Katherine (tome 1)

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Cela fait maintenant plus d'un mois et demi qu'Ileana est arrivée. Je commence peu à peu à déchiffrer ses regards, à comprendre ses gestes. Je sais quand il est préférable de la laisser toute seule, et quand lui parler. À l'école, tout le monde l'adore. Les professeurs l'apprécient tous à l'unique exception de notre chère professeure de maths qui ne semble toujours pas remise de l'incident de la dernière fois.
J'ai pu tout raconter à Irina, et j'ai présenté tout mon groupe d'amis à Ileana. Les plus beaux garçons du lycée lui courent après ce qui n'est pas vraiment une surprise. Mais pour leur plus grand malheur, Ileana a rejeté toutes leurs propositions sans même y réfléchir. Les filles, elles, crèvent de devenir amies avec elle. Ce soir, nous sommes même invitées chez Sophia, une fille dans la même classe que nous. C'est Irina qui nous en a informées. Sophia est apparemment "très impressionnée par Ileana et n'ose pas trop aller vers elle". Lorsqu'Ileana l'a appris, elle a haussé les sourcils et a dit:

— Pourquoi pas?

J'ai accepté à mon tour et dansquelques heures, nous irons  à notre première soirée, pour ma part en toutcas.
Ileana est sortie courir, elle y va souvent. Je sais qu'elle en profite pourêtre seule et je ne peux que la comprendre. Nous souhaitons toutes les deuxgarder notre jardin secret. Il y a des sujets que nous n'abordons pas. Tout cequi touche à nos passés respectifs et à nos familles par exemple. Et je neressens pas le besoin d'en parler. J'ai pris la décision de tout enfouir en moiil y a des années. Et c'est pour le mieux.

Pendant qu'elle est dehors cette après midi, je décide d'écrire. Oui, écrire. J'écris souvent quand je m'ennuie, ou quand j'en ai besoin. J'ai du tenir une dizaine de journaux intimes mais depuis que Sabrina a lu sans gêne le dernier journal que je tenais, je les ai tous jetés. Si j'ai envie d'écrire aujourd'hui, c'est parce que je me sens différente depuis quelques temps. Il y a tellement de choses que j'aimerais dire. Tellement de choses que je n'arrive pas à dire... Je me rappelle de ce que mon psychologue m'a dit un jour: "Écrire des lettres, écrire des lettres, écrire des lettres. Il n'y a rien de plus libérateur. Mais surtout, n'oublie jamais qu'il ne faut pas que tu écrives ces lettres pour les autres. Écris les pour toi, exprime toi, livre toi, et puis brûle les."

Je suis son conseil depuis quelques temps et c'est vrai que c'est libérateur. Aujourd'hui, je ressens le besoin de placer des mots sur ce que je ressens. Alors je saisis une feuille, un stylo, et je commence à écrire. Je m'exprime. Je me livre. Et c'est vrai qu'il n'y a rien de plus libérateur. Une fois que j'ai terminé, je me rends compte que je dois commencer à me préparer pour la soirée. Je plie la lettre, la cache sous un livre, et je commence à chercher une tenue. Je suis en train d'empiler une vingtaine de tenues sur mon lit quand Ileana ouvre la porte. Elle apparaît dans l'encadrement de la porte, les joues rougies par le sport et paraît satisfaite. Elle lance un coup d'œil sur la pile de tenues sur le lit et me dit:

« Tu te prends trop la tête, mets n'importe quoi, tu seras belle de toute façon. »

Je ne suis pas certaine d'avoir bien entendu. Vient-elle de me complimenter? Une fille aussi parfaite qu'elle ? Je ne sais pas quoi répondre et me contente de baisser le regard, les joues empourprées.

« Je vais me doucher, je serai prête dans, disons une heure. Ça te va?
_Oui, c'est parfait. Ah et au fait, c'était bien? Ta course je veux dire.
_Oui, génial. Allez, à tout de suite. »

Elle sort de la chambre et je saisis la première tenue qui me tombe sous la main. C'est une robe blanche que je n'ai jamais portée. Je me dis qu'elle fera l'affaire pour ce soir. Je mets des collants transparents, et enfile la robe ainsi que des ballerines noires. Je jette un coup d'œil dans le miroir et suis satisfaite par l'image qu'il me renvoie. Je me trouve mignonne, jolie, même. C'est assez plaisant comme sensation.