauver.
Enfin, apparut une toute petite chaumière parmi les arbres, vieille et délabrée. Les vitres étaient sales et brisées, et des champignons dévoraient le bois miteux. Elle semblait complètement abandonnée, mais Ron savait qu'il y avait de la vie à l'intérieur. C'est alors que, tandis qu'il s'approchait de la porte d'entrée, il fut expulsé par un champ de protection. Il aurait dû se douter que Malefoy protégerait sa cachette. Il sentit ensuite quelque chose serpenter le long de ses jambes, avant de brusquement s'enrouler autour et de le soulever haut dans les airs. Pendu la tête en bas par des lianes vivantes, Ron se mit à crier :
- Malefoy ! Libère-moi, c'est Ronald Weasley ! Il faut qu'on parle, c'est urgent !
Il vit alors la porte en bois s'ouvrir, et en sortir un homme qu'il n'aurait jamais reconnu être Drago Malefoy s'il ne savait pas qu'il vivait ici ; il ressemblait à un mort vivant avec sa peau blafarde, ses yeux fatigués par les insomnies et sa barbe naissante. Ce n'était plus du tout le garçon à l'allure irréprochable, mais un homme détruit, aussi bien à l'extérieur qu'à l'intérieur.

Ses yeux gris détaillèrent l'état sanglant de son visiteur : son visage était tailladé de toutes parts, ses jambes couvertes de sang à n'en plus voir la couleur de la peau, et, de toute évidence, son bras gauche était brisé vu que seul l'autre bras s'agitait. 
- Tu t'es échappé ? demanda-t-il de sa voix rouée, comme s'il avait perdu l'habitude de parler.
- Oui, répondit Ron. Laisse-moi descendre !
Une fois de plus, il le toisa de son regard glacial, mais ne bougea pas.
- Tu n'aurais pas dû venir ici, Weasley, dit-il alors. Ils sont sur tes traces, et tu vas les amener jusqu'à moi.
Ron utilisa la baguette du Mangemort pour trancher la liane qui lui entaillait les chevilles, et retomba au sol sur son bras déjà cassé. Incapable de bouger davantage, il cracha la terre qui s'était infiltrée dans sa bouche, et murmura les yeux fermés :
- Il faut que tu rejoignes Voldemort...
- Ils envoient les prisonniers, maintenant ? ricana froidement Drago. Il connait ma réponse, et elle ne changera jamais. Je n'ai plus rien à perdre. S'il me veut tant que ça, il n'a qu'à venir me chercher lui-même.
Alors qu'il s'apprêtait à rentrer à l'intérieur, Ron réussit à relever légèrement la tête et articuler :
- Tu dois te rallier à lui, Malefoy. Autrement...
- Autrement quoi ? explosa alors le jeune homme en venant vers lui à grands pas.
Une fois à sa hauteur, il s'accroupit à côté du corps allongé et saisit une poignée de cheveux roux, avant de tirer la tête en arrière, de façon à ce que ses yeux bleus croisent ses yeux gris et en comprennent le message une bonne fois pour toutes.
- Ça fait un an qu'ils me traquent, Weasley, murmura-t-il, sa voix emplie de haine. Ça fait un an que je fuis en permanence. Ils ont tué ma mère pour me faire changer d'avis, tu savais ça ? Eh ouais, ils m'ont envoyé sa tête par hibou. Charmant, n'est-ce pas ? J'ai voulu céder, mais Blaise était à mes côtés pour me soutenir, et m'a fait juré de ne jamais me soumettre à Voldemort. Il disait toujours que je valais mieux. Puis, un jour où c'était son tour d'aller chercher la nourriture, il a été plus long que d'habitude. Je ne l'ai revu que le lendemain, étendu sur le seuil de cette cabane, raide et froid comme un cadavre. Son état était à peu près comme le tien, sauf qu'on lui avait crevé les yeux à lui. Bah oui, parce qu'il me rendait « aveugle sur le chemin à prendre », selon le message sanglant gravé sur son torse. Alors tu vois, Weasley, je n'ai absolument plus rien à perdre, parce que Voldemort m'a tout pris. Quelle que soit la raison pour laquelle tu veux que je le rejoigne, qui est sûrement dans le seul but de sauver ta pauvre petite vie, tu peux aller te faire voir. Je mourrais plutôt que de servir ce serpent !
