CHAPITRE 17

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[Rob] – Trois jours plus tard

Shaun manqua de crever.

Ça faisait bientôt vingt-quatre heures que mon pote dormait. Il en avait grandement besoin. Son épaule s'était infectée et l'infection s'était répandue dans tout son bras, devenu gris et terne. Shaun ne parvenait plus à le bouger, comme s'il était paralysé. La douleur s'intensifiait, la plaie ne cicatrisait plus et la fièvre montait sans cesse. Il suait. Lorsque je touchais son front, je sentais son sang bouillir sous mes doigts. Je prenais conscience des dégâts jour après jour, et je ne pouvais rien faire.

La veille, j'avais tenté de lui faire mordre un bout de mon tee-shirt – sale – pour le calmer, mais il l'avait littéralement mis en pièces. Rien à faire.

Tout en croquant dans un des biscuits secs et bizarres apportés par Cléa, trois jours auparavant, je me préparais à ressortir. En trois jours, j'avais finalement accepté de me mettre en tête, malgré mes inquiétudes, que Cléa n'était pas « méchante », et qu'elle était bel et bien de mon côté. Me dire cela me rassurait. Avoir une aide du camp adverse, c'était inespéré ! Pourtant, plusieurs indices m'avaient permis de déduire que Cléa était avec moi : chaque jour, elle avait apporté de quoi manger – comme des gâteaux – mais aussi de quoi nous nettoyer, Shaun et moi. Bien sûr, je devais épauler Shaun, qui ne pouvait presque plus bouger. D'ailleurs, son état commençait à m'inquiéter sérieusement. Aucune amélioration n'était observable... C'est pourquoi, ce soir-là, j'avais pris la décision de m'en aller trouver Cléa, probablement cachée quelque part dans l'immeuble. Chaque soir, avant de partir, elle prenait soin de ne pas verrouiller la porte, comme si elle m'incitait à sortir. Pour quoi faire ? Je ne savais pas trop. Sans doute pour me permettre de m'échapper !

Aussi, elle se doutait du piteux état Shaun, puisqu'elle en avait parlé avec l'autre capée, trois nuits plus tôt. « Elle pourra sûrement l'aider ! », me disais-je.

Prêt à faire feu, je descendis l'escalier sur la pointe des pieds – vive la discrétion – et aboutis au rez-de-chaussée. J'étais conscient que c'était imprudent de ma part de me rendre là en pleine nuit, mais mon instinct avait clairement pris le dessus. Une pulsion s'empara de moi au moment précis où mes yeux se posèrent sur la porte d'entrée, vitrée. Dehors, il faisait étrangement clair. Les plantes avaient créé une réelle petite jungle dans le quartier, et commençaient même à grimper sur la porte. Combien de temps avions-nous passé enfermés dans cet immeuble ?

Je pouvais m'enfuir à tout moment, mais ma raison me rattrapa – pour une fois –, parce que mon pote avait besoin de moi. A vrai dire, je ne savais pas vraiment ce que je faisais là. Hormis la pièce dans laquelle nous étions séquestrés, le rez-de-chaussée était le seul autre endroit de ce bâtiment moisi que je connaissais.

Sans savoir pourquoi ni quoi, je me mis à chercher quelque chose du regard. J'y prêtai beaucoup d'attention. Faire des choses sans savoir pourquoi je les faisais avait toujours été mon passe-temps favori ! Soudain, j'entendis un lourd bruit dans les escaliers qui ressemblait dangereusement à des pas. Je paniquai. Je ne savais pas où aller, ni quoi faire... Comme un con, je choisis de me cacher dans la minuscule et dégueulasse conciergerie de l'escalier, si merdique qu'elle ne possédait plus de porte. De cette façon, même un moi-gosse pouvait me retrouver sans grand soucis... Je me rendis compte de ma connerie uniquement lorsque je fus caché. « T'es vraiment trop con, Rob », pensai-je. Les bruits de pas se turent et le silence revint. Bien évidemment, ce fut à ce moment-là que j'eus une putain d'envie d'éternuer. Mon nez me chatouillait à mort. C'était tellement désagréable que je me mis à pleurer... « Double con. »

Graines de folie (ARRÊTÉE) Où les histoires vivent. Découvrez maintenant