Chapitre 27 : Le piège

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Lorsque Drago l'avait légèrement secouée pour la réveiller, Hermione avait eu l'impression que quelques minutes seulement s'étaient passées entre le réveil et le moment où elle s'était recouchée.
- Quelle heure est-il ? avait-elle demandé d'une voix pâteuse.
- Cinq heures.
Hermione avait laissé sa tête retomber sur l'oreiller, se demandant pourquoi il était si nécessaire de partir aux aurores. Mais Drago lui avait retiré le drap d'un coup sec, et demandé de se dépêcher. Sa voix semblait fatiguée et sa nuit d'insomnie se confirma par ses cernes violacées ainsi que son humeur massacrante.
Il ne parla pas de toute la matinée, répondait aux questions de Hermione par des brefs hochements de tête ou les rares mots qu'il prononçait ne variaient qu'autour de « hum », « ouais », « je sais pas ».
- Hermione un peu d'énergie ! lança Richard.
Assise devant son petit déjeuner, celle-ci sursauta et releva mollement la tête. Il rigola et lui décolla le toast beurré de sa joue.
- Allez motives-toi ma chérie, tu pars en mission ! dit-il tel un gamin avec ses héros de bande dessinés dans la tête.
- Richard je vais rencontrer des...
Le mot se bloqua dans sa gorge, encore trop terrifiant.
- Oui mais Monsieur Malefoy m'a assuré tout à l'heure que tu ne craindrais absolument rien tant que tu l'écouterais. Ah tiens le voilà justement, où sont les toasts que je lui ai préparé ?
Douché, parfumé, et déjà vêtu de son long manteau noir, Drago entra dans la cuisine, toujours avec cet air sombre.
- Tenez, prenez des forces ! dit Richard en lui installant son plateau impeccablement décoré de toasts, de confitures, d'œufs et de bacons.
Surpris, le jeune blond le remercia poliment et s'installa en face de Hermione qui n'osait pas lever les yeux vers lui.
Il lui en voulait, c'était sûr. Il s'efforçait au mieux de la protéger en respectant les termes du contrat à la lettre, la prévenait sans cesse qu'elle était désormais l'une des cibles première des Mangemorts, et que trouvait-elle à faire ? Sortir en pleine nuit toute seule et sans sa baguette magique. Hermione se maudissait de cette erreur, combien de temps cela prendrait-il avant qu'il ne lui adresse à nouveau la parole ?
Incapable d'avaler quoi que ce soit, la jeune femme sortit soudainement de la cuisine et partit préparer ses affaires. Elle ne prit qu'un sac avec sa baguette magique, des habits de rechange, des livres sur les créatures dangereuses en espérant trouver quelque chose sur les vampires, des provisions, un peu de maquillage pour rester présentable et une trousse de secours étant donné ses faibles capacités magiques en tant qu'infirmière. Au pire, elle n'aurait qu'à transplaner si quelque chose lui manquait.
- Il est temps de partir, annonça une voix derrière elle.
Hermione se retourna vers la porte de sa chambre mais il avait déjà disparu. Elle souffla longuement, s'en voulant plus que jamais. S'il commençait à l'éviter ainsi, c'était la mission qu'il mettrait en péril. C'est pourquoi elle se promit de lui parler aussitôt qu'ils seraient loin d'ici.
Hermione prit ses affaires et descendit dans le salon. Richard, excité et débordant d'énergie, exposait le cours qu'il avait récemment donné à ses élèves sur le Cerbère, chien à trois tête que Hermione connaissait parfaitement pour en avoir rencontré un lors de sa première année. Drago écoutait d'une oreille distraite, le regard ailleurs. Richard était le genre de personne avec qui vous n'étiez pas obligé de faire semblant d'être intéressé, il pouvait parler pendant des heures, qualité fortement recommandée lorsqu'on enseignait la Mythologie ancienne dans une université d'étudiants.
Elle arriva près d'eux et Richard abandonna sa victime pour aller lui dire au revoir. Hermione aurait voulu que Drago ne le voit pas l'embrasser, mais une autre partie d'elle se disait que ça l'aiderait sûrement à se faire une raison une bonne fois pour toutes. Faudrait-il encore qu'elle-même réussisse à s'en faire une...
- Tu vas me manquer, lui murmura Richard, soudain très émotif.
