Chapitre 10 : Alexandre

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     Après plusieurs minutes à essayer de bloquer ma porte de chambre avec le poids de mon corps, j'entends les pas s'éloigner de plus en plus. Je prends une grande bouffée d'air, comme si je m'étais empêché de respirer durant tout ce temps. Je ne sais même pas comment j'ai fait pour arriver jusqu'ici. Je me souviens avoir essayé de m'échapper et avoir couru aussi vite que possible dans ma chambre. J'entends encore le bruit de son poing s'abattant sur ma porte et sa voix hurlant des insultes à mon encontre. Je découvre avec effroi les marques présentent sur l'intégralité de mon corps. Mon ventre est recouvert de bleus, mon arcade est ouverte, laissant couler un filet de sang le long de mon visage. Je m'allonge sur mon lit, repensant à ce qu'il vient tout juste de se passer. Je ne sais même pas pourquoi cela m'affecte encore après tout ce temps. A chaque fois que son pied rencontrait mon corps, j'avais envie de lui rendre ses coups. C'est comme-ci j'en étais incapable.

     Je décide de me rendre dans ma salle de bain pour soigner mes blessures. Je désinfecte mon visage et met un pansement sur mon arcade pour la refermer. Je mets ensuite de la crème sur mes bleus, même si ces derniers me font énormément souffrir. Je fini par enrouler mon ventre de bandage afin de maintenir mes côtes dont quelques unes d'entre elles sont certainement cassées. Une fois soigné, j'observe mon reflet dans le miroir et m'insulte intérieurement d'être aussi faible. Je devrais réussir à me défendre depuis le temps que cette situation dure mais je n'y arrive pas. Je me contente simplement d'endurer et attend que tout soit terminé.

     Après un long moment de réflexion, je prends un sac qui se trouve dans mon armoire et y insert quelques vêtements et mes affaires de cours. Je prends des affaires pour me laver et referme mon bagage. J'ouvre ma fenêtre et l'enjambe. Je m'aide de l'arbre qui se trouve en face pour descendre. Une fois dehors, je commence à marcher sans but précis. Je réfléchis tellement que ma tête commence à me faire mal. Je sens des gouttes de pluie s'abattre sur mon visage et je commence à courir aussi vite que possible. Je ne sais pas combien de temps ma course a durée mais lorsque je m'arrête, la nuit est déjà tombée depuis un moment. Je regarde les alentours mais ne reconnais pas l'endroit dans lequel je me trouve. Je décide de marcher jusqu'au centre ville. Lorsque j'y arrive, je sais enfin où je vais pouvoir aller pour me défouler. Malgré ma course folle à travers la ville, je sens encore la rage ronger mon corps alors je sais ce qui pourrait m'aider à me calmer. J'arrive devant le hangar et entend du bruit à l'intérieur. J'entre et salue certaines connaissances. Je sais qu'ici personne ne va me poser de question sur l'origine de mes contusions. Sans plus attendre, j'enroule mes poings de bandages et enfile les gants de boxe à ma taille. Je me dirige vers le sac sur lequel j'ai l'habitude de frapper et commence mon entraînement. La musique raisonnant dans les enceintes de la salle m'aide à donner un rythme à mes coups. Après une demi-heure d'entraînement intensif j'essuie la sueur qui a coulé sur mon visage. Je retire mes gants et les range à leur place. Je regarde mon téléphone qui était resté dans mon sac et découvre qu'il est déjà une heure du matin. Je me rends dans les vestiaires de la salle de sport et prend une douche en ignorant la douleur que mes côtes me font endurer. Une fois libéré de toute ma colère, je récupère mes affaires et quitte la salle. Je me mets en route pour trouver un endroit où dormir mais j'avoue que - partant sur un coup de tête – je n'y ai pas trop réfléchis. Je sais seulement qu'il est hors de question que je rentre chez moi. En réfléchissant bien, il y a bien un endroit où je pourrais aller mais je ne suis pas sûr d'y être bien accueilli. Je décide de tenter quand même.

     J'arrive devant cette grande maison de laquelle j'ai franchis la porte hier matin. Je me place sous la fenêtre de Lisa et y jette des cailloux afin qu'elle m'ouvre. Je la vois apparaître, le visage encore endormi. Je m'en veux de la réveiller à cette heure-ci mais je n'ai pas le choix. La pluie va tomber toute la nuit et je n'ai aucune envie de dormir dehors. Elle ouvre la fenêtre et fronce les sourcils en me découvrant dans la pénombre.

     - Qu'est-ce que tu fais là ?

     - Je suis partit de chez moi et j'ai nul part où dormir. Est-ce que je peux rester ici ?

     Suite à mes paroles, Lisa ferme sa fenêtre, me laissant là. Je comprends qu'elle m'en veut pour hier et qu'elle n'a aucune intention de me laisser rentrer. Alors que je m'apprête à partir, j'entends la porte d'entrée s'ouvrir, laissant apparaître ma camarade de classe. Elle me fait un signe pour me dire d'entrer. Je ne peux pas empêcher un sourire de soulagement se former sur mon visage. Je la suis à l'intérieur. Elle me conduit jusqu'à une chambre.

     - Tu vas dormir là.

     Je hoche la tête en signe de remerciement mais elle ne le voit pas puisqu'elle n'a pas daigné lever  la tête vers moi depuis que nous sommes dans la maison.

     - Je suis désolé. Désolé d'arriver à cette heure-ci sans prévenir, désolé pour hier, pour la photo, pour Dylan. Pardon pour tout ça.

     C'est très rare que je présente mes excuses à quelqu'un et je dois avouer que cela m'a demandé un effort surhumain pour mettre ma fierté de côté. Elle relève enfin sa tête vers moi et son visage se décompose en découvrant l'état dans lequel je me trouve. Elle ouvre la bouche pour parler mais aucun son n'en sort. Elle quitte la chambre et revient quelques instants après avec une trousse de secours. Elle en sort ce qu'il faut et commence à faire les mêmes gestes que j'ai faits il y a quelques heures. C'est seulement maintenant, en sentant le produit me piquer que je comprends que mon arcade s'est de nouveau ouverte.

     - Qui t'a fait ça ?

     - Je me suis battu avec quelqu'un dans la rue.

     Je mens pour ne pas qu'elle me pose plus de questions. Elle termine de me soigner et je ne peux m'empêcher de la fixer. J'observe ses yeux verts, ses lèvres rouges, ses cheveux décoiffés par le sommeil. Elle est habillée d'un t-shirt et d'un short. Je ne pensais pas dire ça un jour dans ma vie mais elle est vraiment belle. Je sens son souffle s'abattre sur mon visage et mes yeux se plantent sur sa bouche. Elle commence à ranger tous les produits dans la trousse de soins et s'éloigne de moi pour sortir de la pièce. Avant qu'elle ne puisse s'enfuir, je lui attrape le bras, l'obligeant à se retourner pour me regarder. Elle m'interroge du regard et je la fais se rapprocher de moi. Je vois ses joues devenir rouge et lui caresse doucement le visage. Je continue de l'observer et elle me regarde d'un air à la fois demandant et inquiet. Je me penche vers elle et nos lèvres effleurent, je vois ses yeux se fermer et pose enfin ma bouche sur la sienne. Sans que je m'y attende, elle s'éloigne de moi et commence partir. Avant de quitter la pièce, elle me lance un léger :

     - Bonne nuit.

     Et merde !

(In)accessibleOù les histoires vivent. Découvrez maintenant