Le Connoly's

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L'ambiance était incroyable à l'intérieur et mes yeux ébahis ne pouvaient se focaliser sur une chose en particulier, tantôt abasourdis par la quantité de monde qui s'amusaient entre ces murs, tantôt omnubilés par la décoration chaleureuse faite d'un imposant bar de bois verni qui prenait toute la longueur du fond (d'ailleurs pris d'assaut par les fêtards qui en barraient le passage) et ses nombreux clubs de cuir dispersés autour de tables rondes. Un style très urbain mais gardant tout de même son authenticité.

Je ne pensais pas pouvoir me sentir à l'aise dans un endroit bondé mais il fallait avouer que ces lieux dégageaient une certaine candeur apaisante et familière.

- Allez ma belle ! Tu ne trouves pas cet endroit génial, franchement ?!

Lisa n'arrêtait pas de m'attirer vers un escalier incroyable qui serpentait le long d'un mur sombre décoré d'arabesques. Celui-ci semblait mener à une mezzanine privatisée, au vue des deux armoires à glace plantées devant la première marche. Leur air fermé et hostile ne me donnait pas l'envie de les défier.

- Attends, Lisa. Tu penses qu'on est autorisé à monter là-haut ?

Je pressais ses petits doigts potelés entre les miens en freinant un peu sa cadence des deux pieds sur le parquet.

- Mais oui, idiote. L'étage est justement réservé à TSN. Rhoo ! Et puis cesse de flipper pour un rien et fais-moi un peu confiance.

Et comme par enchantement, les vigiles nous laissèrent passer sans trop nous porter d'attention. Nous montâmes la vingtaine de marches cirées et je laissais glisser la rampe dorée sous ma paume en essayant d'apercevoir le haut inconnu qui ne m'était pas encore dévoilé.

Quelle ne fut pas ma stupeur lorsque je découvrais un salon à la décoration prune et or déjà occupé par une bonne soixantaine de personnes, disséminées en petits groupes bruyants. L'atmosphère y était moite et la musique entraînante. Il y avait là aussi un bar, de taille plus raisonnable soit dit en passant où un barman s'affairait à la préparation d'une commande de cocktails impressionnante.

Lisa poussa un petit cri aigu puis continua de m'attirer dans son sillage. Elle faisait de grands gestes vers le fond de la salle tout en continuant sa progression endiablée.

Nous arrivâmes vers une tablée favorablement jeune et tous les yeux se braquèrent sur moi, d'abord surpris puis interrogatifs.

Merveilleux !

Ma collègue fit les présentations sans se départir de son entrain devenu légendaire. Elle énonça chacun de leurs prénoms et de leur poste au sein de l'entreprise. La première était une petite brune à lunettes du nom de Carrie qui me rendit un sourire sincère. Elle était standardiste pour la boite puis vint le tour de Vincent, un grand gars déguingandé à la tignasse hirsute et frisée. Celui-ce donnait l'impression de me scanner jusqu'au plus profond de mon être et j'en fut si vite gênée que je m'empressais de porter mon attention sur le visage suivant. Cette dernière personne était aussi un homme, à peine sorti de l'adolescence. Il répondait au prénom de Nathanaël mais souhaitait qu'on l'appelle Nath pour éviter trop de lourdeur, toujours d'après ses propres dires. Les deux hommes étaient des chroniqueurs de l'émission. Des nouveaux venus.

Nath m'invita à prendre place sur le sofa à ses côtés et lorsque j'acceptais l'invitation, un large sourire s'afficha sur son visage juvénile.

- Les autres ne sont pas encore arrivés ? Questionna Lisa en lançant un appel distrait au serveur de la salle.

- Ben ne vient pas mais Maryse et Gabin ont dit qu'ils auraient un peu de retard. Répondit Vincent, très dramatique.

Carrie roula des yeux en pouffant et Lisa se mit à rire sans se formaliser du volume sonore de ses vocalises.

Je me questionnais devant cet échange sans mot dit dont j'étais complètement mise au banc mais Lisa rectifia le tir.

- Ces deux-là sont comment dire ... Elle glissa un index sur le bout de ses lèvres pincées. En pleine négociation sentimentale.

- C'est-à-dire ?

Je ne savais pas pourquoi j'avais posé cette question. Je n'étais pas du genre à m'intéresser aux ragots et aux bavardages sournois mais j'avais une irrépressible envie d'en savoir plus.

Vincent prit la parole en ruant ses iris sombres sur moi. Il se pencha même davantage sur le plateau entre nous comme pour accentuer ses propos.

- Leur histoire remonte bien à un an et ils sont incapables de s'entendre mais s'obstinent à rester ensemble. Gabin est un électron libre qui ne tient pas en place et Marysa voudrait l'enfermer dans sa jolie cage.

- Le problème, Vincent, est qu'elle est bien trop amoureuse pour se rendre compte qu'on ne peut pas tenir en laisse un animal sauvage.

Carrie avait coupé court le discours de son ami, non sans lui lâcher un regard accusateur mais comme s'il n'avait cure de ce qu'elle pensait croire, il revint à moi dans un sourire diabolique.

- Gabin est incapable de sentiments aussi puissants pour une nana. Il a bien trop de passion pour son job. Il vit, dort, mange, pense prochaine expédition alors que la dernière n'est même pas encore débutée. C'est un baroudeur et il sait qu'il ne peut pas se contenter juste de ... ça.

Il apposa ses deux paumes sur son torse.

- Alors toi, t'es d'un défaitiste exécrable et tu me fais de la peine. Continua Carrie, dépitée.

- Non, je suis plutôt d'une véracité sans faille et toi, ma chérie, tu es et restera une éternelle romantique.

Elle soupira bruyamment en retournant à la contemplation de son verre de mojito.

Le serveur arriva enfin. Tout comme ce bar, il était d'une élégance particulière. Vêtu d'une chemise cintrée et d'un noeud papillon bordeaux, le jeune homme se mariait à la perfection avec l'ambiance rétro des lieux.

- Bonsoir, qu'est-ce que je vous sers, mesdemoiselles ?

Son sourire étincelant accompagnait une voix douce et reposante.

- Salut. Les pupilles de Lisa se dilatèrent sans qu'elle n'y puisse rien et j'en déduisis sans trop de difficulté qu'elle en pinçait pour le beau serveur. Je boirais un "sex on the beach" et mon amie va prendre. Euh, Lucie chérie, tu bois quoi ?

- Un diabolo menthe, merci.

Alors que le serveur repartit dans la direction du bar et que je suivais sa progression nonchalante, mon regard dériva vers la montée d'escaliers où apparut un couple. La jeune femme, une blonde resplendissante, à la beauté froide mais foncièrement incroyable avait le visage fermé et un sourire crispé ne quittait pas ses traits. L'homme, en retrait derrière elle, dirigea ses yeux vers notre table et je les croisais trop vite pour pouvoir m'y soustraire.

Gabin Well en personne.

LA FATA MORGANAOù les histoires vivent. Découvrez maintenant