Graines de folie (ARRÊTÉE)

CHAPITRE 20

[Rob]

J'avais oublié l'incroyable confort d'un bon lit bien chaud et bien douillé ! Enseveli sous mes draps, je me laissai glisser dans les bras de Morphée.

Quelle âme poétique décidemment !

Soudain, un étrange bruit me tira de mon sommeil. Comme je n'étais que peu sûr de ce que j'avais entendu, je décidai d'y faire abstraction et me détendis. Le bruit se reproduisit une deuxième, puis une troisième fois. C'était un bruit strident, similaire à la craie crissant sur un tableau. Un bruit métallique, qui ressemblait à un couteau coupant quelque chose.

Je ne me souvenais pas de la présence de mes parents, ce soir-là, alors je pris ma paire de couilles et descendis dans la cuisine sur la pointe des pieds. Ce que j'y vis me cloua sur place. Trois têtes que je connaissais parfaitement bien étaient plantées sur des piques de fer. C'était fortement comparable aux saucisses piquées sur leur cure-dents, sauf que là, ça n'avait rien de drôle, ni d'appétissant.

Ces trois têtes appartenaient à deux des triplettes et à une autre personne ; Cléli, Cléo et... Shaun. Leurs yeux étaient encore ouverts, vides, écarquillés, comme s'ils n'avaient pas eu le temps de comprendre ce qu'il leur arrivait. Leur tête avait été tranchée de sang-froid par un couteau de cuisine. D'ailleurs, en parlant de couteau de cuisine, je n'en voyais aucun de sorti. Que se passait-il ici, putain ? Je flippai comme je n'avais jamais flippé. Mes parents n'étaient pas là et je ne savais pas quoi faire. Puis, d'un coup, je sentis une lame contre ma gorge, une main glacée m'attraper par l'épaule, et la lame s'enfoncer dans mon cou, faisant gicler mon sang partout sur le parquet. J'avais mal, terriblement mal ! « Bordel ! » La personne jeta ma tête au sol. Mon crâne explosa. Et pourtant, je vivais encore. Je parvenais aussi toujours à voir, ce qui me permit de découvrir l'ombre de mon assassin, et par la même occasion, celui des filles et de Shaun. L'obscurité cachait ses traits, je ne pus pas l'identifier.

Mes yeux s'ouvrirent. Ce cauchemar... J'en faisais de plus en plus ces derniers temps, et ça commençait vraiment à me saouler. Celui-là, en revanche, je le trouvai beaucoup trop détaillé. Les organes jaillissant partout, les yeux sortant des orbites, le sang... dégueulasse ! Je tentai de me rafraîchir l'esprit en tapotant mes joues. Mon cœur était lourd. Je savais parfaitement pourquoi ce cauchemar avait été plus terrifiant que les précédents : c'était par rapport à la mort de Shaun. Et cette ombre que je ne parvenais pas à identifier... j'étais persuadé qu'il s'agissait de Cléa. La seule des triplettes qui n'était pas présente sur la scène de crime, c'était elle. A sa place, j'avais trouvé Shaun. J'avais trouvé la tête décapitée de Shaun sur un piquet en fer, où aurait logiquement dû se trouver la sale tête de la troisième sœur, Cléa.

Je réfléchis. Pourquoi avais-je fait « ce » cauchemar ? Les précédents avaient toujours eu un lien avec ce qu'il m'arrivait dans la vie réelle. Je n'aimais pas me creuser la tête, surtout lorsque je venais de me réveiller, mais heureusement, je ne tardai pas à trouver une réponse, qui ma foi me sembla être la seule plausible : j'avais du mal à l'admettre, mais ça signifiait que Cléa était en partie la cause de la mort de Shaun. Son absence l'avait tué. Elle n'était pas revenue me chercher à temps, et j'étais persuadé qu'elle l'avait fait exprès. Cette connasse m'avait attirée dans ses filets grâce à son beau sourire et ses grands yeux bleus abysses. J'avais été un pauvre poisson naïf et con qui s'était laissé entraîner dans les filets d'un pêcheur voleur de cœur et voleur de vie. Les larmes me montèrent aux yeux. « Ah non, pas encore ! »

Je devais faire quelque chose. Rester assis à me morfondre n'allait en aucun cas changer la donne. Tant que je ne ferais rien, personne ne pourrait être tranquille. Je ne pourrais pas dormir sans cauchemar, et par-dessus tout, Shaun ne pourrait pas reposer en paix. Ouais. Si je ne pouvais pas ramener mon pote à la vie, je me devais au moins de le guider vers la paix. Et pour ce fait, je devais tuer Cléa.