Je tente de me débattre en grognant, mais l'homme qui me maintient resserre son étreinte et appuie quelque chose de froid contre ma carotide. La sensation me pique presque douloureusement la peau, et, immédiatement, je m'immobilise, soupçonnant une lame au fil tranchant. Un filet de sueur froide glisse entre mes omoplates.
-Là... Tout doux, jeune fille, chuchote mon tortionnaire près de mon oreille, certain de sa victoire contre ma résistance.
Son haleine âcre me soulève le cœur, et je dois faire un gros effort pour refouler la bile amère qui me brûle l'œsophage.
-Va te faire foutre, connard, réponds-je entre mes dents.
Je pensais ma voix trop basse pour qu'il m'entende, pourtant sa réaction me démontre le contraire. Et le colifichet ne semble pas particulièrement lui plaire.
-Tu as dit quoi ? gronde-t-il d'un ton menaçant.
L'étau de sa main se raffermit autour de mon bras, qu'il tord brusquement dans mon dos. Un gémissement de douleur aiguë s'échappe d'entre mes lèvres.
-Rien... parviens-je à articuler avec difficulté.
Après quelques secondes qui me paraissent interminables, il me relâche légèrement, et la sensation redevient à peu près supportable.
-C'est bien ! siffle-t-il encore, sur un ton dominateur qui ne me plaît absolument pas. Tu es une bonne fille...
Les inflexions de sa voix me paraissent vaguement familières, mais mon esprit, embrumé par une soudaine vague de colère, peine à raisonner de manière logique, et je ne saurais dire s'il s'agit là d'un tour de mon imagination.
Je me force donc à inhaler trois grandes bouffées d'air, afin de calmer mes nerfs mis à rude épreuve.
Autour de moi, c'est le chaos le plus total. Mes compagnons, assaillis de toutes part, tentent de se dépêtrer du piège dans lequel nous sommes bêtement tombés en pensant être enfin tirés d'affaire. Les cris et les bruits de luttes résonnent à l'infini dans l'interminable conduit de béton, et font bourdonner mes oreilles.
Peu à peu, mes camarades sont maîtrisés, entravés et menacés. Obligés, tout comme moi, d'assister à notre débâcle sans pouvoir intervenir. Certains sont déportés vers la zone éclairée, à l'autre bout du tunnel. Sans savoir vraiment pourquoi, je me surprends à chercher Thunder des yeux, l'inquiétude se glissant sournoisement dans les moindres recoins de mon corps.
Mon regard croise alors celui, farouche, de Maria. Son visage est couvert de sang, et le liquide sombre et poisseux s'écoule d'une profonde entaille qui s'étend de sa tempe à son front. Je ne peux m'empêcher d'esquisser une grimace en imaginant sa douleur, alors qu'elle ne semble même pas l'avoir remarquée. Elle me dévisage un instant, avant de se jeter dans la mêlée au secours d'une fille en mauvaise posture face à quatre garçons armés de marteaux.
Rapidement, je dresse le bilan, et il est loin d'être positif. Il ne reste qu'une dizaine d'entre nous, luttant désespérément contre la redoutable efficacité de nos adversaires, visiblement beaucoup plus habitués à évoluer dans un tel milieu. Egalement plus lestes, ils ne sont pas gênés par l'exiguïté du boyau.
Parmi ceux qui résistent encore vaillamment, j'aperçois Warren, qui se défend avec une ardeur incomparable. Il frappe de toutes parts, animé de cette rage qui semble ne jamais vouloir le quitter. Néanmoins, lorsque trois assaillants se jettent sur lui pour tenter de le maîtriser, le combat devient totalement inégal, et le jeune homme disparaît sous l'avalanche de coups.
