Chapitre 8

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Je ne distinguai d'abord qu'une ombre qui se dressait à la lueur du lampadaire. Il était grand et sa carrure était large. La panique reprit le dessus sur le soulagement et mon pouls s'affola alors que l'homme s'approchait de ma mère. Lorsqu'il ne fut plus qu'à quelques pas d'elle, les phares éclairèrent son visage. Ses longs cheveux bruns emmêlés virevoltaient dans le vent et masquaient son expression, mais je le reconnus sans hésiter. C'était Henri, le garçon à tout faire de Monsieur Alfred.

Il s'avança prudemment vers ma mère, suivi de près par Gino. Il s'arrêta à sa hauteur et se pencha vers elle. Je ne perçus pas ce qu'il dit, mais ma mère eut un hoquet de surprise et son visage changea d'expression. Elle détourna ses yeux du ciel pour les poser sur lui. Henri me désigna presque imperceptiblement du menton et elle se tourna vers moi, prenant conscience pour la toute première fois de ma présence. Ses yeux étaient humides.

"Maman?" appelai-je doucement. Je lui fis signe de me rejoindre tandis qu'Henri l'encourageait d'un regard. Je la pris dans mes bras dès qu'elle fut hors de danger et remarquai qu'elle tremblait. "Tu es frigorifiée!" m'écriai-je. "Viens, rentre, je vais te préparer du thé pour te réchauffer" ajoutai-je en lui prenant doucement la main et en l'entraînant vers la maison. Arrivée sur le pas de la porte, je laissai ma mère me précéder à l'intérieur avant de me retourner au son de la camionnette qui repartait.

Je soufflai un "merci" qui se perdit dans le vrombissement du moteur. Mais alors que je ne distinguais qu'une forme sombre au volant, j'aurais juré l'avoir vu acquiescer.

***

Je retrouvai la sécurité de la maison et laissai la chaleur ambiante me réchauffer un instant. Je déposai une tasse de thé fumante près de ma mère et lui donnai une couverture. J'entrepris de partir à la recherche de mon père, mais un tour rapide de la maison m'apprit qu'il n'était pas là. Je remarquai que le répondeur clignotait. J'étais rentrée du lycée si remontée et exténuée que je n'y avais pas prêté attention. J'étais montée directement me coucher.

J'enclenchai le répondeur et écoutait le message : "Salut chérie, c'est papa. Je suis en déplacement cette semaine, je t'ai laissé des instructions sur la porte du frigo. Je ne rentrerai pas avant samedi. Je t'embrasse fort, prends soin de ta mère."

J'ouvris le frigo à la recherche d'une bouteille d'eau, ignorant le billet qui y était accroché. J'avais terriblement mal à la tête.

Je trouvai ma mère endormie dans son fauteuil et décidai qu'il valait mieux la laisser se reposer. Je rejoignis ma chambre et me glissai sans bruit dans mes draps.

Cette nuit-là, je trouvai le sommeil difficilement. Certains diraient même que je ne le trouvai pas du tout.

AyeurOù les histoires vivent. Découvrez maintenant