Il relâcha sa tête rousse et s'éloigna de nouveau.
- Il ne t'a pas tout pris, souffla la voix faible de Ron. Pas encore... 
Drago se figea.
- Elle est la prochaine sur la liste, Malefoy...
Ce dernier écarquilla les yeux d'horreur, et dut plaquer une main contre le vieux mur de planches de bois pour ne pas flancher. Il garda le silence, tandis que Ron, toujours à terre, poursuivait d'une voix éteinte :
- Ils ne s'arrêteront pas à ta mère et à Blaise. Je les ai entendus. Voldemort va s'en prendre au dernier être cher qu'il te reste. Et il se trouve que, pour celui-là, je suis tout aussi concerné. Ils vont trouver Hermione, et je te laisse imaginer ce qu'ils lui feront une fois qu'ils l'auront trouvée. 
- Je ne vois pas en quoi ça devrait m'affecter, mentit Drago, la gorge serrée.
- On n'a pas le temps de jouer la carte de la fierté, Malefoy, pressa Ron d'un ton énervé. Je sais que tu l'aimes, peu importe ce qu'il s'est passé. La preuve, ton état pitoyable témoigne bien à quel point elle est encore présente dans tes pensées, même après un an. Tu dois la sauver, Malefoy. Tu es le seul qui puisse le faire. Il faut que tu rejoignes Voldemort avant qu'il ne la tue, et que tu lui fasses croire que tu désire être à ses côtés, pour qu'il n'y ait aucun risque qu'il utilise Hermione comme chantage.
Le cœur battant, Ron écouta le silence du jeune homme. Il ne leur restait pas beaucoup de temps, les Mangemorts seraient là d'un instant à l'autre.
- Voldemort ne croira jamais à mon retour...souffla enfin Drago, le dos toujours tourné.
- Il le faut, insista Ron en tentant de se relever. Si tu te rends sous la menace, il comprendra que tu as deviné pour Hermione, et continuera à se servir d'elle pour te garder à ses côtés. En revanche, si tu le convins de ton dévouement, tu peux réussir à réclamer ta propre vengeance, et il te laissera Hermione. Profites-en pour la protéger, pour l'éloigner le plus possible, car elle reste une cible permanente.
- Je viens de te le dire ! s'énerva Drago en se retournant, la voix trahie par la panique. Il ne me croira jamais ! On ne ment pas à Voldemort !
Le corps tremblant, les jambes frêles, Ron se tenait à présent debout, et faisait face à son ancien ennemi de Poudlard.
- Ils vont débarquer dans quelques secondes, dit-il alors d'un air grave. Lorsqu'ils seront là, Malefoy, tue-moi.
Drago eut un mouvement de recul.
- Je serai une preuve de ton désir de te racheter, poursuivit-il. Tu diras que je suis venu ici pour réclamer ton aide, et que tu as refusé. J'insiste, tu en as assez, tu me tues sans aucun ménagement. C'est l'acte qu'elle supporterait le moins au monde, et Voldemort le sait.
- Weasley, dit Drago en secouant la tête, encore plus blanc qu'il ne l'était déjà. Ne me demande pas ça...
- Par ma mort, poursuivit-il comme s'il n'avait pas parlé, tu prouves ta haine envers Hermione, ainsi que ton côté sombre qui a finalement pris le dessus. Protège-là, Malefoy. C'est la seule et unique chose que je ne t'ai jamais demandé, et je sais que toi mieux que quiconque peut y parvenir. Débrouille-toi pour trouver des mensonges crédibles, et sois convaincant. Tu peux le faire. Moi, ça fait des mois que je me bats pour survivre à la torture qu'ils m'infligent chaque jour. Je n'en peux plus. Je suis déjà à moitié mort, et je n'ai plus la force de me battre. Ils continueront de me traquer, car je sais trop de choses. Rends-moi ce service, s'il te plaît.
