Chapitre 9 : Lisa

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Mes yeux s'ouvrent doucement et se referment immédiatement à la vue du soleil qui traverse la fenêtre de ma chambre. Il me faut quelques minutes pour m'habituer à cette lumière aveuglante. Je regarde autour de moi en essayant de reprendre conscience du lieu dans lequel je me trouve actuellement. Je suis dans mon lit. Je regarde ma tenue et fronce les sourcils en voyant des vêtements qui ne sont pas les miens. Ce sont des habits de garçons. J'essaye de me rappeler les événements de la veille mais tout est flou dans ma mémoire. La soirée, l'alcool, la musique, une chambre, Dylan...Dylan ! Je me souviens de ses mains sur mon corps, de ses lèvres sur les miennes...Et puis de l'arrivée d'Alexandre dans la chambre. Si ce dernier n'avait pas été là, je ne peux imaginer ce qu'il se serait passé. Dylan avait l'air tellement sympa pourtant, jamais je n'aurais pu imaginer qu'il essaye de m'agresser.

Ce qu'il me reste à savoir, c'est comment je suis rentrée chez moi cette nuit. Je ne me souviens pas du trajet du retour ni de m'être couchée dans mon lit. Je n'ai pas le temps de me poser plus de questions, la porte de ma chambre s'ouvre, laissant entrer Alexandre, une tasse dans une main et une assiette dans l'autre. Mon premier réflexe est de cacher mon corps sous ma couette pour ne pas qu'il me voit étant donné que je ne porte que mon soutien-gorge et un short de sport dont j'ignore encore la provenance. Alexandre pose la tasse et l'assiette sur ma table de nuit et je l'en remercie timidement. Je me souviens maintenant que c'est lui qui m'a raccompagnée chez moi et mise au lit. A cette idée, un sentiment de honte s'empare de moi. Le garçon qui m'insupporte le plus au monde m'a sauvée et vu à moitié nue. Si on m'avait dit ça hier encore, je n'y aurais pas cru une seule seconde.

- Comment tu te sens ? me demande-t-il d'un ton neutre.

- Honteuse.

Il ne dit rien d'autre et je prend la tasse de thé qu'il m'a apporté pour en boire une gorgée. Ça me fait tellement bizarre de le voir ici à s'occuper de moi comme-ci j'étais malade. Malgré que ses intentions me touchent, je ne peux que me souvenir qu'il est en partie responsable de ce qu'il s'est passé hier soir. S'il n'avait pas placardé cette photo de moi dans le hall du lycée, je ne me serais pas retrouvée dans cette situation. Je savais que cette photo allait ma poursuivre pendant longtemps. Si je pouvais revenir en arrière, je le ferais sans aucune hésitation.

- Est-ce que tu veux en parler ?

Je relève la tête vers Alexandre et il me regarde sans aucune expression sur le visage. C'est plus fort que moi, je lui assène une grande claque sur la joue. Mon geste est si violent que sa joue, ainsi que ma main deviennent rouges. Il semble choqué par mon geste et j'avoue l'être moi aussi. Après tout, il le mérite.

- Ça y est, tu te sens mieux ? me demande-t-il énervé.

Son ton sarcastique ne fait qu'augmenter ma colère et je me jette sur lui en le frappant de toutes mes forces. Ça n'a pas l'air de lui faire très mal mais ça me permet, à moi de me sentir mieux. Je le frappe pendant quelques minutes et fini par me calmer. Je peux deviner que mon visage est devenu rouge écarlate et que mes cheveux sont en pagaille. Lui, me regarde toujours de son regard neutre, cependant, je peux y déceler un sentiment de colère qu'il se force à cacher pour ne pas me frapper à son tour.

- Oui je veux en parler. Tout ça c'est de ta faute. Si tu n'étais pas un tel connard, je ne t'aurais jamais renversé cette bouteille de coca sur la tête à la rentrée. Tu n'aurais pas essayé de te venger et tu n'aurais pas affiché cette photo de moi pour que tout le monde la voit. Alors oui pour moi tu es quelqu'un de mauvais et méprisable. Si tu ne t'étais pas vengé, Dylan ne m'aurait pas agressée en pensant que je suis une traînée. Tu sais ce que ça fait de te retrouver prise au piège sans ne rien pouvoir faire pour t'échapper ? D'avoir tellement peur que tes muscles ne répondent plus de rien ? De prier pour que quelqu'un t'entende souffrir ? Non tu ne sais pas. Moi c'est ce que j'ai vécu hier soir par ta faute. Je ne sais pas pourquoi tu me détestes autant pour vouloir me voir souffrir mais en tout cas sache que tu as réussi.

J'ai dit tout ça tellement rapidement que je dois reprendre ma respiration après mon monologue. Il me regarde, le visage rouge de colère.

- Maintenant c'est à moi de te dire ce que je pense. Tout d'abord je suis désolé pour la photo, mon but était de te faire du mal et de t'humilier comme tu l'avais fait avec moi à la cafétéria mais je ne savais pas que cette histoire allait aller aussi loin. Tu as le droit de m'en vouloir mais tu ne peux pas tout me mettre sur le dos non plus. Je te rappelle que c'est moi qui t'ai trouvée hier et j'aurais pu faire comme-ci de rien était et te laisser te faire violer. Mais je ne suis pas ce genre de connard. Personne ne mérite de subir ça, même pas toi. D'accord je ne t'aime pas mais tu avais besoin d'aide. Je te signal aussi que c'est moi qui me suis occupé de toi cette nuit lorsque tu faisais des cauchemars et que tu te réveillais en sursaut.

Je ne me souviens pas du tout avoir fait des cauchemars cette nuit. Ce qu'il est en train de me dire est vrai, je ne peux pas oublier qu'il m'a sauvée.

- Et puis après tout, ce n'est pas moi qui ai prise cette photo. Tu as voulu jouer l'allumeuse, maintenant il faut assumer.

Je suis choquée par ses mots. J'ai envie de lui envoyer une nouvelle fois mon poing dans la figure.

- Connard !

- Et pour répondre à toutes tes questions, si j'ai déjà ressenti de la peur. Je sais ce que ça fait d'être pris au piège et ne pas pouvoir s'enfuir. Je sais ce que c'est d'avoir mal et ça peut-être même plus que toi. Tu joues la victime mais redescend sur terre, tu n'es pas la seule à souffrir dans ce monde. Si tu savais regarder plus loin que ton petit nombril, tu verrais que la vie n'est pas rose et que beaucoup de personnes souffrent autour de toi.

Je l'écoute parler et c'est seulement lorsque je vois ma mère faire irruption dans la chambre que je me rend compte que nous nous étions tous les deux mis à crier.

- Non mais c'est quoi tout ce bazar ? J'ai travaillé jusqu'à cinq heure ce matin et vous venez de me réveiller avec vos cris. Vous pouvez pas aller vous prendre la tête ailleurs ?

- De toute façon j'allais partir, dit Alexandre en ramassant ses chaussures et en quittant ma chambre.

Ma mère sort à son tour et je reste seule, à penser aux paroles d'Alexandre. Je me rend compte que ce qu'il dit n'est pas totalement faux et je me sens honteuse. Je pense également au comportement de ma mère qui ne m'étonne même plus. Je ne sais même pas si elles avait que je sortais hier soir. Elle n'a même pas cherché à savoir qui était ce garçon dans ma chambre et si j'allais bien. J'ai l'impression qu'elle oublie de plus en plus qu'elle a une fille dont il faut qu'elle s'occupe. En agissant de la sorte, elle est en train de me perdre.

(In)accessibleOù les histoires vivent. Découvrez maintenant