Casse-tête

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Comment osait-il me mettre dans l'embarras sans aucune justification ?

Il ne me connaissait pas et je ne lui devais absolument rien surtout en ce qui concernait ma vie privée. Qui plus est, il avait été très clair quant au fait que je devais me tenir à bonne distance de lui (d'ailleurs cette demande aussi était incompréhensible). Je n'avais aucune idée de ce qui avait conduit à ce comportement froid et même puant. Même en y mettant tout bonne volonté, je ne voyais rien dans ces dernières semaines qui auraient induit à cette animosité dont il faisait preuve envers ma personne.

Hors de moi. Oui, c'est ça. J'étais furieuse contre Gabin Well.

Voilà une éternité que personne n'avait réussi cet exploit. Faire de moi rien qu'une boule de nerfs prête à exploser. Des larmes de rage roulaient sur mes joues depuis une bonne demi-heure et j'avais perdu tout engouement après la nouvelle de l'invitation de Danny.

Allez, respire.

Il n'y avait rien à comprendre dans la bipolarité de cet homme et ce même s'il était beau à se damner et plein d'intérêt. Il ne méritait sûrement pas que je sois en pleine exaltation devant lui, bien au contraire d'ailleurs. Je devais me faire à l'idée que jamais nous ne serions proches de quelque manière que ce soit malgré le respect indubitable que j'avais pour son travail.

Mon téléphone se mit à danser sur la table basse.

Lisa.

- Salut, ma belle. Alors tu n'as rien à me dire ? Mh.

Son ton était mielleux à souhait.

- Hey, la rouquine. Qu'est-ce que tu veux savoir ?

- Tout. Absolument tout, chérie ! s'exaltait-elle.

Je l'imaginais sautant sur place comme une furie, en pleine jubilation.

- Ramènes-toi. Je t'invite à manger des carbonara et on prendra le temps de discuter.

Qui aurait cru que deux petites semaines à Paris aurait suffi pour que je me mette à inviter en pleine conscience des choses une amie à me rejoindre chez moi.

Elle débarqua avec une bouteille de vin blanc dans les mains et un sourire rayonnant sur les lèvres.

Lisa ôta son manteau en entrant dans l'appartement et je ne pus m'empêcher de pouffer devant sa tenue invraisemblable. Une combinaison turquoise représentant une licorne. Non, mais qui pouvait porter ce genre de truc qui plus est en dehors de chez soi.

- Quoi, tu n'aimes pas parce que figures-toi que justement j'ai dans mon sac une grenouillère zèbre et elle est pour toi.

- Alors, là, ma vieille même pas en rêve. Continuais-je en éclatant de rire derechef.

Mais elle m'a fait capituler et donc enfiler cette horreur sans trop broncher ?

Nous nous installâmes à l'indienne sur l'épais tapis devant deux assiettes fumantes de pâtes italiennes et deux verres à pied remplis de liquide sucré.

- On peut passer aux choses sérieuses. S'enthousiasma la belle rousse en tapant dans ses mains.

Je bus une petite gorgée et avant de partir dans l'analyse active de ma journée, je me pourléchais les lèvres. L'alcool était doux en glissant sur la pointe de ma langue.

A croire que je cherchais à entamer les nerfs de mon amie qui ouvrait déjà deux grands yeux trépignants.

- Bon, tu n'as pas l'air de vouloir te lancer alors je te donnes un coup de pouce. Vincent m'a dit que tu avais été héroïque ce soir. Grâce à toi, l'émission n'a pas été un véritable fiasco. C'est bien ça ?

- En effet. Mais à vrai dire, je n'ai fait que la traductrice.

- Oui, juste la traductrice et c'est pour ça que le magnifique Danny Otto n'avait d'yeux que pour toi, veinarde ! Tu as dû rendre toutes les nanas hyper jalouses. Ho ! Mon Dieu, ma copine va se taper une star planétaire.

- Hou là ! Mademoiselle, vous allez vite en conclusion.

Elle engouffrait de grosses portions de tagliatelles les unes derrière les autres et pendant tout le repas, j'eus la frousse qu'elle ne s'étouffe. Non mais depuis combien de temps elle n'avait pas mangé ?

- Si ! Carrie a précisé qu'elle n'avait encore jamais vu un mec avec cette notoriété rester plus de deux minutes sur le plateau après que les caméras soient coupées et là, notre beau Danny déambulait l'âme en peine, comme s'il avait perdu quelque chose.

- Tu te fous de moi, c'est ça ?

- Mais non, pas du tout. Sa voix partait dans les aigus. Elle atteignait un seuil critique d'excitation. J'aurais tellement aimé être là. Ho, purée ! Je suis vraiment dégoûté. Allez, dis m'en plus ! Comment est-il ? On dit que sa cicatrice sur la lèvre vient d'un accident en voiture. Il t'en a parlé ? Et puis il paraît qu'il est plus grand qu'on ne le croit.

- Stop, Lisa, du calme ou tu vas t'évanouir. Je te racontes tout si tu arrêtes de parler. C'est d'accord ?

Elle pinça ses lèvres comme pour les souder l'une à l'autre et hocha vivement de la tête, sa capuche avec une corne sur le haut lui retombant devant les yeux.

- Il a été adorable et ne faisait que raconter des idioties à mon oreille. J'ai bien failli éclater de rire en plein direct au nez de Yohan. T'imagines la tête qu'il aurait fait.

- Oui ! S'aurait été génial.

- Et Danny a le contact facile.

Elle reposa d'un geste brusque son verre vidé d'une traite puis escalada la table pour venir s'asseoir à mes côtés, très intriguée par ma confidence et je voulus la torturer encore un peu en affichant un large sourire conspirateur.

- Sa main n'a pas quitté la mienne de toute l'émission. Elle était posée, là, sur ma cuisse et il me la serrait de temps à autre comme pour me rappeler qu'il était là lui aussi.

- Merde, alors.

- Tu veux savoir le meilleur ?

Cette fois, sa mâchoire se décrocha et elle eut vraiment l'air sur le point de s'évanouir.

- Tu vas m'accompagner pour son concert de jeudi soir. J'ai deux invitations de sa part dans mon sac. Une pour moi et une pour toi. Qu'en dis-tu ?

- Oui, oui et re-oui ! Chantonna-t-elle en bondissant sur ses pieds (ou plutôt ses sabots) et interprétant une danse improvisée ridicule. Je le crois pas ! Nous allons au concert de Danny Otto. Je crois que j'ai besoin d'un autre verre.

Je riais tout en le lui servant et vit l'écran de mon téléphone s'allumer. Je venais de recevoir un message. Lisa en était encore à faire le tour du petit studio en entonnant une des chansons du chanteur alors j'en profitais pour ouvrir le dit message.

"Demain, RDV 10h dans le bureau du boss. Gabin."

Comment avait-il eu mon numéro de portable ?


LA FATA MORGANAOù les histoires vivent. Découvrez maintenant