Drago respirait très mal. La tête lui tournait et son cœur se mit à battre après un an de sommeil. Mentir à Lord Voldemort relevait de la pure folie. Jamais il n'y parviendrait. 
Il eut alors une soudaine vision d'un corps froid et abîmé étendu sur le seuil de la cabane, sauf que ce n'était plus celui de Blaise, mais celui d'Hermione. Il secoua la tête pour reprendre ses esprits. Il la détestait, mais l'aimait plus encore. Aucun doute là-dessus.
Drago serra sa baguette un peu plus fort entre ses doigts, comme pour se donner du courage. Il avait déjà enlever tant de vies, par le passé, mais n'avait jamais envisagé de prendre celle de Ronald Weasley.
Lentement, il releva la tête et fixa l'ancien Gryffondor dans les yeux.
- Je veillerai sur elle plus que sur ma propre vie, promit-il alors.
- Je sais que tu le feras.
Drago ignorait pourquoi Weasley plaçait en lui une telle confiance, pourquoi il semblait si persuadé qu'il prendrait soin d'elle malgré la blessure qu'elle lui avait infligée, et se demanda s'il ne savait pas quelque chose qu'il ignorait.
Il n'eut pas le temps d'y réfléchir davantage, car le bruit familier de transplanages s'éleva à quelques mètres de là. Tout à coup, Ron s'écria :
- Bon sang, Malefoy ! Tu ne comprends pas qu'ils vont la tuer ? Je croyais que tu l'aimais !
Drago leva sa baguette magique, respiration retenue. Il savait ce qui lui restait à faire, mais sa main tenant la baguette refusait le moindre mouvement. Les bruits de pas se rapprochèrent, et les voix des Mangemorts se firent entendre :
- Il est là !
Voyant que Drago ne réagissait pas, Ron fit un mouvement sec de sa baguette et l'envoya s'écraser contre le mur derrière lui, sa tête blonde cognant contre le rebord de la fenêtre.
- Tu n'es qu'un lâche ! lui hurla-t-il en boitant vers lui. Tu ne comptes pas la sauver, hein ? Tu vas la laisser mourir, ordure !
Quatre Mangemorts encapuchonnés émergèrent des bois, baguette en avant. Drago regarda le rouquin se jeter sur lui, puis, les yeux fermés, prononça la formule qui lui brûla les lèvres. L'éclair vert transperça la poitrine du jeune homme qui s'écroula aux pieds de Drago, et c'est avec les lèvres étirées en un sourire de soulagement qu'il rendit son dernier souffle.
Drago se releva, puis toisa un par un les Mangemorts restés silencieux. D'un coup de pied, il poussa le corps de Ron qui lui barrait le passage, et s'adressa à eux d'une voix autoritaire :
- Allez prévenir vôtre Maître que je souhaite lui parler.
Les Mangemorts mirent un long moment avant de réagir, puis décidèrent d'obéir. Une fois seul, Drago s'accroupit auprès du corps de Ron et lui ferma délicatement les paupières.
- Repose en paix, la belette, murmura-t-il. 
Quelques minutes plus tard, un Mangemort réapparut et trouva Drago négligemment appuyé contre l'encadrement de la porte, l'air ennuyé.
- Enfin, pas trop tôt, lança-t-il sèchement.
Drago sourit intérieurement. Ça y était, il avait remis un nouveau masque qu'il allait devoir porter pendant longtemps. Redevenir l'ancien Malefoy se révélait étrangement plus facile qu'il ne le redoutait. Ce côté supérieur et arrogant face aux adeptes ne lui était pas inconnu, puisque c'est ce qu'il avait été, fut un temps. Maintenant, c'était comme retrouver une vieille habitude jamais vraiment disparue, et il suffisait de faire appel à tout ce qu'il avait de plus mauvais en lui, ainsi qu'à sa haine sans précédent envers le Lord, pour parvenir à penser et agir comme l'aurait fait l'ancien Drago de l'époque, celui qui ne laissait jamais passer une occasion de se venger après avoir été humilié.
Sentiment de vengeance qu'il n'avait en aucun cas ressenti envers Hermione, d'ailleurs, et dont la raison lui échappait. Comment, dans ce cas, transmettre à Voldemort toute la haine et tout la colère dont il avait besoin pour faire croire à un désir de revanche, s'il ne ressentait rien de tel envers elle ? C'était simple : cette haine était bel et bien là, mais dirigée contre le Lord lui-même. La seule chose qu'il restait à faire, c'était prier pour que ce dernier ne fasse pas la différence...
- Viens avec moi, dit le Mangemort en tendant une main. Je t'emmène au manoir du Maître.
Drago inspira profondément, puis accepta la main tendue, prêt à prendre le plus gros risque jamais pris auparavant. Ils durent transplaner cinq ou six fois avant de pouvoir rejoindre Londres, et Drago respira à nouveau l'air pollué du désespoir et de la guerre.
Une fois arrivé devant le manoir de Lord Voldemort, il ne put empêcher un frisson de le parcourir, retrouvant le lieu qui avait été le rêve de son enfance. Étant petit, il n'aurait jamais cru se retrouver un jour ici dans le but de trahir celui qu'il vénérait. Son père avait tort ; son avenir n'avait jamais été tout tracé.
- Il est là-haut, informa le Mangemort, une fois dans le hall.
Drago prit quelques secondes pour chasser sa peur et son angoisse du mieux qu'il pouvait, avant de monter les escaliers en tant que Drago Malefoy, mauvais et rancunier.
Il poussa la vieille porte du salon qui émit un grincement presque aussi aigu que la voix qui s'éleva au même moment :
- Tu as cinq secondes pour me donner une raison de ne pas te tuer maintenant.
Drago regarda la silhouette noire, assise dans un fauteuil usé qui devenait trône royal aussitôt que Voldemort y prenait place.
- Vous me voulez, répondit simplement Drago, confiant.
Le Lord lâcha un rire glacial face à des paroles qui pourtant ne l'amusaient guère.
- Je t'ai voulu, rectifia-t-il alors. Sais-tu ce que j'ai ressenti, Drago, le jour de tes seize ans ? Tu te souviens de ce jour ? J'avais organisé toute une réception pour accueillir mon nouveau Mangemort que j'attendais avec impatience, celui que j'étais censé tatouer de ma marque, le soir-même. Mais tu n'es jamais venu. Tu m'as fait attendre indéfiniment, et devant tous mes fidèles. Tu n'as même pas pris la peine de m'annoncer un quelconque refus, tu as juste disparu. C'est une humiliation qui aurait dû te couter la vie.
- Vous avez pris celle de mon père, ce soir-là.
- C'est exact. Ma bonté a voulu te donner une seconde chance.
Drago ricana.
- Ce n'était pas de la bonté, répliqua-t-il, tentant de calmer le flot de colère qui s'emparait de lui. Vous aviez besoin de moi, car j'étais un Mangemort bien plus prometteur que tous les autres.
Drago sentit alors comme une lame lui trancher l'estomac en deux, et ses genoux s'affaissèrent sous la douleur.
- Tu parleras quand je t'en donnerai l'autorisation, entendit-il la voix posée de Voldemort. Tu es trop prétentieux, Drago. Je te l'ai déjà dit. Tu me crois réellement dépendant d'un pauvre idiot de ton âge ? Lord Voldemort n'a besoin de personne pour construire son nouveau monde, et il n'y a que toi pour te penser indispensable à ses projets !
- Pourquoi continuer de me traquer pour vous rejoindre, dans ce cas ? siffla Drago entre ses dents serrées par la douleur.
- Comme je te l'ai dit, je t'ai donné une seconde chance, après ton comportement intolérable. Je t'ai donné jusqu'à la fin de l'année scolaire pour prendre une décision : me rejoindre, ou mourir. Je t'ai même sauvé la vie, alors que tu allais recevoir le baiser du Détraqueur au ministère. Générosité que tu as refusée, une fois de plus. Cette insulte à la dette que tu avais envers moi m'a mis dans une colère noire, Drago. Jusqu'à ce que j'apprenne la raison de cet entêtement...
