Chapitre 12

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Ledit Warren fait volte-face, afin d'affronter le garçon qui vient de me sauver la mise.

-Tu veux la protéger ? le défie-t-il. Vas-y. Arrête-moi si tu le peux.

Tout à coup, j'ai un très mauvais pressentiment. Comme hypnotisée, je le regarde porter la main à sa veste et en écarter un pan, dévoilant la crosse métallique d'une arme à feu. Mon souffle se bloque dans ma gorge. Pourtant, Thunder ne semble pas du tout impressionné.

-Non, réplique-t-il, en croisant les bras sur son torse. Féline le fera elle-même.

Je déglutis péniblement, au bord de la crise de nerfs. Comment ça, je le ferai moi-même ?! Il a totalement perdu l'esprit ?!

Warren, qui précède la vague de mes protestations, ricane méchamment.

-Et comment ? réplique-t-il d'un ton provocateur, en pointant le canon droit vers ma tête.

Sa voix est teintée de défiance. Jusqu'aux tréfonds de mes organe, la tonalité triomphante qui en émane résonne douloureusement. Un rictus victorieux étire alors ses lèvres, et ses yeux, aussi froids que de l'acier, s'animent d'une expression féroce qui en dit long sur son infaillible détermination.

-Le meilleur moyen de le voir, c'est encore d'essayer, déclare-t-il, implacable.

Et il appuie sur la détente.

****

Doucement, le voile d'obscurité dans lequel je suis plongée se déchire, et mes sens s'éveillent. J'ai l'étrange impression de réintégrer mon corps après avoir flotté un temps indéfini dans le néant, et cette expérience me paraît presque brutale.

Une douleur lancinante, située à l'arrière de mon crâne, grandit sourdement. Elle semble s'accroître de seconde en seconde. J'ai la désagréable sensation que ma tête est passée sous un rouleau compresseur, et j'en déduis que je me suis évanouie.

Au bout de mes doigts, je perçois la granulosité du sol, dont l'inconfort achève de réanimer mon corps meurtri. Avec beaucoup de difficulté, je soulève les paupières. Ma vision est floue, mais suffisante pour me permettre d'entrevoir un visage penché sur moi.

-Elle revient à elle ! s'exclame une voix féminine, quelque part à mes côtés.

Chaque son me parvient de manière très atténuée, comme si je me trouvais sous l'eau. Je tente de froncer les sourcils et de reprendre le contrôle de mon corps, mais je ne suis pas sûre d'y parvenir.

-Ecartez-vous.

Immédiatement, je reconnais les inflexions autoritaires de Thunder, et la mémoire me revient. Tel un boomerang que l'on aurait mal lancé, elle me heurte l'esprit au point de m'en faire mal physiquement. Je me suis faite tirer dessus. Prise d'un gigantesque élan de panique, je me redresse d'un bond, prête à fuir ou, à défaut, à me battre. Mais je suis cueillie par une sensation de vertige particulièrement violente, qui me fait tanguer sur mes jambes mal assurées.

-Doucement, m'intime le jeune homme, et me retenant in extremis. Tu as subi un choc.

Je ferme les yeux un instant, attendant que le malaise s'estompe. Lorsque je les rouvre, je constate que l'ensemble du petit groupe, Warren inclus, me scrute, une expression de stupeur imprimée sur le visage.

-Que s'est-il passé ? croassé-je, complètement perdue. Je ne me souviens de rien après la détonation...

Le garçon aux prunelles émeraudes secoue la tête, l'air de me dire que les questions sont remises à plus tard. Je n'insiste pas, encore trop sonnée pour avoir l'énergie de protester.

-Tu crois que tu peux marcher ? s'enquiert-il plutôt.

L'étourdissement semble s'être estompé. J'acquiesce donc, un peu hagarde.

-Je pense oui...

Il passe un bras sous le mien, et me soutient. Mes jambes sont flageolantes, et il est presque obligé de me porter à l'extérieur du cercle de curieux. Ceux-ci s'écartent sur notre passage, prudents.

Lorsque je passe près de Warren, je remarque que le canon de son revolver est encore fumant. Pourtant, je n'ai pas la moindre blessure. Et cette constatation me déstabilise totalement.

Thunder me guide vers un coin reculé de l'espace, où est installée ce qui ressemble fortement à une infirmerie sommaire. Une table de bois brute occupe une majeure partie du carré, et des boîtes de médicaments sont empilées les unes sur les autres.

-Je vais soigner tes blessures, m'explique-t-il en me faisant asseoir sur la planche de bois.

Je hoche la tête. J'avais compris. Il m'intime d'enlever mon t-shirt, et j'obtempère sans broncher. Je le regarde s'emparer d'une bouteille de désinfectant et d'un coton, sur lequel il déverse le liquide translucide, puis l'appliquer sur la plaie qui suinte à mon épaule. Immédiatement, une sensation de brûlure me fait serrer les dents, afin de contenir le geignement qui menace de s'échapper d'entre mes lèvres closes.

Enfin, après quelques secondes à nettoyer le sang qui coagule déjà autour de l'estafilade, Thunder hoche la tête, satisfait.

-Tu ne devrais pas subir d'infection, m'annonce-t-il. Ta blessure n'est que superficielle. Je vais simplement la protéger d'un pansement, mais il faudra la surveiller au cas où.

J'acquiesce sans grande conviction. Nous n'avons presque rien, au QG. Je ne peux donc qu'espérer que cela guérira correctement. Pour détourner la conversation, je tente un trait d'humour.

-Tu dois avoir l'impression de passer ta vie à me raccommoder, ces dernières heures, plaisanté-je.

Mais le jeune homme ne sourit même pas, et son ton est glacial lorsqu'il s'adresse à moi.

- C'est vrai, rétorque-t-il. Tu pourrais faire un peu plus attention, car je n'ai pas que ça à faire.

Sous-entendu : tu n'es pas ma priorité, la prochaine fois je te laisse te débrouiller. Message reçu. Je me mords lèvre, mortifiée. J'aurais mieux fait de me taire.

Thunder approche alors ses mains de mon visage, et j'esquisse un mouvement de recul. Mais ses doigts fins enveloppent ma mâchoire, et mon corps se tend. Mon cœur, qui accélère brutalement, émet un tressautement étrange entre mes côtes. J'ai l'impression que je viens de courir un cent mètres. Avec une infinie douceur, qui contraste étrangement avec le ton sur lequel il s'est adressé à moi, Thunder écarte les mèches de cheveux blonds qui me tombent devant les yeux.

Son visage n'est qu'à quelques centimètres du mien, et je retiens mon souffle, incapable de détacher mes prunelles des siennes, si envoûtantes. Peu à peu ma peau s'enflamme, mais je réalise soudain que ce n'est pas vraiment à moi qu'il s'intéresse. Ce qu'il scrute avec autant d'intensité, c'est l'endroit où la balle aurait dû toucher ma tête. Une pointe de déception m'envahit, me prenant par surprise, et je la ravale immédiatement.

Finalement, le jeune homme s'écarte de moi, afin de ranger son matériel. Il n'a pas prononcé le moindre mot, et, encore une fois, je suis totalement perdue. Je me rhabille, rassemblant mes idées. J'ai tant besoin de réponses ! Je prends une profonde inspiration, et me décide à briser le silence qui nous entoure.

-Thunder... commencé-je, un peu hésitante.

Il se tourne vers moi, et l'intérêt qu'il semble me porter me pousse à continuer. Mais je ne sais pas par quoi commencer. Alors, je pose la question la plus simple :

-Que s'est-il passé ?    

G.I.F.T.E.D.Où les histoires vivent. Découvrez maintenant