- Ne fais pas cette tête là, le rassura-t-elle. Tout va bien se passer, c'est toi-même qui me l'as dit. Tu ne t'inquiètes pas d'accord ?
- Promis, souffla-t-il. Je...je t'aime.
- Moi aussi, dit-elle avant de l'embrasser à nouveau.
Lorsqu'elle se détacha de lui, ses yeux ne purent s'empêcher de virer vers Drago. Ce dernier fixait intensément le mur, comme pour canaliser sa colère, ou bien sa peine. Les deux sûrement... Richard toussota légèrement et lui tendit une main chaleureuse :
- Au revoir monsieur Malefoy, ravi d'avoir fait votre connaissance. Je ne comprends pas que votre monde vous considère comme un Mange la Mort, vous êtes quelqu'un de très bien.
- Mangemort, corrigea Hermione.
Drago regarda sa main tendue mais ne la serra pas.
- Merci de m'avoir accueillit pour cette nuit, porte toi bien Richy, dit-il simplement avant de franchir la porte.
Hermione sourit une dernière fois à son petit ami et sortit dehors à son tour.
La nuit était encore très sombre, et le froid lui mordit la peau des joues qui n'était pas enfouie dans son épaisse écharpe blanche. Un petit vent glacé s'éleva et la transperça toute entière, son manteau de coton ne devait pas être assez épais et un pull de plus aurait été le bienvenu. Néanmoins elle ne dit rien et se contenta de suivre la silhouette sombre devant elle qui s'enfonçait dans la rue. Ce n'est que lorsqu'ils passèrent sous un lampadaire dont la lumière était très faible que Hermione entraperçut sa baguette magique dépasser de sa manche, et son visage tendu par la colère.
Ils n'avaient pas reparlé une seule fois de ce qu'il s'était passé la veille. Encore sous le choc, Hermione se souvint avoir été porté jusqu'au lit sans un mot, se remémora son beau visage inquiet penché au dessus du sien. Un baiser sur le front, il l'avait laissée s'endormir, et après être aller s'asseoir sur un fauteuil proche comme s'il gardait une malade, avait veillé sur elle le reste de la nuit... Richard n'avait rien su, il n'aurait pas tenu le choc : Hermione désirait le garder éloigné le plus possible de son monde, il avait suffisamment de problèmes comme ça et son inquiétude ne lui servirait à rien. Quant à l'homme qui marchait devant elle, tendu comme un piquet, le silence devint vite insupportable. Aussi décida-t-elle qu'il était temps de lui parler :
- Malefoy, souffla Hermione dont la voix se perdit dans la nuit noire.
Il s'arrêta aussitôt de marcher, mais ne se retourna pas. Elle le rejoint tête baissée et c'est d'une voix timide et gênée qu'elle prit la parole :
- Je suis désolée. Vraiment, vraiment désolée.
Elle sentit son regard dur et froid se poser sur elle, et s'interdit de lever la tête avant d'avoir fini de s'excuser :
- Je n'aurais jamais du m'éloigner ainsi toute seule, c'était idiot de ma part après tous tes avertissements. J'aurais du les prendre au sérieux, s'il te plaît excuse moi...
Malgré tous ses efforts, Hermione n'avait pas réussit à empêcher le sentiment de culpabilité lui nouer la gorge et elle ne put dire un mot de plus. Elle ne supportait pas le savoir en colère contre elle, cela lui rappelait tellement l'époque où il lui en avait voulu après leur rupture, ses regards noirs et ses mâchoires serrées lui donnaient envie de s'enfoncer sous terre.
Le silence qui suivit la terrifia. Puis, soudain, il lâcha un petit rire. Un rire froid et sans humour. Le cœur de la jeune femme passa à la vitesse supérieur, elle mordit sa lèvre inférieur pour s'empêcher de lui dire qu'il n'était pas obligé de la rabaisser encore plus, la tristesse cédant place à la colère.
- Hermione...murmura-t-il les yeux vers les étoiles. Tu ne changeras jamais.
Celle-ci leva enfin la tête vers lui, étonnée. Qu'avait-elle encore dit ?
- Je n'arrive pas à croire que tu t'excuses, lâcha-t-il dans un souffle.
Hermione était littéralement perdue. Ses traits s'étaient adoucis mais son ton restait sec.
- Excuse-moi, bredouilla-t-elle, confuse. Je pensais que...
- Je t'en prie Hermione arrête ! explosa soudain Drago en plongeant son regard gris dans le sien. Cesse de t'excuser sans arrêt c'est pénible !
Hermione avait sursauté, et le regardait à présent avec des yeux démesurés.
- Je pensais que tu étais en colère, tenta-t-elle tout de même, incapable de réagir face à l'emportement du jeune homme.
- Oui je suis en colère ! rugit-il. Je suis furieux même ! Furieux contre moi et contre ma stupidité !
- Qu'est-ce que...
- Hermione ! la coupa-t-il en la prenant brusquement par les épaules. Cela fait moins de vingt quatre heure que l'on m'a confié ta protection, et j'ai déjà été incapable de veiller sur toi ! Je m'en veux terriblement ! A moi d'accord ? Je suis en faute, pas toi ! J'aurais du être là, j'aurais du te protéger au lieu d'attendre bêtement ton retour ! Et comme si ce n'était pas suffisant je me débrouille pour te faire culpabiliser ! Heureusement que j'ai entendu les Mangemorts crier, si j'étais arrivé quelques secondes plus tard, je...tu...
Il s'interrompit, comme si le seul fait de d'imaginer la suite lui donnait la nausée. Il relâcha la pression de ses mains et s'écarta quelques mètres plus loin, les mains jointes sur sa tête de nouveau dirigée vers l'aube naissante, essayant de reprendre le contrôle de soi.
Dans son dos, Hermione demeurait immobile, les yeux fixés vers le sol mais l'esprit tourné vers son âme sœur. Alors, lentement, elle s'avança sur la route et s'arrêta à quelques centimètres de lui. Toujours tourné vers le ciel qui s'éclaircissait de minutes en minutes, Drago ne vit pas la jeune femme tendre la main vers lui et se figer de nouveau. Elle hésita longuement, puis finit enfin par se décider à poser doucement sa main contre son dos. Hermione le sentit se raidir à son contact, et dit d'une voix assurée :
- Tout ce que je sais Malefoy, c'est que hier soir tu m'as sauvé la vie, et pour ça je t'en serai éternellement reconnaissante...
Il se retourna et la contempla longuement. Enfin, il sourit. Hermione avait l'impression que cela faisait une éternité qu'il n'avait pas souri, et son cœur sembla respirer beaucoup plus facilement.
- Tu ne m'en veux même pas, constata-t-il en secouant la tête de façon incrédule. Tu es quelqu'un d'incroyable Granger, tu sais ça ?
- Tu exagères, répondit-elle les joues pas uniquement rosies par le froid. N'importe qui d'autre ne t'en aurais pas voulu.
- N'importe qui d'autre ne se serait pas perdu dans un tas d'excuses comme tu l'as fait. Il me semble t'avoir déjà prouvé ta différence non ?
Hermione se rappela avec mauvaise humeur la fois où Drago lui avait montré ce que pensaient d'elle les élèves, la jugeant sans la connaître réellement, tout comme lui d'ailleurs.
- Je t'avais dit à quel point tu valais beaucoup mieux qu'eux, tu te souviens ? sourit Drago en devinant ses réticences au souvenir.
- Je me souviens plutôt avoir été traitée de vieille fille, répliqua-t-elle en fronçant les sourcils.
Drago rigola.
- Pourquoi tu ris ? demanda-t-elle.
- Je repense à l'époque de Poudlard, avoua-t-il. A ma ridicule obstination à me cacher la vérité sur mes sentiments. J'avais réellement dit « mieux », et pas « vieux ».
Hermione ne put s'empêcher de sourire à son tour en constatant qu'à cette époque, elle ne se doutait pas un instant qu'elle était déjà en train de faire tomber le grand Drago Malefoy sous son charme. A vrai dire, elle aussi ignorait qu'en le fréquentant, elle était en train de se nourrir petit à petit d'une drogue vitale dont elle souffrirait cruellement du manque plus tard...
- Allons-y, déclara-t-il pour briser le silence gênant.
Hermione acquiesça, contente de changer de sujet.
- Où va-t-on au fait ? demanda-t-elle en réalisant qu'ils marchaient sans but précis. Pourquoi ne transplanons-nous pas ?
- Après l'attaque de hier soir, j'ai lancé des sortilèges de protection sur une bonne partie de la ville, on ne peut plus transplaner. J'aurais du y penser bien avant.
- Arrête de te torturer pour ça, c'est du passé. Mais pourquoi y allons-nous à pied ? J'ai une voiture tu sais ?
Drago bougonna quelque chose comme « ce n'est pas si loin ». Apparemment il n'avait plus trop envi de s'essayer à la vie moldue, les remarques de Charlie sur son ignorance l'avaient sûrement vexé plus qu'il ne le laissait croire.
Une bonne demi-heure plus tard, Drago s'arrêta enfin avant de déclarer que les sortilèges s'arrêtaient à peu près à cet endroit. Ils se trouvaient en plein milieu d'un passage piéton qui séparait deux immenses trottoirs, non loin d'un bâtiment qu'elle reconnut comme la mairie. Hermione prit la main que Drago lui tendit et retrouva aussitôt les sensations de bien être et de douceur que lui procurait son transplanage parfait.
Alors qu'elle s'attendait à ouvrir les yeux sur une étendue d'herbe verte s'étalant sur une distance infinie, Hermione fut surprise de se retrouver devant la cabine téléphonique qui menait au Ministère de la Magie.
- On ne va pas en Nouvelle-Zélande ? s'étonna-t-elle.
Drago rigola. Cette habitude qu'il avait prise de se moquer d'elle l'insupportait au plus haut point. Ne pouvait-il pas rester le Drago doux et adorable qu'elle aimait tant plus de dix minutes, bannissant à jamais le petit Malefoy arrogant ?
- La Nouvelle-Zélande se trouve à des milliers de kilomètres d'ici, dit-il en lui tenant la porte de la cabine ouverte.
Hermione entra, rouge de honte. Elle aurait du se douter que Drago, aussi doué soit-il, ne pouvait pas transplaner une distance aussi grande. Elle enchaînait les erreurs en dévoilant ses lacunes en matière de transplanage et ce fut la première fois de sa vie qu'elle eut peur de perdre son titre de miss je-sais-tout. Ils arrivèrent au ministère, qui à la grande surprise de la jeune femme, n'était pas désert. En effet, même à six heures du matin cet endroit restait bondé de sorciers et sorcières courant dans tous les sens, une dizaine de dossiers sous le bras. Hermione fut heureuse de voir tant de gens continuer d'agir contre cette guerre qu'ils ne considéraient pas comme perdue, et pour la première fois regarda réellement sa mission comme une nécessité pour leur monde et une grande fierté d'avoir été choisie pour l'accomplir.
- Voyez comme vous leur avez redonné espoir Miss ?
Elle se tourna vers cette voix familière et adressa un bonjour timide à Bernard qu'elle n'avait pas vu arriver.
- Hier encore, poursuivit-il, le peu de membres du ministère qui restait n'étaient occupé qu'à répondre aux appels incessants des familles en pleurs qui réclamaient une recherche de plus, et leur répondait que toutes leurs équipes d'aurors étaient déjà mobilisées et qu'il leur faudrait patienter. Depuis que la presse a annoncé votre réapparition et votre volonté à nous aider de nouveau, des cinquantaines de sorciers assez doués ont accouru hier, réclamant vouloir aider bénévolement aux enquêtes avec les aurors ainsi qu'ici même, aux recherches du ministère. Évidemment, en ces temps sombres, toute aide est la bienvenue et un sentiment d'espoir règne de nouveau dans tout le bâtiment. Ne le sentez-vous pas, Miss Granger ?
Emue, celle-ci ne répondit pas.
- Ne traînons pas, déclara fermement Drago à l'adresse de Bernard.
Il s'empressa des les conduire au deuxième étage, dans une pièce qu'Hermione n'avait jamais vue auparavant. Elle était très petite et ne renfermait que de vieux objets sans intérêt apparent : des clefs rouillées, un coussin déchiré, des vêtements sales, des livres poussiéreux, une lampe cassée...
- Le vôtre est celui-ci, annonça Bernard en pointant du doigt une plante verte séchée. Bonne chance les enfants, que Merlin vous garde.
Drago prit la main de Hermione :
- A trois, dit-il. Un, deux, trois !
Ensemble, ils saisirent le pot en argile et s'envolèrent dans un tourbillon de couleur, à l'autre bout du monde...

Tout le monde peut tomber amoureux Malefoy...Où les histoires vivent. Découvrez maintenant