La porte s'ouvrit, et Drago vit avec horreur Lisa Scrimgeour venir se tenir aux côtés du Lord. Il savait qu'elle était un Mangemort, mais s'était toujours demandé comment Voldemort avait été mis au courant de son histoire avec Hermione. La peste ! Elle lui avait juré ne pas être une espionne, à l'époque, et avait sûrement menti dans le seul but de rester sa petite amie.
- Cette chère Lisa m'a conté ta petite aventure avec cette Sang-de-Bourbe, continua-t-il. J'avoue ne pas y avoir cru une seconde, au début. Cependant, l'amour est quelque chose dont je connaissais la force pour avoir été jadis détruit par celui de la famille Potter, et il se trouvait donc possible que ce soit cette folie passagère qui t'empêchait de retrouver ta raison. Mais, avant même que je ne puisse y mettre un terme, ton histoire s'est envolée d'elle-même. J'ai presque eu pitié de toi, en apprenant que la petit sotte t'avait joué un tour. J'espérais même récolter ta haine pour pouvoir te récupérer mais, malgré tout cela, tu as tout de même fait le choix de t'enfuir à la fin de l'année. Ton message insolent est bien passé, ce jour-là ; tu m'as ouvertement défié d'essayer de t'attraper.
- Ce qui revient à ma question initiale, s'impatienta Drago, à nouveau debout. Pourquoi continuer de m'envoyer vos stupides messagers qui me demandent de revenir et que je tue un par un ?
- Parce que je savais que la souffrance infligée par Granger entraînerait forcément une haine destructrice à un moment ou à un autre, et que, ce jour-là, je serais prêt à l'accueillir et la mettre au profit de meurtres qui soulageraient et apaiseraient ta douleur. Mais j'ai trouvé le temps long. Trop long. J'avais beau attendre, tu ne venais pas, comme si tu ne ressentais pas le besoin de te venger. J'ai alors pris la décision d'accélérer les choses, et ai commencé à te transmettre mon impatience.
Drago serra les poings.
- J'ai reçu le message, dit-il froidement en essayant de chasser de sa tête les images de sa mère et de Blaise.
- J'avais ordonné que Narcissa ne souffre pas, dit-il alors, mais les Mangemorts ont voulu être créatifs.
Drago se mordit les joues jusqu'à sentir le goût du sang dans sa bouche. Ça allait être beaucoup plus dur que prévu. 
- Je sais pourquoi tu es là, Drago... souffla alors sa voix de glace.
Ce dernier leva les yeux vers les profondeurs infinies de la large cagoule noire qui s'adressait à lui, le cœur battant.
- Tu sais que je m'apprête à tuer Hermione Granger, et tu es là pour m'en empêcher.
Un silence d'angoisse s'installa quelques secondes, avant que Drago, le visage aussi impassible que possible, réponde enfin :
- C'est exact.
Voldemort ne dit rien et attendit, signe qu'il était autorisé à poursuivre. Ce qu'il fit :
- J'avoue avoir envisagé de nombreuses fois me venger de Granger, mais n'ai jamais trouvé le courage de le faire... jusqu'à ce que cet abruti de Weasley vienne m'apprendre que vous comptiez la tuer. Qu'elle vive m'est égale, mais qu'elle meure par une autre baguette que la mienne est tout simplement inconcevable. Alors, oui, je suis là pour vous empêcher de la tuer. Et, si je le pouvais, je vous demanderais même de la laisser en vie. Mais, bien sûr, vous la tuerez quand même, quoi que je dise. C'est pourquoi, si cette fille de moldus doit mourir, c'est à moi que revient cette tâche. Je ne prendrai aucun plaisir à le faire, mais je n'ai pas d'autre choix si c'est le seul moyen de faire ce qui doit être fait : elle m'a humilié, et être celui qui mettra fin à ses jours est un rôle qui me revient de droit.
