CHAPITRE 12

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[Asha]

La pluie se déversait en torrents. Depuis d'interminables heures, nous attendions que le temps se calme, enfermés dans une immense salle qui ressemblait aux ruines d'un restaurant abandonné. Ici, les plantes avaient su trouver leur aise : de véritables lianes lacéraient les tables, les chaises et le grand bar du restaurant. Il faisait froid, très froid. Recroquevillée à côté de la porte d'entrée, une couverture grise m'enveloppant, j'observai les recoins de la salle. Il fallait bien tuer l'ennui ! D'après ce que je voyais, un carnage avait eu lieu, ici ; ça m'en retournait l'estomac : des éclaboussures de sang ornaient les murs, les tables et les chaises libres de plantes étaient renversées, des bouts de verre jonchaient le sol, les cadavres des bouteilles d'alcool trainaient encore sur le comptoir du bar... Il n'y avait pas à dire, cette scène faisait froid dans le dos, à telle point que j'eus envie de pleurer... L'air était horriblement pesant, et il diffusait une odeur de mort à s'arracher le nez. Vous savez, c'est ce genre d'odeur de décomposition, quand les corps des morts deviennent gris et ternes et commencent à se transformer en lambeaux !

J'étais tellement épuisée que je n'avais même pas la force de vomir, alors que le tout réuni me rebutait au plus haut point. Mes paupières s'alourdissaient, et seuls les hurlements de la pluie me tenaient éveillée. Pour passer le temps, les garçons étudiaient les éclaboussures de sang sur les murs. Ils n'hésitaient d'ailleurs pas à mettre leurs mains dedans, comme s'ils goûtaient une sauce : ils pointaient leur index devant leur nez, et l'examinaient minutieusement.

« Il est frais, déclara Shaun ! Je pense qu'un massacre a eu lieu, ici, il n'y pas longtemps.

- Est-ce que c'est un moyen de nous faire peur ? Intervint Mia, sur un ton sarcastique. »

Depuis notre arrivée, Mia faisait les cents pas. Les bras croisés, elle attendait impatiemment que la pluie cesse. Des fois, elle témoignait son agacement en raclant le pied, emportant avec elle une trainée de poussière. Assise à côté de moi, je sentais que Libby se retenait de dire ce que nous pensions tous tout bas : même si cela me faisait de la peine de l'admettre, c'était de sa faute si nous étions enfermés dans ce restaurant lugubre. Après tout, si elle n'avait pas oublié son sac à la Grand Place, nous n'en serions pas là... Cependant, observant que Mia redevenait un peu plus elle-même chaque jour, nous n'osions pas la réprimander – sauf Shaun – parce qu'au fond de nous, nous étions heureux de retrouver notre amie, sûre d'elle et forte tête. « Enfin, ne nous enthousiasmons pas trop ; elle est encore loin du compte... » Pensai-je en soupirant.

« Tu devrais la mettre en veilleuse Mia, railla alors Shaun.

- Et pourquoi ?

- Parce que tu ne tiens pas à ce que je te rappelle l'identité de la personne qui nous a amenés ici ! Et arrête de me provoquer ! »

Libby se leva et se dirigea vers Shaun. Elle lui murmura quelque chose à l'oreille. J'ignorais catégoriquement ce qu'elle avait pu lui dire, mais il se calma sur le champ. Un regard mauvais resta cependant posé sur Mia, qui ne lui portait plus aucune attention. Je soupirai à nouveau : la tension était de plus en plus palpable dans notre groupe ; et de plus en plus, Rob et moi, nous nous sentions de trop... Entre Libby à prendre par des pincettes, Shaun sur les nerfs et Mia... plus la peine de s'étaler sur le sujet, il nous était compliqué de nous trouver une place. J'étais terrorisée, complètement terrorisée. Mais personne n'avait le temps d'y prêter attention, sauf Rob. Ainsi, souvent, nous nous retrouvions tous les deux, à l'écart.

Non. Rien n'allait plus du tout...


[Rob]

La nuit venait de tomber et la pluie avait enfin cessé de s'abattre sur la ville. Dehors, la luminosité était moindre : les quelques lampadaires qui fonctionnaient encore offraient une triste lumière blanche qui grésillait toutes les cinq secondes. De plus, d'épais nuages trônaient dans le ciel nocturne. Ni les étoiles, ni la lune n'étaient visibles.

Graines de folie (ARRÊTÉE) Où les histoires vivent. Découvrez maintenant