Une heure après le dîner, la vaisselle était propre. Je pus enfin m'asseoir sur le canapé et me relaxer un peu en zappant les chaînes de télé. Damien était retourné dans son antre à peine sa dernière bouchée avalée et m'avait souhaité une bonne nuit en passant. J'étais donc seule et je pouvais enfin souffler.
J'avais trouvé un film documentaire qui avait l'air intéressant et je voulais le regarder. Mais c'était sans compter sur ma fille qui arriva à peine dix minutes après que je me sois confortablement installée sur le sofa. Maman un jour, maman toujours ! C'est un vrai travail à temps plein ! Laurine m'informa d'une voix tremblante qu'elle était rentrée et je l'entendis renifler plusieurs fois avant qu'elle ne monte les escaliers quatre à quatre pour finalement claquer la porte de sa chambre.
Mon instinct maternel m'indiquait clairement qu'il s'agissait d'une Alerte Rose, et qu'il était temps d'agir. Je pris la boîte de mouchoirs extra-doux de la salle de bain et filai vers la chambre de Laurine. Je toquai et ouvris doucement la porte. Ma princesse à la grenouille, comme j'aimais à la surnommer, était recroquevillée sur son lit et sanglotait.
D'où venait ce surnom ? Depuis le début de son adolescence, Laurine avait tendance à s'enticher de tous les mauvais garçons qui croisaient son chemin. Les délinquants, les play boys, les machos, les bad boys etc... elle m'en avait ramené un petit paquet à la maison depuis ses 13 ans. Et bien sûr, elle finissait toujours par être déçue ! Résultat : l'Alerte Rose alias l'alerte des peines de cœur, avait sonné tant de fois que je n'arrivais même plus à mémoriser les prénoms des coupables... En plus, ce n'était pas de mignonnes petites grenouilles qui se transforment en prince à la fin de l'histoire dont elle tombait amoureuse, non, c'était des vrais crapauds ! Ce cas-là, d'ailleurs, semblait assez sérieux.
Je m'assis sur le lit de ma fille et lui caressai doucement le dos. Puis je murmurai :
« Alors ma fille, qu'est-ce qui s'est passé ? C'est ton copain ?
- Matteo, mon ex-copain maintenant, oui.
- Ah oui, Matteo... et qu'a-t-il fait pour être relayé au statut d'ex ?
- C'est un connard, voilà tout ! Je l'ai trouvé en train d'embrasser une jolie blondasse décolorée ! Il m'a trahie, Maman !
- Maintenant, tu sais pourquoi c'est difficile de refuser de jouer la psy quand Maxime me tombe presque dans les bras en pleurant ! C'est dur d'être trahi par l'être aimé.
- Merci maman de me réconforter, je me sens beaucoup mieux, vraiment, tu es une mère en or !
- Pff, que veux-tu que je dise ? Que les hommes sont tous des cons ? Je ne l'affirmerais pas car ce n'est pas vrai, il y a des homme gentils un peu partout, et je suis sûre que tu trouveras ton prince charmant, toi aussi !
- Parce que toi, tu l'as peut-être rencontré, ton prince charmant ? »
Outch, ça faisait mal ! Ma fille perdit instantanément son ton cinglant lorsqu'elle se rendit compte de ce qu'elle venait de dire et elle s'excusa. J'avais cru l'avoir trouvé, mon prince charmant. Il s'appelait David et m'avait donné deux beaux enfants. J'avais été très amoureuse de lui, du début à la fin. Malheureusement, un an après la naissance de Damien, il avait disparu du jour au lendemain, sans raison valable.
Laurine pleurait de nouveau et me répétait qu'elle était désolée. Ma pauvre chérie devait être épuisée émotionnellement, un peu bouleversée par toutes ces nouvelles sensations que nous apporte l'adolescence. Je l'attirai contre moi et la serrai fort dans mes bras, en murmurant :
« C'est pas grave ma princesse, ne t'en fais pas, il n'y a pas de mal. Tu sais, c'était il y a quatorze ans, j'ai eu le temps de m'en remettre. Et puis, votre père ne m'a pas laissée seule et abandonnée : il m'a donné deux magnifiques enfants qui me rappellent chaque jour que j'ai quand même beaucoup de chance. Allez ma grande, sèche tes larmes. Ce Matteo ne les mérite pas. Ni personne d'autre, d'ailleurs. »
Ma fille leva la tête, sécha ses larmes avec les mouchoirs que j'avais apportés et me regarda avec ses grands yeux rougis. Puis soudain, elle me demanda :
« Comment tu fais pour être aussi forte, maman ? »
Cela me surprit. Ma fille devait quand-même être sacrément bouleversée pour me sortir des questions pareilles, elle qui d'habitude ne m'adressait que des critiques acerbes ou des remarques emplies d'ironie. Je ris doucement et répondis :
« Est-ce que j'ai le choix ? Il faut bien que je sois forte, ma fille, car personne ne peut l'être à ma place... »
Nous restâmes quelques secondes en silence. Puis j'embrassai Laurine sur le front et déclarai que c'était l'heure d'aller dormir. Sur ces mots, je quittai la chambre et retournai dans le salon.
***
Une fois dans mon lit, les mots de ma fille tournaient encore dans mon esprit. « Parce que toi, tu l'as peut-être rencontré, ton prince charmant ? »
La réponse était clairement non. David n'incarnait pas du tout l'image que je me faisais d'un prince charmant, comme aucun de mes rares amours de jeunesse. Mon cœur avait toujours été capricieux, j'avais toujours eu du mal à tomber amoureuse.Peut-être viendrait-ce encore ? Peut-être que je réussirais à retomber amoureuse une fois encore ? Je ne savais même pas si j'en avais envie... d'un côté, j'avais peur d'être à nouveau abandonnée mais de l'autre, en attendant, j'étais quand même seule. Toutes ces réflexions me donnaient mal à la tête et je n'avais vraiment plus besoin de ça ce soir. Alors je me retournai dans mon lit, m'enfonçai sous la couette et le sommeil ne tarda pas à m'emmener dans un monde onirique.
***
Une semaine après, Laurine allait beaucoup mieux et je fus à peine surprise lorsqu'elle m'expliqua, toute excitée, qu'elle était amoureuse d'un nouveau garçon et que lui non plus ne semblait pas indifférent à son charme. Et je fus encore moins surprise lorsqu'elle m'annonça deux semaines plus tard qu'elle sortait avec lui. Décidément, le côté cœur d'artichaut de Laurine ne lui venait pas de moi !
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Il était une fois une maman
ChickLitIl était une fois, dans un royaume pas si lointain et pas si charmant, une reine qui avait deux enfants. Abandonnée par son mari un an après la naissance du second, elle jonglait entre boulot et famille pour tenir à flot son petit château. Il fallai...