Mes yeux s'accoutumaient encore à l'obscurité environnante, mais je n'étais en rien gênée par le noir. Je m'aventurai d'un pas lent dans la pièce sans allumer la lampe, profitant de cette sérénité réconfortante. Cela faisait des mois que je n'étais pas venue ici. J'avais longuement hésité avant d'entrer, fixant la lourde porte fermée depuis ce qui semblait une éternité. Maman ne pouvait plus la voir. Elle pensait toujours l'y trouver.
Je m'assis sans bruit au bord du lit et passai ma main sur les draps. Ça sentait comme lui. Tout ici sentait, était lui. Nick. Toujours ce même nom à la bouche.
"Où es-tu ?" murmurai-je dans un souffle.
Tu me manques, avais-je envie d'ajouter. Mais le Nick qui me manquait n'était pas le même que celui qui nous avait désertés.Je l'avais supplié de ne pas partir. Il n'avait pas écouté. Il avait promis de me donner des nouvelles chaque jour, chaque seconde de son absence.
"Je dois partir" avait-il dit. Mais il aurait aussi du revenir.Le grand frère que j'aimais n'aurait pas fait ce qu'il a fait à maman, à papa. À moi.
Mon regard se posa sur la commode. Un tiroir était resté entre-ouvert, gouffre béant dans une chambre restée inchangée depuis le départ de son locataire. Je savais que maman n'avait rien touché, persuadée que son fils reviendrait sous peu.
Je m'approchai du tiroir et tendis la main pour l'ouvrir complètement. Je suspendis mon geste. Était-ce là vraiment mon droit? Même les morts ont leurs secrets. Je secouai la tête et tirai dessus d'un coup sec.
Le tiroir renfermait quelques pièces de monnaie, une enveloppe et un vieux devoir de mathématiques. Je m'emparai de l'enveloppe, mon cœur s'affolant plus que de raison. Mais l'enveloppe était vide. Mon frère n'avait pas de secret inavouable expliquant son départ. Il avait simplement choisi de nous abandonner.
Je lançai de toutes mes forces le tiroir à l'autre bout de la pièce. Il s'écrasa contre le mur dans un fracas digne d'un film d'action.
Le devoir de mathématiques gisait sur le sol à quelques pas de moi. Je pus distinguer l'intitulé "Probabilités" et la note de 3,17. Il avait du autant réviser que moi pour ce test, pensai-je en esquissant un faible sourire.
Je ramassai la feuille. "Nick, c'est toi?"
Malédiction !
Je tournai la tête en direction des yeux emplis d'espoir de ma mère depuis l'encadrement de la porte. Le bruit l'avait réveillée.
"Oh..."
Elle venait de me reconnaître. La lueur dans ses yeux s'estompa aussi vite qu'elle était apparue. Détournant le regard, elle rebroussa chemin et disparut de mon champ de vision. Quelques secondes plus tard, je reconnus le bruit significatif des mouvements incessants de son rocking chair.Jugeant qu'il valait mieux laisser cette pièce à ses fantômes, je décidai de regagner ma chambre, non sans refermer la lourde porte derrière moi.
***
"À plus", dis-je faiblement avant de raccrocher. Je poussai un long soupir et m'allongeai sur le lit. Cette conversation avec Sarah m'avait vidée. Mon ventre émit une légère plainte. Abandonnant l'idée de demander à ma mère de me préparer à dîner, je souris en lisant le sms de Sarah. Celle-ci était d'une humeur massacrante, ce soir. Son audition pour l'équipe de football féminine était le lendemain et un rien l'irritait. Je mettais cela sur le fait qu'elle savait pertinemment que tous se douteraient qu'elle n'était pas là pour le sport, mais pour plaire à Alex, le gardien de but de l'équipe des garçons.
Je remarquai que je tenais encore entre mes doigts le vieux devoir de mathématiques de Nick. Pour une raison qui m'échappait, mes yeux revenaient sans cesse à la note: 3,17. Je savais que Monsieur Steinfield méprisait mon frère autant que moi et ne manquait jamais une occasion de le ridiculiser. Mais pourquoi 3,17 précisément? Quelque chose me dérangeait dans ce chiffre.
Mes paupières se fermèrent d'elles-mêmes avant que je ne puisse dire de quoi il s'agissait.
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Ayeur
FantasyOn dit souvent que la Lune est une femme. Ce n'est pas exacte. Laissez-moi vous raconter son histoire.