CHAPITRE 19

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[Amalia]

J'avais huit ans. Et comme toutes les gamines de huit ans, j'étais pas mal vulnérable. Ma mère m'habillait avec des robes roses à dentelles et me nouait les cheveux en deux petites couettes toutes mignonnes qui me donnaient un air très, très, très niais. Elle trouvait amusant de me ridiculiser, parce qu'à l'école, j'avais le droit à une tonne de moqueries de la part de mes camarades, surtout venant des garçons. Ça me contrariait parce que, déjà à cet âge-là, je préférais être amie avec des garçons qu'avec des filles. Je trouvais les filles nunuches et prétentieuses, et je trouvais les garçons cools et amusants, mais ils ne voulaient pas de moi dans leurs bandes.

Au contraire, les garçons étaient violents avec moi. Quand je tentais de les approcher, aux récrés, ils me poussaient ou me donnaient des coups pour me faire taire – alors que, bien souvent, je n'avais même pas encore commencé à parler – et ne manquaient pas de m'insulter correctement. Les filles ne m'aimaient pas, parce que je passais mon temps à les dénigrer : « Elle s'habille comme une poupée et elle dit qu'elle préfère les garçons ! Non mais on aura tout vu ! », Disaient-elles lorsque je passais près d'elles. Comme je ne les aimais pas, je ne faisais pas attention à leurs remarques ; cependant, je ne bénéficiais d'aucune aide dans les moments difficiles, car j'avais beau vouloir me comporter comme un garçon-manqué, je n'en restais pas moins une fille, une vraie fille bien clichée...

Je rentrais de l'école, comme tous les soirs. Le ciel était noir, je devais faire vite avant qu'il ne se mette à pleuvoir. Pour gagner du temps, je décidai de prendre un raccourci que j'empruntais de temps en temps. Il s'agissait d'un petit sentier qui passait par une forêt et qui débouchait directement dans mon quartier. A Vix, chaque petit chemin menait quelque part. Il n'y avait aucun cul-de-sac, et j'adorais jouer les aventurières en empruntant ces petits sentiers pleins de surprises ! De nuit, et par mauvais temps, le raccourci que j'avais pris pour rentrer chez moi paraissait plutôt effrayant, mais l'adrénaline, j'avais toujours adoré ça !

Malheureusement ce soir-là, la dose d'adrénaline fut différente. Alors que je marchais tranquillement, mon pied se prit dans quelque chose. Ce quelque chose me tira, me tira... jusqu'à ce que je me retrouve pendue à une branche d'arbre, la tête en bas. J'étais ridiculement tombée dans un piège, et je n'avais personne pour m'aider. Très vite, le sang commença à descendre dans ma tête. Je ne pouvais rien faire. Démunie.

« Amalia... Amalia tu m'entends ? »

Je sortis brusquement de ma rêverie et réalisai que je dormais debout. Quel souvenir dérangeant... Pourquoi diable est-ce que je me mettais à repenser à ça maintenant ? Je changeai instantanément d'expression afin de paraître plus crédible. C'était Mia qui m'avait appelée à voix basse. Elle me regardait, les sourcils froncés. Tout en avançant, elle me questionna :

« Tu es bizarre depuis notre arrivée ici, et même depuis bien avant... quelque chose ne va pas ?

- Tout va bien, ne t'inquiète pas.

- Pourtant, insista-t'elle, tu sembles perturbée depuis que nous avons entrepris cette mission d'infiltration. (Elle sembla réfléchir) C'est que tu as peur ? Tu sais, ce n'est pas un mal. Moi aussi, j'ai peur... »

Cet amas de questions me gênait beaucoup trop. Je ne voulais rien dire à Mia et Libby, du moins pas pour le moment. Il fallait que je les protège, et puis rien de tout cela ne les concernait. Elles n'avaient pas à savoir.

« Non, répondis-je franchement, tout va bien je t'ai dit, ne t'inquiète pas. »

Pour ne pas paraître trop cinglante, j'adressai un bref sourire à l'intention de Mia. Elle me le rendit, mais échangea aussitôt ma tête tournée un haussement d'épaules avec Libby. Elles ne devaient pas savoir. Je ne voulais pas. Les mettre au courant relèverait de les mettre en danger ; et pourtant... et pourtant, tout me revenait en flèche. J'avais mal au ventre rien que d'y penser, et je savais que ce n'était pas dû à la graine de folie.

Graines de folie (ARRÊTÉE) Où les histoires vivent. Découvrez maintenant