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La première chose qui me fit comprendre que Jungkook s'était réveillé, fut sa respiration, soudainement accélérée, paniquée.

Prit d'un spasme de terreur, il serra fort l'oreiller, puis ouvrit un peu ses yeux gonflés.

Pour me regarder. Longtemps.
Des ses yeux noirs, intenses et infiniment perdus.

Il s'assit avec douceur, évitant cette fois mon regard, et me dit d'une voix terriblement neutre :

Où est-ce qu'on... Où est-ce que je suis ?

-On est chez moi. Je t'ai retrouvé dans-

-Je m'en rappelle.

Blanc de quelques secondes, avant que je ne me décide à parler, lui prenant la main.

-Viens, je vais soigner ton visage...

-Tu es sûr ?

-Quoi ?

-Tu es sûr de vouloir soigner mon visage ? Tu ne crois pas qu'il me correspond, ainsi ? Déformé ? Monstrueux ?

Je pris ses épaules pour le tenir face à moi, irrité par son ton et ses propos :

-Tu n'es pas un monstre. J'aimerai vraiment, vraiment que tu arrêtes de dire ça. Je te l'ai déjà dit plein de fois mais tu ne m'écoutes pas. Alors je te le redis encore une fois ; pour moi, tu es l'être le plus poétique que j'ai jamais croisé.

Je suis désolé de ne pas avoir été là pour toi. Si je pouvais, je retournerai mille fois dans le passé pour te sauver, pour ne pas te laisser seul là-bas. J'ai merdé, j'en suis désolé. Mais voilà, je ne peux pas retourner en arrière.

Je l'enlaçai et, menton sur l'épaule, murmurai :

-Maintenant, laisse-moi te soigner, te réchauffer, et surtout, prendre soin de toi. D'accord ?

Pour toute réponse, il enfouit son bout de nez contre ma clavicule. Ce qui me suffit emplement.
J'allai chercher du materiel de pharmacie, puis je revins vers lui, m'accroupissant devant son visage défait. Cet air amer et son silence me fit bien comprendre qu'il avait du mal à croire à ce que je disais, sauf que je ne pouvais rien y faire.

Je mis quelques goutelettes de désinfectant sur la surface du coton, et effleura doucement, craintivement, le haut de sa pomette.

Jungkook me regardai faire hypnotisé ; je ne pouvais dire s'il avait mal ou non.
Mais comme il ne se plaignait pas, je continuai la courbe de sa pomette, glissant le long du creux de sa mâchoire, puis dessinant le fil de cette dernière.
J'essayai de le faire avec tendresse délicate, comme si, étant aveugle, je redécouvrais ses traits.

Au même moment, une larme timide accompagna ma main.

Aussitôt, je le fixai mais Jungkook me paraissait plus ébranlé et perdu qu'éperdu de douleur.
Il posa sa main sur la mienne, la stoppant, et se mit à pleurer pour de bon.

Ne... ne me laisse plus, hyung... je t'en prie...

Embarassé, surtout très triste, je ne bougeai pas et balbutiai quelques légers mots, trop légers pour tout ce que je ressentais.

-O-oui, Jungkook, mais ne-

Sans m'écouter, brusquement affolé, il m'interrompit en fermant les yeux et en se pressant davantage contre ma main :

-Tu-tu es le seul qui... le seul qui...

Je ne sus jamais le reste de la phrase ; il s'était tu, laissant sa phrase flotter.

C H U TOù les histoires vivent. Découvrez maintenant