CHAPITRE 6

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[Rhys]

Le temps était d'une douceur et d'une fraîcheur inégalable... Ces dernières semaines, il n'y avait quasiment pas eu de pluie à Moges – et pourtant, nous étions en plein mois de mars –. Rob, Shaun et moi en avions profité pour nous rendre à la rivière Rocheuse. C'était notre petit coin à nous ! Dès qu'on le pouvait, on s'y rendait et on aménageait les alentours selon nos goûts : Shaun désherbait les lieux, Rob creusait la rivière de ses mains, et moi, je construisais des barrages de pierres pour retenir l'eau. Au final, cela ne servait à rien, mais nous passions une grande partie de nos après-midi libres là-bas ! On s'y sentait bien, trop bien... on se sentait légers comme l'air, pareils à des hommes de la nature, à des aventuriers, seuls face aux éléments...

Je fus tiré de mes pensées euphoriques par une main se posant sur mon épaule. Je sentis la chair de poule parcourir mon corps : cette main s'était posée avec la douceur d'un papillon... Elle était si chaude. Je me retournai, mais à contre-jour, j'avais du mal à reconnaître le ou la propriétaire de cette main.

« Je te dérange Rhys ? Demanda la voix que je reconnus immédiatement.

Apparaissant enfin, Libby me dominait de toute sa hauteur. Assis, je la trouvais immense. Elle avait le sourire jusqu'aux oreilles ! J'avais du mal à croire que quelques heures plus tôt, elle pleurait toutes les larmes de son corps ; comme Mia, Asha et la moitié des filles du lycée... Je secouai la tête et l'invitai à s'asseoir avec moi. Je me sentais affreusement gêné... « Plutôt crever que de lui avouer que le temps d'un instant, j'avais fantasmé sur sa main ! Shaun m'assassinerait et Libby me prendrait pour un fou ! » pensai-je, mal à l'aise.

« Quelque chose ne va pas ? S'inquiéta Libby. »

Je me rendis compte seulement maintenant qu'elle était en train de m'examiner attentivement. Les jambes recroquevillées contre sa poitrine, la tête posée sur les genoux, elle me regardait, pensive.

« Je... J'avais besoin de réfléchir un peu... »

Libby se moqua gentiment et me fit remarquer qu'il était déjà tard et que la sonnerie de 18h allait bientôt retentir. Elle me laissa cependant dans ma réflexion et alla se perdre dans les nuages. Entre deux pensées vagabondes, je lui demandai si les autres étaient partis, si Mia était partie... Libby me certifia que tout le monde était rentré chez soi. Je soupirai : j'aurais bien voulu voir Mia une dernière fois pour la journée... Elle s'était sentie si mal après la révélation du proviseur... j'espérais profondément qu'elle soit rentrée saine et sauve.

« Vous vous êtes réconciliés avec Mia ? Me questionna soudainement Libby comme si elle avait lu dans mes pensées.

- Oui, enfin je crois... On n'a pas vraiment eu l'occasion de se parler aujourd'hui avec tout ce qu'il s'est passé, expliquai-je.

- Je comprends (Elle leva les yeux au ciel, l'air ailleurs). »

Je sentais que Libby savait quelque chose que je ne savais pas. Sa force d'expression la trahissait toujours : elle avait détourné le regard, comme pour éviter de s'étaler trop sur le sujet ; alors, je tentai d'amorcer un tout autre sujet de discussion :

« J'ai vu une silhouette étrange dans les toilettes, confiai-je à Libby.

- ... (Elle mit un moment pour réagir, puis fronça les sourcils) Je sais. Quand vous êtes revenus avec Mia, et qu'Amalia a émis l'hypothèse que quelqu'un serait peut-être à l'origine de l'invasion des plantes aux graines de folie, j'ai vu ton regard s'assombrir et c'est là que j'ai compris que je ne devenais pas folle. (Elle me regarda intensément) Je dis ça, parce que moi aussi, j'ai vu une silhouette étrange Rhys ! Je l'ai vue, sur le toit du lycée, lundi soir !

Graines de folie (ARRÊTÉE) Où les histoires vivent. Découvrez maintenant