La route, presque déserte à cette heure tardive, me paraissait interminable, le paysage défilait devant mes yeux sans que je le vois vraiment et le volant glissait entre mes doigts ridés et moites. Je n'avais absolument aucune idée de l'endroit où j'allais, mais c'était le dernier de mes problèmes. L'aiguille du compteur indiquait que je venais de dépasser les cent-vingt kilomètres/heure, mais ça aussi m'importait guère. Je voulais juste fuir, m'échapper un instant de ma propre personne. Mon regard était fixé devant moi. Still Loving You de Scorpions passait à la radio et la pluie battante martelait le toit de ma vieille voiture.
Quelle heure était-il ? Certainement vingt-deux heures passées. Je me garai devant un pub encore ouvert dont l'enseigne clignotait faiblement, et entrai à l'intérieur du bar. Une douce chaleur m'envahit. Je m'assis au comptoir, saluai le seul serveur encore présent. Il devait avoir une vingtaine d'années, à peine. Je l'enviais. J'enviais son innocence, sa liberté et son manque d'expérience dans la vie. Je lui demandai un cocktail, que j'avalai d'une traite. Il tenta d'engager une conversation, mais il fut vite découragé et préféra se taire et retourner nettoyer les tables. Je n'avais pas envie de parler. A personne. Je voulais juste mélanger mes larmes à l'alcool et me laisser noyer dans mon chagrin.
Mon verre était déjà vide, un peu comme mon cœur, sauf que ce dernier était vide d'amour, vide d'espoir. On ne pouvait pas le remplir aussi facilement que l'on ouvre une bouteille. Mon cœur était rempli de visages d'absents. Je commandai un verre de whisky. J'en détestai le goût, et je détestai la brûlure qui m'agressa aussitôt la gorge. Mais je lui demandai tout de même la bouteille entière. L'expérience avait démontré que j'aimais souffrir. Je la vidai aussi. Mes yeux fixaient le mur d'en face, perdus dans le vague. Ma tête commençait à tourner, et mon cœur battait trop fort, et trop vite. La lumière m'aveuglait, j'avais envie de vomir. Je me levai, chancelante, avec une seule idée en tête : sortir d'ici au plus vite. Je traversai le pub et poussai la porte. Le vent qui soufflait et agitait la nuit me fit frissonner.
Le serveur me rattrapa et posa une main sur mon épaule. Madame, vous n'avez pas payé, m'a-t-il lancée. Je ne lui ai pas répondu. Je me suis éloignée. Je vais appeler la police, l'ai-je entendu crier. Mais je n'ai pas réagi. Sa voix était trop hésitante, et mes pensées bien trop déterminées. Je suis montée dans ma voiture, j'ai tourné la clé de contact. Le moteur a démarré bruyamment. J'ai roulé longtemps, peut-être deux heures, m'engageant au hasard dans des ruelles désertes. J'ai traversé des villes et villages presque aussi morts que moi. Puis je me suis retrouvée en pleine montagne, roulant à pleine vitesse au bord des ravins qui m'attiraient dangereusement. Il y a eu un virage. Puis un autre. Celui-ci, je ne l'ai pas évité.
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De maux à mots
PoetryJ'ai ramassé les morceaux de mon cœur, un à un. La tâche a été rude, et longue. Je me suis coupée, plusieurs fois. Et tout ce que ces morceaux de cœur macéré me disaient, je l'ai écrit. Ici. 17:07/18 : #4 écriture.