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Il fit un toussotement, puis se tourna très brusquement, si bien qu'il faillit tomber dans l'eau.

Je le rattrapai à la dernière seconde mais je dus me coucher sur lui pour le rattraper.

Ce qui me permit de voir la raison de son détournement si soudain ; il s'était étouffé en toussant et que ça soit à cause de ça ou de ce que j'avais dit, il avait de joues délicieusement rouges... et un air légèrement... ok, complètement affolé.
Appuyés contre la rambarde de la barque, souffles courts... je n'étais pas en très bonne position, surtout par rapport à ce que je venais de lui dire.

Malgré ça, je restai là et m'amusa de son trouble évident, même si moi-même je n'étais pas au top du confort.

《-Tu voudras bien sortir au cinéma avec moi, 'Kookie, quand même ? Je veux dire, c'est pas grand chose...

-Ah, euh, oui, cinéma, oui, tout à fait ! Ci-né-ma, Jungkook,  cinéma. Oui, alors oui, du coup, j-je veux bien, il n'y a pas de problème, il n'y a aucun problème, j-je serai honoré, enfin non, pas jusque là mais bref, ça me v-va. 》

Souriant, je me redressai lentement, juste assez lentement pour voir ses yeux me demander intérieurement de faire plus vite.

Lorsque je fut totalement droit, il me repoussa et se tourna vers l'exterieur, laissant échapper un "Ouf..." avant de prendre une grande respiration, tremblante.

-Ouf... comme tu dis, Kookie !

-N-ne... ne fais plus ça, s'il te plait...》

Son articulation était plus saccadée et il avait du mal à parler. D'abord flatté que je lui fasse autant d'effet -idiot-, je me rendis compte qu'en fait il n'allait vraiement pas bien.

《-Hey 'Kook, ça va ?

-M-moui... moui...

Devenu tout pâle en quelques secondes, les yeux brillants, les mains sur le coeur, la bouche fermée, serrée en un trait simple et crispé, plus le corps tanguant dangereusement, j'avais du mal à le croire.

-Parle-moi plus, Kookie ! J'aime pas
ça !

-Ouioui... c-c'est juste que... que j'aime pas quand... quand les g-gens sont près... et qu'moi j'veux pas... ç-ça me fait un peu peur...

-Merde, je suis désolé, excuse-moi, je ne savais pas ! Je, je... je peux faire quelque chose pour que tu te sentes mieux ?

-Non... attends juste que... que j-je me
c-calme...

-Oh je suis désolé, je suis désolé ! 》

Il reprit de nouveau une grande respiration tremblante, puis crispa ses joues blanches en un fin sourire, avant de redétourner sa tête vers la rive, trop rapidement à mon goût.

《-T-tu comprends m-mieux po-pourquoi j'étais si m-mal, après le b-bisou ? Je-je ne v-veux pas in-infliger aux au-autres la même ch-chose...

-Oui, tout à fait, je suis désolé Kookie ! Mais... tu es tellement mignon !

Je laissai échapper la dernière phrase sans vraiment le vouloir.

Un moment passa avant que Jungkook ne tourna lentement la tête vers moi, irrité et gêné.

-T-tu t-te r-rends compte, imb-imbécile, que ç-ça m'aide pas, ç-ça ?

-O-oui, désolé Jungkookie, je vais me taire, promis. 》

Me mordant les doigts, je culpabilisai et me disputai intérieurement, me rendant compte que, ô ridiculement, c'était bel et bien moi qui avais tout foutu en l'air et ce, avec mes foutus hormones d'adolescent en chaleur, stupide. Moi, c'est à dire le plus vieux. Pff... quel gamin suis-je, surtout.

Je voulais aider Jungkook !

Mais je ne savais pas comment et surtout je ne voulais pas le rendre encore plus mal...

De plus, pour moi, le contact était une des seules manières de réconforter quelqu'un...

Alors, laissant mon corps à une distance raisonnable, je posai tout doucement mes mains sur ses épaules musclées.

Une fois-là, je fus pris d'un doute. Je faisais quoi ? Je ne voulais surtout pas mal faire.

Hésitant, je les pressai délicatement et les frottai, comme si je voulais le réchauffer.

D'abord tendu, il s'affaissa un peu sur lui-même et j'eus le plaisir de voir que c'était mieux.

Après qu'il ait repris une respiration correcte, je délaissai ses épaules -à regret- pour me rasseoir à côté de lui, et lui ravir sa main, qui était d'une tendresse... comparable à peu de chose.
Peut-être à un ange ? Jungkookie l'ange ? Ou le jeune chat ?

D'un regard qu'il eut doux et précieux, il me remercia.
Troublé, j'en serrai un peu plus fort sa main, sans même m'en rendre compte.

Puis, d'une voix amère, façon café noir, il prit la parole :

《-Tu n'es pas le premier à qui ça arrive, ne t'en fais pas...

Heureusement, il y ajouta du sucre, du lait ainsi que de la chantilly.

-Mais tu es le premier à persister et à me réconforter... 》

Silencieux, nous restâmes ainsi quelques secondes. Finalement, il déposa sa tête sur mon épaule et s'endormit aussi tranquillement que s'il était sur un nuage.

Je l'observai, traversé par la beauté de ses traits.

Désormais, j'avais compris ; avec Jungkook, tout devait être lent et doux.

Ça me reposait du train d'enfer de ma vie, et de mon habituel empressement pour toutes choses.

Jungkook m'apaisait.

Au bout d'un moment, voyant les minutes défiler dangereusement, je le fixai. Je ne pouvais pas me résoudre à le réveiller, même si mon épaule engourdie m'élançait douloureusement.

À ce moment-là plus qu'à quelconques moments, on ne pouvait nier ses origines angéliques : la lumière de la lune -le ciel s'étant dégagé- caressait ses joues, donnant l'impression que Jungkook était juste l'incarnation même de la pureté et de la douceur, ses cils noirs effleurant le haut de ses joues ainsi que le bord de ses cernes mauves, tranchantes, qui, je dois l'avouer, me faisaient un peu peur... Son menton, posé dans le creux de mon cou, me paraissait trop fin, trop irréel pour un adolescent de seize ans.

Mais je pense que je devrai m'arrêter là, je pourrais parler de son faciès pendant plusieurs éternités... et le temps passait, malheureusement.

Doucement, je décalai sa tête et la déposa sur le bord de la barque. En silence, je pris les rames, et malgré mes élancements, entrepris de nous ramener à bon port.

Arrivé, de nouveau je fus devant ce
fameux dilemme : Le réveiller, ou me débrouiller ?

Et de nouveau, je cédai face au visage poupin de Jungkook. 

Il me tuera, sérieusement. Je passai un bras autour de sa taille, et pris sa main pour, encerclant mon cou, la poser sur ma poitrine... où, s'il se réveillait, il pourrait sentir mon cœur battre.

Chargé ainsi, je sortis du bateau.

Puis, je commençai une marche solitaire, ponctuée par les souffles réguliers du jeune homme sur mon dos.

C H U TOù les histoires vivent. Découvrez maintenant