- Pourquoi t'accorderais-je ce privilège, dit Voldemort d'un ton dangereux, toi qui ne mérite rien d'autre que l'enfer pour ton insolence ?
- Parce que je suis ici, répondit fermement Drago. Pour vous, avec vous. C'est ce pourquoi vous avez tué tous ceux qui m'empêchaient de vous rejoindre, non ? Vous continuez de me désirer à vos côtés, et je viens m'offrir.
- Trop généreux, ironisa Voldemort, l'air irrité. Que dois-je faire pour te remercier d'un tel cadeau inespéré ? M'agenouiller devant toi ?
Drago sentit alors un début de panique briser son assurance lorsque le Mage Noir se leva de son trône, se redressant de toute sa hauteur.
- Ma baguette me démange les doigts, dit-il alors. Je devrais te tuer sur le champ pour autant d'insultes de ta part ! Me parler comme si l'on était égaux, toi et moi ! Comme si ta venue était un présent inestimable ! Il est temps que je te remette à ta place, Drago Malefoy.
Ce dernier se sentit alors incapable de bouger, paralysé. Son cœur bondit soudain dans sa poitrine, et Drago le sentit battre de façon atrocement douloureuse, comme s'il essayait de trouer son torse pour s'échapper. Son corps figé s'écroula contre le tapis poussiéreux, tandis que sa respiration s'arrêtait et que ses veines tentèrent de se déraciner à leur tour.
- Arrêtez, Maître, s'il vous plaît ! s'était alors élevée la voix suppliante de Lisa.
- Pardon ? demanda Voldemort en tournant ses pupilles rouges sang vers elle. J'ai cru t'entendre me donner un ordre ?
Lisa baissa ses yeux humides.
- Non, souffla-t-elle. Non, je n'ai rien dit.
Voldemort reporta son attention sur le garçon agonisant, et dit :
- Tu as pris un risque immense en venant ici, Drago. Tu as beaucoup trop confiance en toi. Mais c'est une qualité que j'encourage. Voilà comment ça va se passer, maintenant. Écoute bien...
Les yeux exorbités de souffrance, Drago retrouva alors sa mobilité et plaqua aussitôt ses deux mains contre sa poitrine, empoignant son cœur qu'il croyait échappé. La respiration bruyamment saccadée, il resta allongé, tandis que son nouveau Maître poursuivait :
- Je vais t'accorder ce que tu désires, Drago. Et cela, par pure bonté. N'est-ce pas que c'est de la bonté ?
Il se tut, et attendait donc une réponse. Drago n'eut d'autre choix que de souffler un « oui » d'une voix faible.
- Bien. Je suis ravi que tu le penses aussi, reprit Voldemort. C'est toi, qui tuera la Sang-de-Bourbe. En échange, tu vas me ramener ce que je désire, et que toi seul est en mesure de me rapporter. Eh bien oui, mon cher Drago, si je m'acharne à te récupérer, ce n'est pas parce que tu vaux de l'or, comme tu sembles le croire avec prétention. C'est parce que tu es le propriétaire d'un cœur de Bulborbus, et que seul ta main, ainsi que celle de la fille, ont le pouvoir de s'en emparer.
Drago ferma les yeux, confus. De quoi parlait-il ? Le cœur de Bulborbus... N'était-ce pas la petite chose violette qu'il avait retirée d'une plante, il y a fort longtemps ? Pourquoi diable est-ce que Voldemort parlait de ça ?
- Mes sources du ministère m'ont récemment appris que mes fréquentes visites chez un peuple de vampires ont été repérées, et que le ministère compte bien s'y pencher de près. J'ai ordonné à ce qu'elles s'arrangent pour que Granger soit placée sur cette affaire, et qu'elles glissent la proposition d'un garde du corps : toi. Tu vas faire ta réapparition, Drago. Tu prétendra vouloir te racheter, et le ministère t'accordera ta libération ; ils sont bien trop désespérés pour refuser une aide telle que la tienne, quelle qu'en soient les risques. Tu auras donc Granger à tes côtés en permanence, et tu te débrouilleras pour qu'elle accepte de te donner le cœur de Bulborbus. Mets ton charme à l'épreuve, ça ne serait que justice, après tout. Une fois cela fait, remets-moi le cœur en personne, et tu auras alors tout le loisir de savourer ta propre vengeance. 
