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Katherine

Un simple regard en direction de Fanny et Ileana m'a suffi pour comprendre. Ileana a décidé de partir. Elle va nous quitter. Elle va me quitter. Et je n'aurais pas pu m'imaginer pire scénario.

« Arrête de pleurer mon amour. S'il te plaît. »

__ Ne me fais pas ça. S'il te plaît... » je lui chuchote à mon tour, en m'accrochant d'avantage à elle.

Ileana me regarde alors et se force à sourire, chassant d'un coup de langue une larme qui s'était logée au coin de sa lèvre.

« Viens. »

Je la regarde en haussant un sourcil et elle me tend sa main.

« Allez Katherine, viens courir avec moi. »

Je secoue la tête en posant néanmoins ma main sur la sienne.

« Je sais qu'il est tard mai...

__ Tss. Filez les filles. Ça va vous faire du bien », réplique Fanny.

Ileana lui lance un regard reconnaissant et je me contente de la suivre, trop sonnée pour dire ou faire quoique ce soit.

Une fois dans notre chambre, nous enfilons nos tenues de sport sans rien dire. Il est vingt-et-une heure et je me sens complètement extenuée. Vidée. Lorsque je me retrouve sur le perron de la porte avec Ileana, je ne sais pas trop ce que je fais là. J'ai envie d'avoir une discussion avec elle. J'ai envie de comprendre. J'ai envie d'y voir plus clair. Mais elle ne semble pas avoir envie de parler. Elle se met à trottiner et je la suis, sans rien dire. Nous courons à petites foulées dans les rues de la capitale américaine et je tente de faire le vide dans ma tête. Je prends rapidement le rythme d'Ileana et je cours à ses côtés, le vent frais caressant nos visages. Je ressens vite les effets de l'endorphine procurés par ce footing, effaçant au passage toute trace de fatigue.

Nous pénétrons dans le Franklin Square, silencieux et sombre en ce mercredi soir. Fanny avait raison, ça me fait du bien. Mais je sais que l'effet apporté par ce footing n'est qu'éphémère. Je sais qu'au moment où je m'arrêterai de courir, je penserai de nouveau. Et je ne suis pas sûre d'avoir envie de penser.

« Mon père est parti lorsque j'avais trois ans. Il est juste parti, comme ça. Et je ne l'ai plus jamais revu depuis. »

Ileana s'exprime d'une voix calme. Elle poursuit ses petites foulées et je la suis, décontenancée. Je suis étonnée par sa révélation. Je remarque qu'elle se dirige vers un banc et je la vois s'asseoir dessus. Je fais de même et elle plonge alors ses yeux dans les miens.

« Ce que je m'apprête à te dire, je ne l'ai jamais dit à personne. Je vais me livrer à toi comme je ne l'ai jamais fait auparavant Katherine. »

Je hoche doucement la tête et pose ma main sur sa cuisse. Je me penche alors vers elle pour capturer ses lèvres.

« Tu peux tout me dire, Ileana. »

Elle sourit alors, attendrie, et prend une profonde inspiration avant de commencer à parler.

Elle me dit tout. Et je l'écoute avec attention. Je serre les dents lorsqu'elle me parle de son père, parti du jour au lendemain sans rien dire. La laissant seule avec sa maman, complètement abattue par le départ de l'homme qu'elle aimait. Cherchant à en comprendre les raisons, en vain. Ileana sourit en abordant sa joyeuse enfance avec sa maman à Baltimore. Elle évoque certains de leurs petits rituels, leurs journées passées à l'aquarium et leurs soirées pâtisserie. Ileana poursuit en mentionnant la vie professionnelle de sa mère mise de côté, dans le but de pouvoir se donner entièrement à son éducation.

Katherine (tome 1)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant