《 Ivan : 2.1》

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Je suis réveillé par un pas lourd, faisant grincer le parquet du couloir, suivi d'un léger grincement de porte et d'une série de pas beaucoup plus légers. Si j'ai reconnu le premier comme étant celui d'Éden, j'ignore à qui peut appartenir le second. Il ou elle est sûrement allé demander la raison de ce vacarme, surtout à cette heure matinale – il n'est que six heures, et le soleil vient à peine de se lever. Beaucoup trop tôt pour moi. Je me roule en boule et me rendors, avant que la sonnerie du réveil ne me tire définitivement du sommeil.

Au petit-déjeuner, Éden arrive en retard, comme d'habitude, mais au lieu de s'asseoir avec nous, il va se mettre tout seul à une table à l'écart. Nous échangeons des regards intrigués. Il y a quelque chose d'anormal dans l'air, quelques chose qui explique sans doute son attitude de ce matin, mais je ne sais pas ce que c'est. Sûrement des mauvaises nouvelles, j'en ai peur. Ce ne peut être que ça. J'ai tout un tas de théories qui me viennent, mais je ne veux pas y penser pour le moment. Parce que je pressens que je vais avoir bientôt assez de temps pour imaginer le pire.

A la fin du repas, il se met debout sur sa table et le silence se fait automatiquement. Il hésite un instant, parcourt le réfectoire du regard, comme à la recherche de quelque chose - ou plutôt de quelqu'un. Il doit l'avoir trouvé, car il se lance :

« OK, les gars, j'ai des nouvelles des Supérieurs.

Une nouvelle mission nous est donnée, mais cette fois, il ne s'agit pas de simple distribution de potage, d'exploration ou même d'attentat contre les bases ennemies. Cette fois, on nous envoie à la guerre. Je demande à tout le monde de rejoindre sa brigade dans le quartier qui lui est assigné. »

Pas plus de précisions : il quitte la pièce sans répondre aux questions qui fusent. Ava et Aaron se lèvent précipitamment et se lancent à sa poursuite. Je les vois discuter dans le couloir, puis Ava part dans sa chambre. Il y a des moments où je ne comprend pas Éden. Il sait très bien l'émotion que va déclencher une telle annonce, mais il n'explique rien, et nous laisse comme ça. Je sais que ce n'est pas sa faute, mais c'est plus facile de lui en vouloir à lui qu'à ces gens qui nous ont créé et dont on ne sait rien.

Je pince les lèvres pour les empêcher de trembler. De peur ou de colère, je ne sais pas trop. Zoey doit ressentir la même chose que moi, car elle murmure :

- On va y arriver.

Je hoche la tête par automatisme, mais en fait, je suis loin d'être aussi catégorique.

- Je m'y attendais un peu, j'avoue à voix basse.

- Oui, on ne pouvait pas s'entraîner comme on le fait jusqu'à la fin des temps.

- Ouais.

Difficile de s'entendre dans ce vacarme. Tout le monde parle en même temps, et il n'est pas difficile de deviner ce que pensent les autres. L'incompréhension, la peur du lendemain, toutes ces émotions mélangées qui me font craindre le pire.

Je remarque tout de suite que Zoey commence à paniquer. Je me glisse derrière elle et pose ma main sur son épaule.

- Ça va ?

Elle se mord les lèvres en hochant la tête, et finit par retrouver un air plus rassuré. Je la préfère comme ça. Même si je suis moi aussi complètement terrifié, luttant contre l'envie d'aller me terrer dans un coin et de ne plus bouger jusqu'à ce que ce soit fini. Quand serait-ce fini, voilà la question. Et je n'ai aucune réponse. Je déteste cette impression de ne rien pouvoir faire, d'être entièrement soumis aux décisions des autres.

Je ne veux plus jamais me réveiller dans une pièce inconnue en me demandant qui je suis et ce que je fais là.

Les gens se lèvent, laissant les plateaux sur les tables – ce sont les mêmes personnes anonymes qui nous préparent à manger qui débarrassent. Je crois que je préférerais être encore dans mon lit, ce matin, qu'ici, à se demander si c'est la dernière fois que je vois cette pièce.

Il y a une seule chose dont je sûr en ce moment, mais elle me suffit. C'est de savoir que Zoey ne m'abandonnera jamais. Moi non plus, je ne t'abandonnerais pas, je lui promet en quittant le réfectoire vers l'inconnu.

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