Chapitre 5 : Lisa

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J'arrive devant chez moi, après cette journée pourrie. Il va maintenant falloir que j'explique à ma mère pourquoi je me retrouve avec un mot à lui faire signer et une retenue de deux heures. Je franchis la porte de ma maison. Mon premier réflexe est de retirer ma paire de talons qui m'a fait mal aux pieds toute la journée. Lorsque je me rend dans la cuisine, ma mère s'y trouvedéjà, son téléphone portable collé à l'oreille. En entendant les mots qu'elle prononce, je devine qu'elle est en plein coup de fil professionnel. J'attends quelques minutes et elle finie par raccrocher. Elle remarque enfin ma présence et me salue.

- Ta journée s'est bien passée ?

Je suis étonnée. C'est la première fois, depuis plusieurs mois qu'elle me demande comment je vais. Peut-être qu'elle vient de se        souvenir qu'elle a une fille.

- J'ai un papier à te faire signer.

J'ai à peine le temps de finir ma phrase que son téléphone sonne à nouveau. Elle prend le papier que je lui tend et décroche son téléphone. Elle ne prend même pas la peine de le lire et se contente de signer. Elle me tend le papier et je soupire avant de monter les escaliers. Je ne vois pas pourquoi son comportement m'énerve encore. Je devrais être habituée à passer après son boulot depuis mes dix-sept ans d'existence.

*

J'arrive devant la salle 205 pour mes deux heures de retenue. C'est la première fois de toute ma scolarité que je me fais coller. J'aurais aimé me passer de cette première expérience mais lorsque je me souviens de la raison pour laquelle je suis ici, cela m'énerve encore plus. Encore une fois, tout est de sa faute à lui. D'ailleurs, quand on parle du loup, il fait son entrée dans la salle de cours, sa capuche sur la tête. Il garde celle-ci baissée et vient s'asseoir à côté de moi. Non mais je rêve !

- Il y a d'autres places, pourquoi tu te mets là ?

Mon ton froid lui fait relever la tête pour la première fois depuis son arrivée.

- Je te rappelle qu'on a un exposé à faire pour la semaine prochaine. Il ne va pas se terminer tout seul.

C'est vrai que j'avais oublié ce travail. Je ne vais pas dire que cela m'enchante de devoir travailler avec lui pendant deux heures mais je crois malheureusement que je n'ai pas le choix. Il sort son ordinateur portable et l'allume. C'est une chose que j'aime bien dans ce lycée : on a le droit de taper nos cours sur ordinateur. Je trouve ça beaucoup plus pratique que d'écrire à la main et de faire des ratures à chaque phrase. Une fois que celui-ci est allumé, nous nous mettons au travail. Le prof qui doit nous surveiller arrive dans la salle. C'est monsieur Simon, notre professeur d'histoire. Il s'installe à son bureau et sort une pile de copies de son sac.

- Alexandre, retire ta capuche s'il te plaît. Tu es        dans une salle de classe ici.

Mon voisin fusille notre professeur du regard mais, sachant qu'il n'obtiendra pas gain de cause, il décide d'obéir etretire sa capuche. Je tourne ma tête dans sa direction et quelque chose attire mon attention. Il fuit mon regard mais j'arrive à distinguer un bleu présent sur sa joue. Enfin disons qu'il est plutôt rouge, ce qui veut dire qu'il est tout récent. Je me demande ce qui a bien pu se passer pour qu'il se retrouve avec un hématome aussi gros sur le visage. Ce qui est sûr c'est qu'il n'a pas pu se faire ça tout seul.

- Tu compte me regarder encore longtemps comme-ci j'étais un extraterrestre ?

Le ton qu'il a employé en disant ça me fait directement revenir à la réalité. Je ne m'étais même pas rendue compte que je l'observais depuis plusieurs minutes. Nous nous remettons au travail rapidementet plus personne ne parle dans la salle.

C'est à 17h30 que nous sommes enfin libérés de nos deux heures de colle. Nous avons pu terminer notre exposé pour mardi prochain et j'avoue que je suis plutôt contente de notre travail. Lorsque j'ai su que j'allais devoir travailler avec l'autre abruti,je me suis dit que j'allais devoir tout faire toute seule et qu'il n'allait pas lever le petit doigt pour m'aider. J'avais tort. C'est même lui qui a fait la majeure partie du travail puisqu'il avait continué à faire ses recherches chez lui. Je pense que le livre qu'il a choisi l'a beaucoup inspiré. Il faut dire que c'est vraiment un roman extraordinaire qui soulève pas mal de questions. C'est d'ailleurs pour cette raison que c'est de loin mon livre préféré.

Lorsque Alexandre s'apprête à quitter la salle de cours, je le retiens par le bras. Il fronce les sourcils et attend que je parle.

- C'est quoi ce bleu sur ta joue ?

Il soupire et retire son bras de mon emprise.

- Je ne vois pas en quoi ça te regarde.

C'est vrai qu'il n'a pas tort après tout, ce n'est pas mon problème. Je ne sais pas pourquoi j'ai tant besoin d'obtenir des réponses. Nous ne sommes pas amis, bien au contraire et moi je suis en train de lui donner l'impression que je m'inquiète pour lui. Qu'est-ce que je peux être conne ! Bien sûr qu'il n'allait pas me répondre. Après la honte qu'il m'a affligé la dernière fois avec la photo, je ne vois pas pourquoi je continue de lui parler.

Il s'approche de moi et je peux sentir son souffle chaud sur mon visage. Son regard vidé de toute émotion me fait froid dans le dos. Alors que j'attends qu'il fasse quelque chose, rien ne se passe. Il reste là, devant moi à me fixer comme-ci j'étais sa nouvelle proie. Je suis incapable de réagir alors je reste là en attendant la suite des événements. Est-ce qu'il va me taper ? Me hurler dessus ? Difficile de savoir. J'essaye de m'éloigner de lui mais il m'en empêche en m'agrippant le bras fermement. Je me débat comme je peux mais il est beaucoup trop fort. J'essaye de cacher ma peur.

- Je te conseille de te mêler de ce qui te regarde        Lisa.

La façon dont il a prononcé mon prénom à la fin ne m'a en aucun cas rassurée. Cependant, il est hors de question que je me laisse faire.

- Sinon quoi ?

- Sinon je ferais de ta vie un tel enfer que tu        n'oseras même plus sortir de chez toi.

Des frissons de terreur s'emparent de mon corps et il semble le remarquer puisqu'il sourit avant de lâcher mon bras. Il a serré son emprise tellement fort que j'ai l'impression que mon sang avait arrêté de circuler. Il me lance un dernier regard avant de quitter la salle sans un mot de plus.

(In)accessibleOù les histoires vivent. Découvrez maintenant