4 : La souillon sur le perron - partie 2

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Je m'éloignais avant de héler un serviteur, et de lui demander le plus naturellement du monde où se trouvait la maîtresse de maison. Il me dirigea vers le grand salon, au deuxième étage, elle y menait conversation. D'un pas quasi-allègre (et oui, il allait falloir que je m'occupe sérieusement de ce sort de rajeunissement), je pris donc les escaliers et trottinait dans les couloirs jusqu'aux grandes doubles portes qu'on m'avait indiquées.

Elles étaient grandes ouvertes, et lorsque le serviteur avait parlé de conversation, il était loin du compte. Il y avait là une véritable horde de pipelettes, cancanant à qui mieux-mieux dans une vaste salle digne d'une cours royale. Il y avait de tout, des elfes, des fées mineures, des humaines, des gnomes, naines, nixes, pixes, il y avait même une guenaude, au fond de la salle, sur un grand sofa, apprêtée comme une jeune pucelle pour un soir de noce, effroyable vision si vous voulez mon avis, rendant l'ensemble parfaitement hallucinant.

Et surtout, c'était violent ! Mes pauvres oreilles ! J'étais assaillies de babillages futiles venant de toute part, un concert de coins-coins de canards en robe grande époque. La duchesse d'Aubépine aimait visiblement vivre dans le rétro, et devait sans doute se trouver au centre de cette pagaille féminine. Il allait falloir que je joue de coudes pour m'immiscer dans cette foule. Avec ma petite taille, j'aurais pu me faufiler, mais il y avait des fileuses de magie par ici, ce n'était pas la meilleur façon de passer inaperçue, je devais plutôt opter pour une immersion dans le grand bain, me fondre dans la masse, faire comme si j'en étais.

« Bon, puisqu'il faut jouer le jeu... Me dis-je, cancanons, cancanons ! »

Je pris une grande inspiration et me lançais, avec mon sens de la mesure coutumière : « Coin-coin ! Coin ! Coin ! Salut les greluches ! Hein ? Non je disais "jolies fanfreluches" !

N'est ce pas...

Coin-coin !

Oh toi... Qu'est-ce que t'es cruche !

Non, je disais : "c'est de la plume d'autruche ?"

Ah oui... c'est pas faux. Je me disais bien, c'est pas la bonne couleur »

Et ainsi, l'air de rien, en laissant peut-être quelques regards interrogatifs derrière moi, je traçais mon chemin jusqu'à la duchesse, la grande Duchesse, devrais-je dire, parce que grande, elle l'était. Au moins un mètre quatre-vingt dix avec ses talons. Imaginez ! En face de mes un mètre zéro cinq, cela le faisait bien.

Néanmoins, elle était plus fine que ces copines. Elle me vit arriver et m'accorda un regard étonné : « Tiens ! Mais que faites-vous ici, vous ? »

Aussitôt, les conversations dans la salle s'interrompirent et tous les regards se tournèrent vers moi, comme si chacune me voyait à présent pour de bon.

J'adressais un grand sourire hypocrite à mon interlocutrice, et mit la main dans ma veste en cuir cintrée, pour en sortir le coin de l'enveloppe qui m'avait été confiée à son intention.

La duchesse fit un vague geste de la main à l'intention de la foule, les regards se détournèrent et les conversations reprirent. Elle toucha une énorme bague qu'elle portait sur le majeur, et les bruits qui nous entouraient me parvinrent fortement atténués et déformés. Madame aimait conserver ses affaires privées à l'abri des oreilles indiscrètes.

« Cela faisait longtemps ! Me déclara-t-elle en me tendant la main.

Longtemps... Certes, d'autant plus que nous ne nous sommes jamais vu, répliquais-je benoîtement en lui tendant la missive.

Ah oui, c'est vrai, j'oubliais. »

Elle oubliait ? Elle oubliait quoi ?

« Vous les pixes messagers, vous vous ressemblez tellement ! » s'excusa-t-elle en me souriant de plus belle, accompagnant sa remarque d'un petit clin d'œil amusé.

La voie des féesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant