"A la hauteur...", qu'ils disent

12 2 0
                                    


Je ne crois pas avoir déjà été réellement à la hauteur de qui que ce soit. Je veux dire, de manière totale et constante. Enfin, c'est ce que je crois. Pas même de ma propre personne, en fait. J'ai l'impression de décevoir tout le monde, tout le temps, pour tout. Plutôt défaitiste, hein ? Pourtant, c'est pas faute de recevoir des compliments et des félicitations. N'allez pas penser que je suis une fausse modeste, ou que je suis difficile. Non, non... Là n'est pas le problème. Seulement voilà, valdinguer entre les approbations et les désapprobations, sembler être une fille bien et puis soudainement, sembler être une ratée, ça retourne un peu les idées. Du coup, je sais plus trop où j'en suis. Les adultes diront que je me plains pour rien. Peut-être. Comme je l'ai dit, j'en sais rien.

Tiens, parlons-en, des adultes. Ceux qui projettent leurs désirs sur les générations futures. Ceux qui nous font déterminer la moitié de notre vie à partir d'articles de journaux et de conférences annuelles. Ceux qui nous reprochent d'être impolis alors qu'ils nous ont éduqués. Ceux qui nous reprochent de ne voir que nos propres intérêts parce qu'on ne pense pas aux leurs. Très paradoxal, quand on y pense. Ceux qui voudraient qu'on soit ce qu'ils ont été, qu'on comprenne ce qu'ils ont vécu. A quoi ils pensent, ces adultes ? Les exigences et les espérances s'accumulent comme des cartons trop lourds que l'on doit porter. J'ai mal au dos à force de tenir. J'ai les yeux bouffis à force de pleurer dans mon coin, parce que dans ce monde, c'est tabou de ne pas être à la hauteur. Parce que les nouveaux jours apportent de nouvelles facilités, de nouveaux horizons. C'est ce qu'ils disent. Parce qu'en apparence, tout est plus facile. Aucune raison de se plaindre, donc. Et pourtant... 

Alors on essaie de se voiler la face, et de voiler celle des autres. On se laisse opprimer le cœur et congestionner les idées. Avec l'expérience, c'est devenu une habitude. Il y en a qui arrivent à s'y faire, il faut croire. D'autres, moins. D'autres, pas. Comme moi. Je me sens un peu bête du coup ; en plus d'être insatisfaisante, je suis à la traîne. Je crois que j'arrive pas à rentrer dans les clous. Rien me parle, dans cette société, que l'espoir d'en sortir un jour. Ça ressemble davantage à une utopie, ce genre d'existence. Et donc, je disais que j'arrive pas à m'y faire, à cette idée d'"être à la hauteur". Ça sonne faux. Ça n'a plus de sens - la preuve, je ne suis même plus très sûre de savoir ce dont je parle... mais je sais que puisque j'en parle, c'est que quelque chose cloche.

Je suis trimbalée entre illusions et désillusions. Je suis fatiguée, je comprends plus rien à rien ni à personne. Je trouve qu'on donne du sens à ce qui n'en a pas et qu'on enlève l'essence de ce qui est sensé. Ça va mal se terminer, cette affaire. J'ai pas une bonne image de moi-même, en réalité. Et le problème, c'est qu'on s'amuse à m'en donner une différente tous les jours, d'image. Ça complique mon travail de réconciliation avec moi. Oui, non. On, off. 

Il se fait tard. Je vais dormir. La nuit ne me portera pas conseil, mais soit. A mon réveil, j'aurai à encore de quoi me plaindre.

De maux à motsOù les histoires vivent. Découvrez maintenant