Aujourd'hui, on est jeudi et je m'apprête à prendre l'ascenseur. Je ne le prends d'ordinaire jamais, trop de monde sans doute, mais je ne peux plus prendre les escaliers, ils sont en travaux.
Alors je vais devoir emprunter cet engin. Vu l’heure plus que matinale, j’espère ne pas y trouver grand monde.
Par chance, il s’avère être quasiment vide. Seul un homme est à l’intérieur, et je dois avouer qu’il n’est pas désagréable à regarder. Même si ses cheveux châtains sont en bataille, son regard bleu lagon rattrape le tout.
Il décroche les yeux de son téléphone pour m’adresser un sourire. Je me contente d’en grimacer un en retour avant de m'engouffrer à l’intérieur de la cabine.
Je profite du temps de la montée, si courte soit elle, pour répondre à quelques messages sur mon portable.
Je sens le regard de l'homme dans mon dos et cela me met mal à l'aise.
Heureusement, la sonnette m’avertissant de mon arrivée retentit. Je quitte l'ascenseur de même que l’inconnu. Cela attire mon attention car je connais toutes les personnes qui travaillent à cet étage et lui je ne l’ai jamais vu.
Je n’ai pas le temps de me pencher plus sur la question car Agatha, mon assistante, accours pour m'annoncer le planning de la journée.
Comparée à hier, la journée est assez calme mais pas assez pour que l’ennui prenne place. Je boucle certains dossiers et répond à quelques mails.
Je reprends l'ascenseur pour aller déjeuner. Il est cette fois-ci bondé. Je le fraye un chemin entre les occupants et me cale contre la glace du fond.
Je tourne la tête, un regard furtif seulement et je le vois : l’inconnu de ce matin. Il discute avec une femme. Je la reconnais, c'est la personne qui s'occupe de faire les photocopies.
Je ne sais pas vraiment quel terme employer pour qualifier son travail. Elle fait tout ces petites choses qui nous embêtent : faire le café, les photocopies, classer les dossiers, humidifier la bande de l'enveloppe pour la fermer (j'ai toujours trouvé ça répugnant).
C'est comme une esclave mais bien traitée et payée à la fin du mois. Elle est petite, boulotte, s'habille comme une gamine de huit ans et porte encore un appareil dentaire.
Je les entends discuter, enfin ils ne discutent pas vraiment, c'est plutôt un monologue de la part de madame photocopies. Ses jérémiades m’insupportent. Elle lui pose une question. Je n'en distingue pas le sens à cause à cause du bruit de fond incessant, je le sais juste grâce à sa voix de crécelle qui monte d'une octave.
Les portes s'ouvrent et je quitte l'ascenseur avant d'avoir pu entendre sa voix.
Oh non! Ça y est ! La malchance m'envahit une fois de plus. Le talon de ma chaussure, les Gucci, est cassé.
Je me suis fait bousculer, non, carrément sauter dessus par un gamin en revenant. Et voilà que je me retrouve sur ma chaise de bureau, à fixer la chaussure en jouant au juste prix dans ma tête : combien cela va t-il encore me coûter ?
Je suis interrompue ; quelqu'un frappe à la porte et entre. Deux personnes se tiennent devant moi, M. Conrad et … oh ... le gars de l'ascenseur.
Je me lève rapidement de ma chaise tout en restant derrière le bureau en espérant qu’ils viennent à moi. Et oui, avec une chaussure foutue, hors de question de marcher ne serait ce que quelques mètres.
Heureusement, tout deux se déplacent pour me saluer, en commençant par mon patron. Vient ensuite le tour de l’inconnu.
- Enchanté. Ashley Collins, responsable du secteur publicitaire. Dis je en lui serrant la main de l’inconnu.
Une bonne poignée de main, tout un art : pas trop forte mais pas trop lâche. Ce dernier me répond en arborant un sourire qu’il espère surement charmeur.
- Ethan Gates, nouveau responsable événementiel de l'agence. Ravi de vous rencontrer mademoiselle Collins.
Bah tiens donc ! Encore un qui se prend pour un tombeur. Je commencerai presque à regretter M. Hugg, son prédécesseur, décédé il y a quelques semaines, même si ce n’était qu’un pauvre abruti.
Mon patron reprend la parole pour expliquer les termes de notre collaboration mais je ne l'écoute que d’une oreille car mon attention est retenue par autre chose : le type de l’ascenseur, il me regarde encore en souriant cet imbécile. Ses dents blanches sont dignes d'une publicité pour dentifrice. Je paris que cet homme fait la fortune de son dentiste.
Nan mais franchement c’est quoi son but ? Avoir les zygomatiques les plus musclés d’Amérique ? Combien de temps vous pensez qu’il peut tenir comme ça ?
Il me fixe depuis le début de l’échange ce qui me met mal à l’aise. Je lui lance le regard le plus noir et sévère possible, ce qui a le mérite de lui faire perdre sa tête ridicule.
Ils quittent finalement mon bureau, Mr Conrad devant finir de lui faire visiter les locaux.
Je me rassois sur mon fauteuil en soupirant, sachant déjà que cette collaboration ne sera pas de tout repos.
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La Rencontre
HumorAshley a tout ce qu'elle a toujours voulu : elle habite à New York, dans un appartement luxueux, et elle a décroché le job de ses rêves. Un seul petit détail vient perturber ce cadre idyllique : elle déteste les hommes. Tous, sans exception. Jusqu'a...