Au milieu de ce déferlement de violence qui me tord les entrailles, je repère enfin la silhouette de Thunder. Il vient de mettre son adversaire K.O., et parcourt nerveusement le boyau du regard, comme à la recherche de quelque chose ou quelqu'un. Puis, lorsque ses yeux se posent enfin sur moi, son visage affiche une détermination sans faille et il se rue dans ma direction, se faufilant habilement entre les corps en mouvement.
Mon cœur tressaute bizarrement dans ma poitrine, et, malgré la situation désespérée, je ne peux m'empêcher de ressentir une bouffée de joie déplacée à l'idée qu'il se soit inquiété pour moi et qu'il vienne à présent me chercher.
Un léger sourire flottant sur mes lèvres, je tente de me concentrer à nouveau sur les événements qui se déroulent sous mes yeux, tout en faisant taire les rouages par trop fertiles de mon imagination.
Je réalise alors que l'un des belligérants adverses vient de prendre Thunder en chasse, avec la ferme intention de le neutraliser.
Immédiatement, toute ma bonne humeur retombe, remplacée par un indicible mais non moins puissant sentiment d'angoisse qui me noue le corps tout entier.
-ATTENTION ! hurlé-je sans vraiment réfléchir.
Je me projette en avant, mais la pointe affûtée de l'arme posée sur mon cou me rappelle à l'ordre. Un liquide chaud et épais s'écoule de la blessure légère.
-Je serais toi, je ne referais pas ça... me prévient la voix perfide de celui qui me retient là, réduite à l'état de simple spectatrice du calvaire de mes compagnons.
Je trépigne, d'autant plus frustrée que, dans la cacophonie ambiante, Thunder ne m'a pas entendue. La seconde d'après, l'ennemi lui décoche un coup de poing magistral dans la mâchoire, qui l'assomme à moitié. Le jeune homme vacille et tombe à genoux dans la poussière.
Son assaillant ne lui laisse même pas le temps de reprendre ses esprits. Fermement, il l'agrippe par le col de son T-shirt, et le tire vers le haut pour le forcer à se relever. Une ecchymose colorée commence à s'étendre sur la moitié basse de son visage, et sa lèvre est fendue. Cependant, il ne semble pas trop mal en point.
Son agresseur le fait alors avancer en direction du vaste espace où perce la lumière du jour, où sont déjà regroupés les autres.
Le jeune homme obtempère en titubant légèrement, tandis que celui qui me retient toujours captive le suit. Tout notre groupe se retrouve rassemblé là, à quelques mètres de la sortie. Pourtant, celle-ci ne m'a jamais parue si inaccessible.
Tout à coup, la tension autour de mon bras se relâche, me libérant enfin de l'emprise à laquelle je suis soumise depuis trop longtemps déjà. Mes membres sont complètement engourdis.
Je suis violemment projetée vers le centre du cercle formé par les survivants - car il n'y a pas de doute, au vu de leurs tenues vestimentaires disparates et limées jusqu'à la corde, ce sont bien eux - nous dissuadant ainsi d'envisager toute tentative de fuite.
Ils chuchotent entre eux, me regardant d'une manière étrange, et l'impression de déjà-vu que j'avais ressentie un peu plus tôt refait surface. Néanmoins, leurs visages restent en partie masqués par la pénombre qui habite les abords de l'espace circulaire, et je ne peux toujours pas dire si je les connais. L'un d'entre eux, après une vive discussion dont je ne saisis pas un mot, avec quelques autres, se détache du lot, et s'enfonce dans une galerie adjacente.
Lorsqu'il revient, il n'est pas seul, et mon souffle meurt dans ma gorge en même temps que mes yeux s'écarquillent de stupéfaction. J'avais tout envisagé. Sauf ça...
Dorian.
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G.I.F.T.E.D.
Science FictionLa Terre, an 2050. Féline, jeune orpheline de 17 ans, a grandi dans un New York dévasté, parmi une communauté de survivants aux mains d'un meneur tyrannique. Obligée de travailler dur sous l'écrasante chaleur qui règne la journée, elle prend chaque...