- Je lui ai fait cadeau de ce cœur il y a très longtemps, dit Drago en se relevant. Il y a peu de chance qu'elle l'ait gardé.
- Elle ne s'est jamais séparée de son collier, assura Voldemort.
Cette nouvelle le perturba légèrement, mais il n'en laissa rien paraître.
- Pourquoi ce cœur là ? demanda-t-il alors. Il en existe sûrement des centaines d'autres.
- Non. Ils sont rares, et tu en détiens un. Pourquoi chercher plus loin ? Je le veux, et tu vas me le rapporter. Je t'interdis de poser la moindre question à ce sujet, désormais.
Drago fit signe qu'il avait compris. Cette histoire était bizarre, mais ne l'intéressait pas. Ce cœur de Bulborbus dont il avait oublié l'existence avait probablement des propriétés magiques utiles au règne de Voldemort, et ce n'était pas du tout ses préoccupations premières. Ce sur quoi il devait se concentrer, c'était la sécurité d'Hermione, et il avait là une occasion en or de se trouver à ses côtés pour la protéger. 
Malheureusement, il avait crié victoire trop tôt.
- Une dernière chose, Drago, dit la voix froide du Seigneur des Ténèbres. On m'a rapporté l'assassinat de mon propre prisonnier, Ronald Weasley. Mes fidèles m'ont décri la scène, et la façon dont tu as négligemment tué le jeune homme de sang froid. Et cela, parce qu'il t'avais demandé de l'aide, je me trompe ?
- Non. Il a eu l'impudence d'exiger de moi que je sauve Granger. C'est insultant de penser que je puisse faire une telle chose après qu'elle m'ait fait souffrir. Je pense qu'il a compris ma réponse.
- Je suis impressionné...
Drago devina le sourire qui étirait ses lèvres de serpent.
- Je ne pensais pas que tu aurais le cran de tuer un être si cher aux yeux de Granger. Cependant, même si cet acte m'apporte la preuve de ta colère envers la fille, laisse-moi prendre mes précautions...
Il s'avança si près de lui que Drago sentit son souffle rauque et chaud érafler ses joues.
- Une fois que tu m'auras rapporté ce que je désire, si je n'ai pas la preuve de la mort de notre petite Sang-de-Bourbe dans les heures qui suivent, c'est moi, qui me chargerait de la tuer. Est-ce clair ?
- Oui, répondit Drago d'un ton indifférent malgré les tambourinements soudains de son cœur. Mais cela ne sera pas nécessaire ; je ne manquerai mon occasion de la tuer pour rien au monde.
- Eh bien, espérons-le pour toi...
Drago put enfin se relever, et faire de nouveau face à l'imposante forme noire dont les pupilles scintillaient de cruauté.
- Je veux que tu me tienne au courant, ordonna le Seigneur des Ténèbres. J'enverrai fréquemment des fidèles pour que tu leur fasse un rapport de ce qu'il se passe, sans oublier les détails de l'avancée de la mission de Granger, car cela m'intéresse fortement. Il vaut mieux pour toi que tu ne tentes rien de stupide, Drago, parce que tu ne seras jamais seul. Je garderai constamment un œil sur toi, quoi que tu fasses. J'espère que tu as bien compris.
- Oui.
- Bien. Lorsque tu auras mis la main sur le cœur de Bulborbus, rapporte-le moi directement au château, sixième étage.
- Je ne peux pas transplaner à Poudlard, répliqua sombrement Drago, sachant très bien où le Lord souhaitait en venir.
- Tu le pourrais, si tu portais la marque...
Drago eut un rictus mauvais.
- Vous avez fait tuer ma propre mère, cita-t-il alors, une boule en travers de la gorge. Vous avez fait tuer mon meilleur ami, et tué vous-même mon père. Tout ça, pour me punir moi. Et vous désirez me voir porter une marque d'adoration ? De respect ? Je crois qu'il va me falloir refuser votre généreuse offre. Je suis ici parce que je n'ai pas le choix, non par volonté de vous servir, et vous le savez.
