Il se faisait appeler le prophète mais disait n'avoir aucun but religieux. Seulement le désir indéfectible d'être le messager des civilisations opprimées.
Quatre personnes avait été abattues de sang froid par des hommes aux visages dissimulés sous des masques blancs rendant des traits inhumains sans bouche ni nez. Chaque nuit, je revoyais ces monstres. Chaque nuit, j'entendais les coups de feu déchirés l'air. Chaque nuit, j'avais l'impression que mon coeur cessait de battre.
Et à chacun de mes réveils, j'espérais que cela ne soit qu'un maudit cauchemar mais ce n'était jamais le cas.
Au bureau, les gens ne parlaient que très peu. Un silence de mort régnait dans l'open space. Tout le monde était en deuil de personnes qu'ils ne connaissaient même pas. Yohan avait fait rapatrié tous les journalistes partis à l'étranger et avait annulé chaque reportage qui y était relié, préférant se pencher sur ce problème mondial. Et c'était bien de ça qu'il s'agissait. Une menace pour le monde entier. Les victimes du massacre était de toutes nationalités. Des bénévoles. Des médecins sans frontière. L'aide humanitaire envoyée dans ce pays en crise.
Le nomabe.
Terre désertique en Afrique Australe où les populations ne pouvaient survivre sans l'appui des association. Mais aujourd'hui, cette même terre devenait le décor de la plus importante organisation terroriste de ces dernières décennies.
Il s'était déjà passé quelques jours depuis la diffusion de cette vidéo horrible et un calme pesant aux limites du supportable remplissait nos journées. De mon côté, je tentais malgré tout d'organiser mon temps pour ne jamais devoir laisser mon cerveau en pause. Ce qui aurait eu l'effet de me replonger illico dans ces images infernales.
Chaque jour ressemblait au précédent. Je vivais comme une automate. Levée à la même heure puis métro, boulot et retour direct à l'appartement en évitant au maximum les écarts à mon trajet, préférant ne plus voir les mines terrifiées des passants dans la rue ou ailleurs.
Lisa faisait un peu comme si de rien n'était mais je voyais bien dans ses yeux rougis et les cernes qui les accompagnaient que ses nuits ressemblaient aux miennes.
Par deux fois, elle m'a demandé à dormir chez moi car son colocataire, parti à l'étranger, laissait un loft trop vide pour elle. Et j'avais accepté sa venue plus pour la rassurer que pour moi-même. La solitude était depuis longtemps devenue une alliée et elle ne m'avait jamais effrayé bien au contraire, je trouvais en elle, la bulle protectrice qui m'avait permis l'an passé de ne pas sombrer dans la folie.
Ce soir, l'émission recevait un artiste pop que j'affectionnais particulièrement et Lisa dans sa grande bonté et aussi pour changer de cette omniprésente lourdeur dans nos journées, m'avait laissé le droit de me charger de son accueil.
Danny Otto Jr.
Et je pus constater qu'il était tel que je me l'étais imaginé. La liste que son manager avait fait passé ne comportait rien de faramineux pour sa loge et aucune convenance originale qui était en général l'adage pour une star connue mondialement. Un type qui en fait restait le gars simple qui avait fait ses débuts sur des covers qu'il postait sur Youtube.
Je m'étais donc appliqué depuis le matin à organiser sa venue et peaufiner le moindre détail pour ne pas me laisser distancer en cas de pépin. A la pause de midi, nous avions décidé de luncher au self avec Lisa. Je pris donc l'ascenseur pour l'y rejoindre mais arrivé sur place, je ne la trouvais nulle part et aussi vite, je reçus un message de sa part.
"Ne m'attends pas. Mathéo est passé me prendre pour la pause "déj". Je me ferais pardonner. Bises <3"
Je récupérais donc un club au thon et un soda et partit m'installer sur les bancs du plateau. Malgré l'interdiction d'y pénétrer, j'y trouvais le calme recherché et c'était bien le seul endroit à proposer ce genre de service. Il y avait tellement de monde qui travaillait dans cette boite que l'on n'y trouvait aucun malheureux recoin tranquille.
En entrant par la même porte de service que la dernière fois, je m'aperçus aussitôt qu'il y avait déjà quelqu'un.
D'un pas prudent, je décidais de me faire discrète pour savoir de qui il s'agissait en espérant de ne pas tomber sur mon boss. Yohan était, paraît-il, intransigeant en ce qui concernait ses règles à ne pas violer.
Mais à mon grand soulagement, ce n'était pas lui. Il s'agissait du tortueux reporter capable de brouiller mon cerveau en deux secondes. Lui aussi mangeait un sandwich. seul, avec un ordinateur portable posé à ses pieds. J'avançais d'encore un pas et me figeais sur place. Je reconnus presque tout de suite la voix qui sortait des enceintes de son mac. La mienne. Et si je ne me trompais pas, il s'agissait de ma vidéo sur le mariage homosexuel et les manifestations qui en avaient découlés. Cependant, il ne regardait pas le montage qui m'avait pris un temps fou à finaliser. Un travail titanesque d'au moins deux mois qui avait occupé toutes mes soirées à l'internat. Une vieille vidéo datant déjà de plusieurs mois si ce n'est une année entière. Gabin écoutait seulement en fermant de temps à autre ses yeux de jade. Il restait vautré sur les marches, le sandwich posé à côté de lui.
- Tu comptes m'espionner encore longtemps ?
Je crus bien qu'un hurlement de fillette allais me sortir de la bouche mais j'y résistais et me décidais enfin à sortir de ma cachette plus que médiocre.
- Vous saviez que j'étais là ?
- La porte manque d'huile sur les gonds et il est difficile de rester discret en l'ouvrant.
Le jeune journaliste avait repris une position plus convenable et sans je m'en aperçoive avait déjà refermé le portable.
- Je m'en vais si vous voulez.
- Ce que je veux, c'est que tu cesses de me vouvoyer. Je déteste cette distance que tu mets entre nous.
Ben voyons ! Cette distance m'était vitale vu que j'étais incapable de respirer normalement en sa présence et qu'il avait un effet quasi hypnotique sur moi.
- Viens t'asseoir sinon tu n'auras pas le temps de terminer ton repas avant que les techniciens ne débarquent et ne nous trouvent ici sans autorisation.
J'obtempérais et laissait tout de même une distance respectable entre nous. A croire qu'il risquait de me brûler si j'approchais de trop près.
- Vous ... Tu regardais une de mes vieilles vidéos, n'est-ce pas ?
- En effet. Répondit-il en continuer de lorgner du côté des projecteurs comme s'il s'y trouvait un quelconque truc intéressant à regarder alors que je n'y percevais que les ténèbres.
- Tu ne semblais pas vraiment t'intéresser aux images. Poussais-je sciemment.
Il vrilla enfin ses iris sur moi et je crus bien m'être arrêté de penser à cet instant comme si son seul regard avait un pouvoir absolu sur ma personne.
- Ta voix. C'est le son de ta voix que je voulais. Rien d'autre.
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LA FATA MORGANA
General FictionSi je vous disais que la seule chose qui me raccroche à la vie est la certitude que je fais le bon choix. Celui de tout donner pour lui. Mon existence entière. Mon âme. Tout ce qui me définit. Je ne deviens que le vaisseau de cette mission que je...