- Vous trouverez votre poste de travail de ce côté-ci avec l'ensemble de l'équipe de production. Vous serez deux à gérer les plannings des rubriques. Tout ce qui sera décidé devra être approuvé lors des réunions matinales du lendemain. En ce qui concerne les invités, vous n'aurez qu'un rôle annexe. Veillez à ce qu'ils aient tout le nécessaire à leur confort pendant le tournage. En général, leurs assistants font passer une liste une ou deux semaines avant.
Madame Auclair avançait d'un pas résolu au milieu de son antre, faisant claquer ses talons vertigineux sur le parquet ciré et je tentais tant bien que mal de suivre sa cadence sans émettre le moindre son, approuvant ses directives de quelques hochements de tête et de rares "oui" à peine audibles.
- Vous avez impressionné l'équipe prod' avec votre petite bricole de salon. Vos vidéos vous ont sûrement offert votre passe pour ce poste mais ne pensez pas que cela vous vaudra une meilleure rémunération. Ici, on commence au bas de l'échelle et on prouve sa valeur pour pouvoir espérer être pris au sérieux.
- Bien sûr, je n'imaginais pas les choses autrement, Madame.
Elle daigna un bref regard glacé dans ma direction avant de reprendre sa course contre la montre.
Pourquoi fallait-il se presser à ce point ?
Elle stoppa devant une porte vitrée donnant sur une salle de taille respectable où déjà tout un groupe était attablé devant des tasses de cafés fumants, en pleine discussion animée.
Sa main manucurée de rouge resta un moment en suspens sur la poignée d'inox et elle baissa le volume de son laïus.
- Le café sera aussi de votre prérogative, n'oubliez pas d'en préparer avant l'arrivée de Yohan. Il est infecte si vous deviez omettre ce détail très important.
Je secouais vivement la tête sans décrocher du personnage en question qui de l'autre côté des baies de verre faisait de grands gestes et parlait avec fougue à son auditoire conciliant et attentif.
- Sur ce, Mademoiselle Morgane, je vous laisse. Ho et n'oubliez pas de m'apporter votre relevé bancaire dés demain. J'aurais certainement d'autres documents à vous faire signer pour la confidentialité et les assurances. Passez donc demain dans la matinée. Bonne journée, Mademoiselle.
- Merci, Madame Auclair et je n'y manquerais pas. Demain matin sans faute.
Elle disparut dans un nuage de parfum à la vanille hautement radioactif, sans se départir de sa démarche conquérante.
Bon, maintenant, il fallait que j'entre alors que la réunion était déjà engagée et lorsque j'actionnerais la poignée, je savais avec certitude que tous les regards convergeraient vers ma personne. Une boule énorme commençait déjà à se former dans ma gorge et j'avais des doutes quant à ma possibilité d'articuler ne serait-ce qu'un seul mot.
Mon entrée fut comme je l'avais prédit, suffisamment déstabilisante pour n'importe qui.
Le patron cessa de ce fait son explication et observa l'intruse que j'étais se tortiller les doigts dans l'ouverture que formait la porte.
- Mademoiselle ?
Allez petit poisson, plonge dans le bain.
- Bonjour, Mademoiselle Morgane, votre nouvelle assistante de production.
- Ha, très bien, la réunion n'a débuté qu'il y a 10 minutes, trouvez-vous un siège libre et prenez notre des directives. Lisa vous donnera celles qui vous manqueraient.
Le grand présentateur reprit sa réunion sans plus se soucier de moi et je pus enfin me glisser discrètement jusqu'au fond de la salle où j'avais repéré un fauteuil disponible. Chacun des regards scrutateurs cessa de ce fait de me dévisager. J'aperçus le beau visage de Gabin Well de l'autre côté de la large table de bois verni qui mordillait le crayon de papier qu'il tenait entre son index et son majeur.
Face à moi, sur la place laissée libre se trouvait un bloc note ainsi qu'un planning de la prochaine semaine que je m'efforçais de décrypter.
- Salut. Je suis Lisa Lomine. On va travailler ensemble.
Une petite rousse aux traits tout ronds s'était penché vers moi pour me chuchoter à l'oreille.
- Enchanté. Lucie Morgane.
- Je sais. On m'a parler de ton arrivée. Tu remplaces Nathalie Tubertain, en congé maternité pour au moins un an, je crois.
- Si ça te dérange pas, je voudrais suivre la réunion.On reparle après. Clôturais-je sans trop de tact, je devais bien l'avouer mais c'était une chose auquel je ne prêtais plus vraiment d'attention depuis un moment déjà.
Elle sembla surprise puis repris son petit sourire cordial avant de s'enfoncer contre le dossier de son fauteuil de cuir sombre.
Tout au long de l'heure suivante, je suivais diligemment les informations données par plusieurs journalistes. Celles-ci passaient de l'actualité politique avec les interventions gouvernementales prévues pour les prochaines semaines à autant de compétitions sportives à relater qu'aux sujets plus légers de la vie people internationale et hexagonale.
Ma main commençait à me faire un mal de chien à force de retranscrire tout ceci sur le bloc note et je pensais déjà à ramener avec moi mon mac pour éviter une tendinite d'ici quelques jours.
L'idée me fit sourire toute seule mais quand je relevais les yeux, je croisais ceux ambrés de mon compagnon d'ascenseur qui cessa aussitôt après avoir été pris en flagrant délit dans un sourire amusé.
J'imitais l'ensemble des personnes quand celles-ci se levèrent et prirent la direction de la sortie.
- Un instant, Mademoiselle Morgane.
Monsieur Serra m'alpagua, le nez toujours plongé dans ses liasses de papiers. Et il attendit que tout le monde soit sorti pour enfin me demander d'approcher.
Cela me laissa le loisir de l'observer à la dérobée.
Il n'était lui non plus pas très grand, peut-être même plus petit que mon mètre soixante-cinq mais donnait véritablement l'impression d'en imposer un maximum.
Il portait une veste de costume sur un tee-shirt et sa tenue était complétée d'un jean sombre et de chaussures vernies très élégantes. Un style très particulier qui lui allait comme un gant.
Ses cheveux poivre et sel détonnaient avec son air candide de jeune homme et on hésitait à lui donner un âge précis si ce n'est ses yeux noirs et profonds qui décrivaient une expérience affûtée.
- J'apprécie votre sens sans filtre au sujet que vous traitez, Lucie et j'espère vous voir vous épanouir parmi nous.
- Je vous remercie pour la confiance dont vous faites preuve envers moi et je ferais tout ce qu'il faut pour ne pas vous décevoir, Monsieur. Je sais que je peux paraître introvertie mais lorsqu'il s'agit du travail, je sais me donner à fond.
Il avait croisé les bras sur sa poitrine et me lorgnait dans une expression complète et déstabilisante en se balançant sur son fauteuil du bureau semblable aux nôtres.
- C'est tout ce que je voulais entendre. Je vous souhaite la bienvenue, Lucie. Nous nous reverrons ce soir pour le tournage.
- Bien entendu. Ravie de travailler pour vous, monsieur Serra.
- Yohan suffira. Prit-il le soin de rajouter, troublant.
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LA FATA MORGANA
Ficción GeneralSi je vous disais que la seule chose qui me raccroche à la vie est la certitude que je fais le bon choix. Celui de tout donner pour lui. Mon existence entière. Mon âme. Tout ce qui me définit. Je ne deviens que le vaisseau de cette mission que je...