- Oui, je le sais, répondit Voldemort d'une voix étrangement posée. Je n'en attendais pas moins de ta franchise. Cependant, ne commets pas l'erreur de croire que nous passons un marché. Nous ne sommes pas ici d'égal à égal, je te l'ai dit. Je pourrais te tuer à n'importe quel moment, alors considère bien ta chance.
- Je connaissais les risques en venant ici. Vous ne m'entendrez jamais vous appeler « Maître », parce que vous ne l'êtes pas. J'ai fait le choix d'être indépendant il y a maintenant deux ans, et c'est la même personne qui se tient devant vous. Si cela n'est pas concevable, autant me tuer sur le champ, car je ne jouerais pas l'hypocrite sur la colère que je ressens à votre égard.
- Tout comme je ne cache pas mépriser la petite personne que tu es, Drago Malefoy. Malgré tout, je ferai en sorte que tu puisses transplaner à Poudlard, car tu ne peux me donner le collier que directement. Apporte-moi le corps d'Hermione Granger, par la même occasion.
Drago déglutit, puis hocha la tête, avant de dire :
- Je crains que votre plan contienne une faille, Lord...
- Surprend-moi.
- Comment pourrais-je vous donner ce que vous ne pourrez toucher ?
- Une fois de plus, tu fais l'erreur de me sous-estimer. Sache simplement que je compte sur la Sang-de-Bourbe pour faire le travail à ma place, et c'est pourquoi elle doit rester en vie jusque là.
Drago ne comprit absolument rien, mais n'insista pas. Il demanda ensuite à se retirer, ce que Voldemort permit après lui avoir répété de ne pas s'essayer à un jeu qui n'était pas de son niveau.
Il franchit donc la porte avec un regard encore plus gris que l'acier, et une aversion si profonde envers le Lord qu'elle n'en était même plus supportable. Il aurait voulu le tuer de ses propres mains, lui hurler à quel point ils le répugnaient, lui et ses maudits fidèles complètement soumis, assassins et fiers.
- Drago ! appela Lisa, courant derrière lui.
En entendant cette voix qui lui saignait presque les oreilles, Drago pressa le pas, sentant une envie de meurtre incontrôlable et dangereuse s'emparer de lui. Mais elle le rattrapa, et se posta devant lui. Drago recula aussitôt, serrant ses poings pour s'empêcher de prendre sa baguette. Il allait la tuer, Merlin il allait la tuer.
- Tu ferais mieux de t'en aller, réussit-il à articuler, plus sincère que jamais.
- Ne m'en veux pas, Drago, supplia-t-elle alors, ses grands yeux bleus plongés dans son regard de glace. Tout ce que j'ai fais, je l'ai fait uniquement pour toi ! Il fallait que je t'ouvre les yeux sur cette peste de Sa...
En moins de temps qu'il n'en faut pour le dire, elle se retrouva plaquée contre le mur, un bras sous le cou lui coupant la respiration.
Drago appuyait de plus en plus fort. Il voulait qu'elle meure. Il voulait voir ses yeux océan s'éteindre à jamais, il voulait défigurer son expression de petite fille innocente, il voulait ne plus jamais sentir ce parfum qui lui donnait envie de vomir, il voulait la tuer.
Après un effort plus difficile que tout ce qu'il n'avait jamais eu à faire, il desserra son étreinte. Lisa s'écroula à ses pieds, toussant et luttant pour faire à nouveau entrer de l'air dans ses poumons. 
Il avait besoin de cette fille, il le savait. Elle serait un argument de plus pour prouver à Voldemort sa croix définitive sur Hermione. Et puis, cette idiote sans cervelle serait facile à manipuler si besoin était. Le plus dur, ce serait de la laisser en vie durant tout ce temps.

Tout le monde peut tomber amoureux Malefoy...Où les histoires vivent. Découvrez maintenant