Douzième partie.

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J'ouvre la porte de ta petite fleuristerie du centre-ville sous le tintement joyeux de la petite clochette placée au-dessus de ma tête. Tu relèves les yeux de ton ordinateur et me jettes un regard noir. Ah, d'accord.

-Pourquoi tu m'as pas dit que c'était un bouquin triste ?

Oh... ton regard noir ne parvient pas à cacher les petites pépites d'amusement dispersées dans tes yeux d'émeraude. Je souris.

-C'est toi qui m'as demandé un livre qui te ferait me détester. J'ai seulement accédé à ta requête.

Pour toute réponse, tu me tires la langue. Une petite langue rose, une parcelle d'intimité. Une petite langue rose que j'aimerais capturer, une petite langue rose qui me dit viens viens embrasser ces lèvres qui me retiennent prisonnière viens danser avec moi je suis joueuse tu seras pas déçue promis il y a plein de jeux qu'on peut faire ensemble plein de jeux qui nous élèveront au septième ciel viens jouer ou jouir avec moi viens me goûter viens m'apprivoiser. Oh Dieu c'est si dur de tenir de me retenir ô Dieu aide-moi à réprimer ce désir qui m'opprime le cœur et l'âme.

-C'est très puéril, ça.

C'est surtout bien trop tentateur.

-M'en fous.

Ô ma Lolita, je te retrouve. Quelle abomination tu me fais, tu me rends vulgaire pécheresse se flagellant à coups de rose pour le désir coupable d'une sorcière dans un purgatoire fleuri.

-Et au fait, ce séjour dans les Vosges ?

J'ai du mal à parler tellement tu me bouleverses sans le savoir. Tu souris de ton doux sourire rosé.

-C'était super, même s'il a neigé. En fait, c'était cool qu'il neige, ça fait longtemps qu'on n'a pas eu de neige ici.

-C'est vrai. Il fait bien trop chaud dans notre région.

-Un peu de neige ou même un peu plus de pluie ce serait bien, au moins pour la nature.

-Et pour remplir les rivières.

Et tu éclates de rire, sans prévenir.

-On dirait deux vieilles qui se retrouvent tous les semaines dans leur parc pour partager un banc et parler du temps.

C'est vrai. Je souris. J'aimerais vieillir avec toi. C'est mal de vouloir vieillir avec toi ? Surtout qu'il n'y a rien entre nous à part quelques fleurs. Ouais, c'est vraiment stupide de vouloir vieillir avec toi. Tu remontes tes lunettes sur ton nez d'un geste machinal et arrange un bouquet près de toi.

-Et sinon...

Mais ton téléphone vibre soudain, faisant vibrer avec lui tout le comptoir sur lequel il est posé. Tu sursautes avant de le prendre.

-Désolée, je dois répondre...

Je hoche la tête. Et lève les yeux vers ton horloge murale en forme de rose. Les feuilles indiquent dix-neuf heures cinquante-neuf. Pour ce que ça change... un soupir s'échappe de mon âme pendant que je me tourne pour passer le seuil de la porte. J'aurais aimé monopoliser ton attention, j'aurais aimé que tu ne prennes pas l'appel ni même que tu n'y fasses attention en ma présence que tu oublies complètement l'existence de ton téléphone et même du monde extérieur. En fait c'est ce que j'aurais aimé être. Ton monde.

19h19.Où les histoires vivent. Découvrez maintenant