Scène 2 - L'aigle ne fuit jamais la tempête

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L'atmosphère n'avait jamais été aussi douce, aussi calme que présentement. Ses pas crissaient et s'enfonçaient dans une neige immaculée, mais le froid polaire ne l'atteignait pas. Sous sa voute plantaire, la poudreuse de gèle n'était qu'un chemin humide vers un autre monde. Les arbres qui l'entouraient dansaient dans un ballet si léger qu'elle pouvait percevoir les racines flotter, effectuer une chorégraphie si chaotique qu'une beauté étrangère l'atteignit en plein cœur, libérant des saveurs douces, fraîches, réel écho résonnant dans son corps, entrant en parfaite symbiose avec son âme légère, si légère, que la parfaite harmonie du monde et de son être la transcenda. La brise lui caressait le visage, dans un souffle étonnamment chaud pour un jour d'hiver.

Alors que finalement, elle finit par se tenir sur le bord d'un rocher, petite parcelle du bout du monde, elle contempla un instant le vide qui lui tendait les bras, tel un véritable filet de sauvetage alors qu'elle s'apprêtait à effectuer son dernier numéro de funambule. Elle se permit de fermer les yeux l'espace d'un instant, tandis que la bise effleurait de ses mains, avec une tendresse infinie, ses joues glaciales et rosées. Derrière ses paupières se jouait une scène merveilleuse. Le ciel aux mille teintes de feu l'accueillait à bras ouverts. Une mer de nuages, flottant par milliers, reflétaient la palette ocre et dorée, quintessence luminescente de ce spectacle hors norme. 

L'odeur sucrée d'un printemps hâtif bourgeonna au creux de ses narines et les senteurs se confondirent. Les arômes boisées de l'herbe fraîchement coupée et des fruits des bois se mélangèrent alors que l'air se rafraîchit. Elle observa les hauteurs, navigant auprès des baleines ondoyant entre les vagues de coton. L'une d'elles passa un peu trop près de la jeune fille, la balayant dans une bourrasque sensationnelle. L'air tournoya si fort qu'elle manqua de décoller du sol, et d'entreprendre le périple sacré de ces mammifères colossaux.

Elle tenta de plonger dans cet océan de douceur, et laissa son corps s'abandonner aux sensations. Elle se parachuta dans un rivage aqueux et bien vite, s'enfonça dans ces flux et reflux chauds, trempant sa peau jusqu'aux os. L'impact perturba cet océan et les bulles d'air se répandirent en voiles de mousse tout autour de son corps, chatouillant sa peau nue.

Après s'être laissée glisser dans les tréfonds de cette mer sans nom ni gloire, elle nagea, retenant sa respiration avec pour seule poche d'oxygène une poignée de molécules entassées dans ses organes, distinguant la surface de ses yeux abasourdis. Le dioptre voilé qu'elle observait renvoyait une image floue de verdure, d'un soleil chaud, brûlant même, au-dessus d'elle. Lorsqu'elle vira de bord, elle put contempler les merveilles des profondeurs. Des bancs de poissons exotiques vinrent lui chatouiller la peau de leurs écailles mucilagineuses. Les teintes fruitées des coraux ouvrirent un champ qui s'étendait à perte de vue. Des étincelles d'or se perdaient en éclats brefs, reflets de l'astre de feu, dans l'eau azure et tiède.  Elle observa ses cheveux flotter tout autour de son corps plongé dans ce liquide turquoise. En apesanteur, son poids n'était plus, ses muscles étaient détendus. Si détendus que rien ne comptait pour elle. Tout l'émerveillait, tout ce qu'elle contemplait n'était que source de ravissement. Elle repoussa l'eau qui l'entourait dans un mouvement gracieux qui ne semblait pas troubler les créatures marines autour d'elle. 

Elle suivit un courant chaud et, sentant son pouls s'accélérer, ses poumons prendre feu, elle se propulsa vers la surface.

Lorsque sa tête sortit de l'eau, c'était un ciel céruléen si profond que le vide semblait l'avoir assiégé. Ce furent les étoiles, par millions, qui vinrent l'accueillir, tels des pépites flamboyantes dans l'incommensurable espace. Les constellations la saluaient et les aurores boréales traçaient un chemin runique vers d'étranges merveilles. Les dieux nocturnes semblaient l'observer, depuis leurs hauteurs colossales, en parfaits bienfaiteurs. L'océan autour d'elle n'était qu'une mare calme, où les clapotis chatouillaient ses oreilles alors qu'elle nageait vers un autre rivage. Lorsque ses pieds touchèrent un sable frais, alors qu'elle atteignait la terre ferme, une île luxuriante s'offrit à sa vue. Les arbres noires, gigantesques, se mouvaient au rythme d'une légère brise fraîche qui acheminaient les gouttelettes sauvages courant sur la jeune fille jusqu'aux commissures de ses lèvres. C'était une nouvelle forêt, calme, bercée par des souvenirs doux, qui s'offrait alors à elle. Frisk hésita à s'y aventurer. Par peur de réminiscences cruoriques, teintées de sang? A cette simple pensée, son monde entier frissonna. Alors, elle resta ainsi sur la plage, les pieds dans le sable fin et frais à contempler ses amies de la nuit. Le temps lui était infini, lui était entièrement dédié. Rien d'autre qu'elle ne comptait alors. Rien d'autre n'avait jamais compté. 

Schyzophrenia Syndrome [HORRORTALE Fanfiction] (FR)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant