Je dis haut et fort "Oui" aux morceaux d'ananas sur les pizzas
J'étais parti de Corée de façon inattendue.
J'avais des projets bien-sûr, de nombreux projets. Mais mon départ pour les Etats-Unis alors que j'avais 20 ans n'avait rien eu à voir avec eux. Non, si j'étais ici aujourd'hui, c'était simplement car ça avait été l'ordre de mes parents. Je n'avais pas eu mon mot à dire, j'avais juste dû suivre la marche. Le monde de la bourgeoisie, de la haute-société, la richesse, incluait des sacrifices me répétaient-ils.
Or, un sacrifice est un renoncement, une privation volontaire. Pour l'intérêt de mes parents, il n'y avait eu ni privation, ni renoncement. Pour moi, il n'y avait pas eu de volonté. En réalité, j'avais été comme l'un de ces hommes jugés prêts à offrir sa vie à son dieu ; j'avais été le sacrifié du sacrifice.
Si dans certaines pratiques un sacrifice était un honneur, une route tracée vers le paradis, dans d'autres il avait pour but de débarrasser les terres des pourritures, des déchets, des erreurs. C'était cette dernière variante qui reflétait le plus ma vie à l'heure actuelle. Je n'étais qu'une erreur. Une erreur cependant trop grosse pour être supprimée, elle devait être camouflée coûte que coûte. Cachée. Là était mon quotidien.
J'étais l'enfant d'un couple d'influence qui cherchait encore la reconnaissance des mieux placés de leur pays. Le genre de personnes incluses dans un cercle très privé, qui grignote homard et cuvées anciennes entre les repas.
Le problème de ce genre de cercle est la compétitivité, l'acquisition de statut. Impressionner était une nécessité, sans arrêt courir après les meilleures opportunités, jouer avec des millions comme s'il s'agissait de vulgaires dizaines de wons. Sur votre chemin se dressait toujours quelqu'un de plus influent, de visible, que vous deviez à tout prix détrôner pour conserver votre piédestal.
Cette année notre étape, ou plutôt la leur, était New-York. Étais-je heureux ? Bien-sûr que non. Le bonheur était devenu une belle illusion depuis que j'avais ouvert les yeux sur la famille dans laquelle je vivais, et du monde auquel elle appartenait.
***
Cela faisait déjà une bonne demi-heure que j'étais debout devant la vieille porte faite de bois et de verre. J'avais sûrement été excessif, connaissant parfaitement l'horaire d'ouverture de la boutique, mais je me sentais rassuré. Savoir que mon appareil, mon trésor, était de l'autre côté de cette vitre, me faisait culpabiliser, mais être déjà ici, dans la fraîcheur matinale, me donnait l'impression de pouvoir lui faire sentir à quel point je tenais à lui, et regrettais ma négligence. Oui, j'y tenais énormément, si vous n'aviez pas encore remarqué.
Un petit tintement accueillant me fit décoller le nez de la vitre à travers laquelle je ne pouvais absolument pas voir mon bijou. Un vieil homme, que je n'avais apparemment pas vu traverser la boutique, fit passer sa petite tête dégarnie par l'embrasure de la porte, puis s'adressa à moi d'un ton empli de tendresse :
- Vous êtes le propriétaire du Leica, n'est-ce pas ?
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Photogénique [vkook]
Fanfiction« - Notre rencontre ne tenait qu'à un fil... Non, qu'à une photo. - Oh c'est bon, arrête de jouer les dramaturges un instant, et assume que c'est carrément psychopathe de photographier des inconnus. Surtout pour les mater une fois chez toi. - Je t...