Scène 3 - Frames

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Lorsqu'elle les rouvrit, ce fut avec le regard dur qu'elle fixa le docteur. Surpris, ce dernier recula et se rassis au fond de sa chaise. Un rictus triste déforma ses lèvres trop fines. D'un timide geste, il s'excusa de sa proximité soudaine.

Un sentiment de déjà-vu flotta un instant dans la tête de Frisk. La jeune fille écarquilla les yeux et observa la figure paternelle et confuse qui se tenait devant elle. L'Homme qui Parlait avec les Mains était seul , et remarqua son incompréhension soudaine. 

De quelques mouvements rapides, il la questionna. Elle hésita, et une réelle joute mentale se joua à l'intérieur de son esprit; si d'un côté elle lui avouait avoir des hallucinations trop récurrentes, elle pourrait peut-être être guérie. Mais d'un autre côté, elle était presqu'entièrement persuadée que le docteur était un autre de ces monstres, et que tout ce qu'il désirait, c'était de posséder son âme afin de sortir de ce cauchemar permanant. 

Pouvait-elle réellement risquer de lui faire confiance, et potentiellement perdre tout ce en quoi elle n'a que trop cru? Il lui était trop difficile d'en juger car aussi minces soient ses chances de trouver quelqu'un qui la sortirait de cet enfer, elle espérait s'y accrocher, ne serait-ce qu'une simple seconde. 

La brume qui émanait de cette figure sembla se dissiper un temps. Un visage doux et pourtant accablé par les remords se peignit peu à peu. Elle eut comme la permission d'apprécier des traits tirés, et pourtant chaleureux, anxieux et paradoxalement sympathiques. Elle détailla ses yeux gris perlés et luisants, ses petites lunettes rectangulaires, saillant son visage en triangle, et des cils si longs que Frisk ne sut si ils étaient réels ou non. 

Il lui sourit, remontant ses paumettes, et insista gentiment. Tout en lui transpirait la sympathie, et la bienveillance. C'en était trop.

Elle fondit en larmes. Un flot de liquide salé se répandit sur ses joues; s'immisca au creu de ses lèvres, se frayant un chemin jusqu'à sa cavité buccale. Elle laissa un surplus d'émotions l'envahir, la submerger d'une puissance qui lui était inconnue jusqu'alors. Un énorme poids lui serra la poitrine, aussi fort que si il voulait la faire imploser. Elle plaqua ses mains jointes sur ses côtes, sur son coeur. Elle aurait tant donner pour l'arracher, le faire taire.


Le docteur Gaster fut très patient. Il réussit à la calmer, à la faire sourire de par ses quelques grimaces familières. La jeune fille finit par saisir un morceau de papier, et un crayon. Sa main tremblait, son poul s'emballait. La mine grisâtre caressa d'un trait cendré l'irrégulière surface, et devant les yeux de Frisk se joua un balais express d'images et de sensations. La peur prédominait, l'anxiété, les hauts le coeur... Elle cligna plusieurs fois les yeux; et élança ses maigres doigts dans un flot artistique, exactement comme si elle lançait son corps tout entier au-delà d'une falaise, apréciant le vent cinglant lui arracher les oreilles dans une brise polaire, sentant ses cheveux vouloir s'arracher de sa tête, prendre de la vitesse, toujours plus de vitesse. Elle ne devint plus qu'une masse qui se laissait flotter au rythme alarmant de la chute libre. En dessinant, ce n'était pas son génie artistique qu'elle défiait, mais sa propre conscience; ses propres souvenirs, ses terreurs, son être tout entier. Chaque coup de crayon était une fissure qu'elle infligeait à sa propre morale. Toutes ces barrières qu'elle avait construites ces dernières années volaient peu à peu en éclat, elle donna son âme toute entière pour la première fois. Et, sans s'en rendre compte, elle contempla ainsi la noirceur de la sciure dispersée sur le papier. Elle y avait dessiné Sans et Flowey avec des traits troubles et irréguliers, mais l'essentiel était là, aposé sur ce carton blanc. 

Schyzophrenia Syndrome [HORRORTALE Fanfiction] (FR)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant