Paris

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Lorsque j'ai débarqué à Paris la toute première fois, je me suis d'abord demandé si je n'avais pas fait une belle connerie. Avis partagé par mon père plus frileux encore qu'à l'accoutumée avec la nouveauté et bien sûr ma petite soeur pour qui le fait que je m'éloigne autant d'elle était ingérable. 

Mes yeux ont cherchés du réconfort dans les monuments froids et gris me faisant face mais aussi sur le visage des passants insensibles à mon désarroi. 

Mes doigts serraient si fort la poignée de ma valise que leurs jointures commençaient à pulser d'une douce régularité. 

Figée sur le trottoir opposé à l'immeuble qui allait devenir mon nouveau "chez-moi", je continuais de ressentir la peur irascible de l'inconnu même si malgré toutes les craintes qui pouvaient me traverser depuis que l'idée même de venir ici avait muri dans ma tête, je savais avec une certitude absolue que j'avais fait le bon choix. 

Restée là-bas n'était plus possible. Trop de rumeurs. Trop de mal m'avait été fait et j'avais le besoin irrépressible de mettre un terme, disons absolu, à tout ceci, quitte à devoir m'éloigner de ma famille et de mon quotidien bien tranquille. 

En repensant à toute cette partie difficile de ma vie, un frisson long et douloureux m'entailla les méninges, mais résolvant de ce fait la plus misérable hésitation qui m'eut traversé juste qu'alors. 

Je pris une profonde mais bénéfique goulée d'air avant de poser un pied sur la chaussée pour enfin traverser cette petite rue tranquille de Levallois-Perret, en me méfiant tout de même des quelques voitures qui auraient pu circuler dans cette artère secondaire de la ville. 

Mon futur appartement n'était en fait qu'un petit studio à la taille respectable de 30 m² que m'avait libéré une amie d'école venue s'installer pour ses études l'année passée et qui du fait de sa récente relation amoureuse venait d'emménager avec son nouveau copain dans son propre logement. Une aubaine pour moi puisque non seulement il n'était qu'à quelques stations de mon emploi chez TSN et défiait tout concurrence avec un loyer plus que raisonnable pour sa localisation et ses dimensions. 

Ma main ne trembla presque pas lorsque je glissais la clé dans la serrure. Le loquet s'ouvrit sans résistance et je pus enfin entrer pleinement dans ce qui allait devenir ma nouvelle vie. 

Le studio se trouvait au 8ème (heureusement pour moi, avec ascenseur) et offrait une vue imprenable sur Paris. 

En y entrant, j'y retrouvais l'ambiance peaufinée avec l'aide de ma cadette. Un canapé convertible aux teintes sombres trônait au centre du petit salon, face à un meuble TV qui faisait aussi office de vaisselier. Il y reposait un écran plat de taille suffisante. 

Dans ce même espace, un renfoncement dans le mur de gauche servait d'espace nuit et de dressing. Saya l'avait rendu plus intime avec de lourds rideaux occultants aux douces couleurs de sable qui lorsqu'ils étaient fermés, coupaient à la vue du reste de l'habitation. Une kitchenette et une salle d'eau finissaient l'ensemble. 

J'avançais vers mon endroit préféré dans cet appartement en reposant d'un geste absent la lourde valise. La baie vitrée s'ouvrit dans un couinement tranquille et laissa l'air empreint des senteurs propres à la vie citadine entrer à l'intérieur. Le bruit omniprésent des klaxons et des moteurs de voiture fit aussi son entrée dans le silence réconfortant des lieux. Je m'extirpais en accrochant deux mains tremblantes au garde-corps sur le minuscule balcon et contemplais la pointe de la dame de fer qui se dévoilait dans le creux laissé par deux tours de béton. 

Mon téléphone se mit à chantonner de ses répétitifs bips discrets. 

Pendant une longue seconde, je ne fis que fixer mon sac à main accroché au reste de mes affaires, sans me résigner à quitter l'espace particulier de mon petit bout d'extérieur. 

- Oui ? 

- Salut. Ca y est, tu es arrivé ? 

- Depuis peu. J'allais t'appeler. 

- Je sais bien. Je t'ai juste devancé. Tu allais très certainement me laisser languir deux trois heures avant d'y penser mais c'est pas grave, j'ai fini par m'y habituer. Concéda ma soeur avec ironie. 

- ...

- Papa demande si tu comptes rentrer le weekend prochain. 

- Je pensais me laisser le temps et de ne revenir que le mois prochain. Enfin, j'en sais rien. Je vous tiens au courant de toute manière. 

Saya émit un rire désabusé à peine discret qui ne donnait qu'une vague idée de ce qu'elle pensait. Une fois encore, elle renonçait à me contredire. De toute manière, elle savait pertinemment que jamais rien ne pouvait me détourner de mon idée première, du moins pas sans mon consentement plein et réfléchi. 

- Dis-lui simplement que je l'appelle demain soir après ma première journée au journal. 

- Très bien. Je ne vais pas t'embêter plus que ça. Je t'aime grande soeur. 

Sa voix reprenait sa douceur légendaire comme à chaque fois que les larmes lui piquaient le nez. J'aurais pu parier qu'elle pleurait déjà en évitant bien sûr que je n'entendes ses sanglots. Elle attendrait la fin de l'appel pour laisser libre cours à sa peine. 

- Oui ... Moi aussi. A demain alors. 

- A demain, Lucie. 

Je reposais le téléphone sur la table basse qui me servirait aussi de table à manger pour l'année à venir. 

De nouveau, je repensais à ce qui avait induit la tournure de notre relation à Saya et moi. 

Nous étions si proches. 

Ils avaient vraiment tout gâché. 

LA FATA MORGANAOù les histoires vivent. Découvrez maintenant