Scène 3 - La fin.

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"En fermant les yeux, elle sentit son cœur s'emballer. Des nausées envahirent son corps et bientôt, un voile noirâtre couvrit son visage. En rouvrant ses prunelles, le désastre fit son apparition. Ce n'était plus dans la cuisine du Docteur Gaster qu'elle se trouvait. Mais elle était de retour en Enfer."

°°°

Le temps fila comme une étoile pendant les Perséides. Le Terre avait presque fait un tour complet, et Frisk avait troqué son teint pâle contre des joues rosées. Ses cernes qui cerclaient ses yeux, véritables Mange-morts orbitaux, s'en allèrent alors que les quantièmes suivaient la courbe exponentielle.

Sans ne refit jamais apparition. Ni Flowey. Ni personne d'autre. Tandis qu'elle sortait de sa chrysalide, plus aucune ombre ne planait au-dessus de ses maigres épaules. Plus aucune ombre ne viendrait jamais la tourmenter... N'est-ce pas?


Le docteur s'était pris d'affection pour elle. Tous les matins, elle se devait de consommer, en contre partie de cet amour paternel inouï, une petite fiole de liquide transparent, aux senteurs de musc et de benzène. Selon lui, c'était la solution miracle qui la garderait dans un état stable pour le reste de son existence.

Les premiers mois furent les plus heureux qu'elle n'ait jamais pu vivre. Ses nuits étaient complètes, ses songes vides. Plus vide que le néant. Plus vide que les abysses. Gaster était aux petits soins pour elle, et faisait toujours attention à ce qu'elle ne manque de rien. Elle commença par s'intéresser à l'art, dont le cabinet du docteur était bien pourvu, et très vite, elle porta toute son attention sur la médecine.

Son mentor lui fit découvrir le monde complexe et fascinant des molécules, des réactions et des  remèdes, qui la plongea dans un enthousiasme sans borne. Elle voulait devenir comme lui, apprendre à guérir le monde tout comme elle avait été guérie. Mais par dessus tout, elle était désireuse de comprendre le mal qui l'avait frappée. D'où venait Sans? L'Underground? Tant de questions restées cachées, par peur de réveiller les Démons. Tant de questions qu'elle pouvait à présent se poser sans crainte d'éveiller quiconque.

Elle apprit alors à déchiffrer des manuscrits de plus en plus minutieux, aux termes de plus en plus obscurs, repoussant ses limites à chaque fois. Une avidité inconnue se logea au creux de ses entrailles. Cette avidité-même qui lui soufflait que les réponses qu'elle convoitait tant se trouvait parmi ces manuscrits. Une petite voix se logea dans son oreille, et ne la quitta plus, jusqu'à ce qu'elle trouve, caché dans une salle habituellement verrouillée, ce qui sembla être son Graal. 

Un ouvrage poussiéreux, mais d'une taille colossale, qu'elle peinait à transporter avec ses petits bras, promettait des longues nuits de lecture, de déchiffrage, de recherches.

Par une soirée d'orage, Gaster, éreinté de sa journée de dur labeur, s'était endormi sur le divan de la salle principale, un de ses propres manuscrits à moitié complété reposant sagement sur ses genoux. Initialement, le livre reposait tout en haut de l'étagère d'une salle d'où le docteur défendait d'entrer. Profitant de ce moment d'absence, la fillette se glissa dans ladite salle et la balaya du regard. Une petite bibliothèque, de quelques mètres carrés, était emplie d'ouvrages empilés les uns sur les autres. La marée d'encyclopédies fit perdre à Frisk ses moyens le temps d'un instant. Elle perdit son regard dans l'immensité de savoir, accumulé là, ne demandant qu'à se transmettre. 

La voix brumeuse du docteur la tira de sa contemplation. Dans un geste précipité, elle attrapa celui qui était le plus à sa portée, et se faufila en quelques instants dans sa chambre, glissant le manuel sous son lit.


Le crépuscule prit son temps avant de se faner, et elle le passa en compagnie de son père de substitution. Mais vint le temps où Frisk défia Morphée, la regardant droit dans les yeux. Elle fit couler les secondes obscures en papillonnant des cils au gré de sa lecture, et de son émerveillement croissant.

A sa surprise, l'ouvrage n'était pas comme tous les autres. Il renseignait des cas concrets classés chronologiquement, des témoignages, des explications et des remarques datant des siècles passés, traversant les âges, le temps. Le papier jaunis avait une forte odeur de poivre, chatouillant les narines de la jeune fille. C'est avec émerveillement qu'elle en lut les quelques premières pages, inspectant la calligraphie certaines, de jais, appliquée. La plume pointue et experte relatait ce qui s'appelait "Démence psychotique". 

Les nuits défilaient à toute allure et Frisk arriva au bout des quelques premières pages. Vint alors le tour d'un deuxième patient, similaire, mais aux hallucinations plus étranges et plus... Réelles. Des esquisses d'explications étaient avancées, telles que la consommation d'éther, ou le charbon des mines en quantités trop important dans le sang du patient.

C'est ainsi que la jeune fille s'enfermait après souper, et utilisait la quasi-totalité de ses heures de sommeil pour engloutir ce colosse. Tant et si bien qu'il lui fallut un nombre incalculable d'heures afin d'en voir les dernières ébauches. Au fil de sa lecture, les lettres changeaient de formes, laissant ainsi comprendre que le livre était passé de génération en génération. Elle put également se rendre compte des progrès de la médecine, de la compréhension du phénomène. Ce qui la plongeait et la retenait par des chaînes lourdes et puissantes était la similitude entre les cas recensés et sa propre expérience, ainsi que le sentiment si fort que toutes ses réponses se trouvaient là, juste sous son nez. 

Sans, qui es-tu? Es-tu réel?


Vinrent enfin les dernières pages. La dernière page. Celle qui fit basculer son aventure à parcourir les pattes de mouche de moult médecins becs, et autres figures d'antan. Les mots se saisissaient d'elle comme du lierre grimpant sur son dos, lui plantant des pointes acérées, transperçant sa peau, et agrippant ses vertèbres. Tout doucement, la plante s'intimait en elle, enlaçait son cœur, ses poumons, puis serra. Serra. Serra. Serra encore et encore. Toujours plus fort.

Une trahison si virulente qu'elle peina à contenir son désarroi. Les larmes lui lacérèrent son doux visage, et les mots continuaient de la déchirer de part en part. A partir du moment où elle lut son prénom sur cette dernière page, rien ne pouvait à présent la consoler. Elle pleurait. Elle hurlait des sanglots inaudibles. Elle appelait à l'aide. Tout ce qu'elle voulait, c'était retrouver sa famille. Asriel. Toriel. Quelqu'un.

Mais personne ne vint.

Schyzophrenia Syndrome [HORRORTALE Fanfiction] (FR)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant