CHAPITRE 8

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[Rhys]

L'avantage et l'inconvénient du lycée Victorian, c'était qu'il y avait toujours un moyen d'entrer, à n'importe quelle heure. Et quand on connaissait bien cet établissement, on savait que l'on pouvait entrer par le petit portail au sud du terrain, à côté du gymnase, tout simplement parce que personne ne passait jamais par-là.

Je jetai un œil sur l'écran de mon téléphone : 01h30. J'avais échappé à la vigilance de mon père. Avec lui, la tâche n'avait pas été bien compliquée : il ronflait aussi fort qu'il parlait ; alors il lui fut impossible de m'entendre lorsque je partis de la maison. Je pénétrai dans la cour intérieure du lycée, la lumière de mon téléphone pour seul éclairage. Je savais où la plante avait été mise en « sécurité », Libby nous l'avait dit. Ainsi, tout devait se dérouler exactement comme je l'avais prévu ! Je brandis un trombone que j'avais trouvé en fouillant dans ma trousse – d'ailleurs j'ignorais par quel miracle j'en avais dégoté un – et l'enfonçai dans le trou de serrure. La porte s'ouvrit presque instantanément, car visiblement elle avait été mal fermée par les agents d'entretien. Une pensée plutôt malsaine me parcourut alors l'esprit : je me demandais si l'idée de goûter aux graines de folie ne leur avait pas traversé l'esprit, à eux aussi. En y pensant, ils auraient pu se rebeller contre leurs employeurs, prétextant que leur salaire était misérable, et se seraient emparés des graines de folie pour déclencher une véritable rébellion !... « Calme-toi Rhys » me dis-je, parce qu'il ne fallait pas que je me détourne de mon objectif premier.

Je n'étais jamais entré dans le bureau du proviseur, il y faisait très clair. A travers la grande fenêtre, la lune se faisait étincelante, belle et ronde... sa lumière blanche me rappela la chevelure de Mia. Le temps d'un instant, je me mis à douter... Et si j'étais en train de faire une connerie ? « Non ! Il ne faut pas que je me dise ça maintenant ! Je suis si près du but ! » Je secouai vivement la tête. Toujours à l'aide de mon trombone, j'ouvris habilement la porte vitrée qui me séparait de la plante : elle avait donné naissance à trois petites graines brillantes, pareilles à des rubis. Elles me rappelèrent les yeux de Mia, de véritables pierres précieuses brunes ! Je secouai une nouvelle fois la tête : il fallait définitivement que j'arrête de penser à elle ! La rage me dévora, autant que durant les précédentes heures : en voyant ce salopard si proche de Mia, j'étais devenu fou. Je ne voulais plus jamais qu'il la touche, qu'il lui parle, qu'il la regarde... qu'il existe ! D'un geste brusque et rapide, j'arrachai les graines d'une poigne et les avalai. Leur goût acide coula dans ma gorge. Un haut-le-cœur me saisit et ma tête se mit à tourner aussi vite que dans un manège. Dans ma danse ivre, je renversai un pot de fleur et m'efforçai de m'agripper au mur, pour ne pas finir comme la pauvre plante... Je fermai les yeux, envahi par la nausée... Puis, d'un seul coup, je me sentis différent... Je me sentis comme plus fort... Je me sentis doté d'une force physique qui m'était inconnue auparavant. Mon esprit ne semblait plus contrôler mon corps. Je remuai nerveusement, pris d'une pulsion : je foutus un coup de poing dans la vitre de la fenêtre et m'enfuis comme un voleur, parce que j'en étais un. Je m'envolai, bondissant de toit en toit. Comment étais-je capable d'une chose pareille ? Je regardai le couteau que je tenais fermement dans ma main : je l'avais trouvé dans ma cuisine ; il avait une lame des plus aiguisées. Un vrai couteau de boucher ! Je réfléchis un instant, tandis que je me posai sur le toit plat d'un immeuble : ma nouvelle destination était la maison de Jacob. Un sourire apparut sur mon visage : je remerciai Emily de nous avoir, un jour que nous discutions, gentiment communiqué le lieu de son habitat.


[Rob]

Je n'arrivais pas à croire que je me rendais au lycée un samedi... « Bordel, c'est le week-end ! » C'était le proviseur qui nous avait tous convoqués d'urgence. Quand j'arrivais, je remarquai que Shaun était déjà là. Comme je ne comprenais rien à cette manigance, je l'interrogeai.

Graines de folie (ARRÊTÉE) Où les histoires vivent. Découvrez maintenant