« MARTIN ?! » m'exclamai-je.
Être en couple avec ce jeunot de 25 ans - pardon, 26 ans - gentil, bien élevé, sérieux, intéressant, beau gosse et intelligent ? Bon, c'est vrai que dit comme ça il avait toutes les qualités requises et même plus, mais je ne le connaissais que depuis deux jours, nous étions à peine des connaissances et son âge était plus proche de celui de ma fille que du mien !
« Ah non, non, non ! Tu sais qu'il n'a que 26 ans, ce garçon ?
- Non, mais bon, qu'est-ce que ça change ?
- Ça change qu'il a plus l'âge d'être mon fils que mon compagnon !
- Bah, ça va, vous avez quoi, 15 ans d'écart ?
- Oui, et c'est au moins dix ans de trop ! Imaginons que, par la plus grande des fantaisies, l'on se mette en couple. D'une, je ne verrais pas ce qu'un étudiant viendrait s'enterrer avec une quadragénaire, et de deux, les gens me prendraient pour une cougar !
- S'il t'aime, il ne laissera pas les gens dire de toi que tu es une cougar.
- S'il t'aime ! Tu es en train de faire des plans sur la comète ! Il ne m'aime même pas !
- Désolé, mais un jeune homme qui offre des chaussures à une presque inconnue, c'est qu'il doit bien t'aimer quand même !
- Mais non, ce n'était pas vraiment un cadeau...
- Si tu le dis, mais bon, avoue que ça y ressemble tout de même un peu. Mais inversons la question : est-ce que toi, tu l'aimes ?
- ... Hein ?! Non ! No way ! Ça va pas la tête, je le connais depuis deux jours ! Deux. Jours.
- Les coups de foudre, c'est comme l'homéopathie, il suffit d'y croire pour que ça marche !
- Mouais, mais pas dans notre cas ! Arrête avec ça, maintenant. Les blagues les plus courtes sont les meilleures.
- Mais... »
Il n'eut pas le temps de protester, que la porte d'entrée s'ouvrit et que mes enfants crièrent qu'ils étaient rentrés. Sauvée par le gong !
Maxime s'éclipsa après m'avoir quand même ajouté de réfléchir à ça. Quel idiot, ce gars, je sentais bien que ces idées allaient me torturer l'esprit pendant des jours ! Pour un Parrain Fé, il avait encore du pain sur la planche.
***
Le surlendemain, pendant ma pause de midi, je reçus un appel du lycée. Oh oh, ce genre de choses n'étaient jamais bon signe ! La secrétaire à l'autre bout du fil m'expliquait que ma fille s'était disputée avec une prof jusqu'à... en venir aux mains ?! Qu'est-ce que c'était encore que cette histoire ! J'aurais bien aimé pouvoir dire que le sujet de la dispute avait dû être très important pour que Laurine sorte ainsi de ses gonds, mais ce n'était malheureusement pas vrai. Ma fille avait le sang chaud, elle s'était déjà battue plusieurs fois depuis son enfance, mais personne ne savait de qui elle tenait cette impulsivité.
Bref, j'allais devoir faire un détour par le lycée en rentrant à la maison. Cette histoire me mit en rogne pour le reste de la journée et au moment de prendre la voiture, mes mains étaient crispées sur le volant. Mes enfants m'avaient déjà fait honte et je m'en remettais à chaque fois mais cela n'était jamais agréable pour autant. Je me garai devant l'établissement. Je me présentai à la secrétaire de l'accueil qui m'indiqua la direction vers le bureau de la proviseure. Je montai les escaliers, passant par deux étages pour m'arrêter au troisième puis je longeai le long couloir bordé de dizaines de portes. Ce lycée était un gigantesque labyrinthe !
Lorsque j'arrivai enfin devant la porte indiquant « Bureau de Mme la proviseure », je dus m'arrêter pour reprendre un peu mon souffle avant de toquer. Une voix forte m'invita à entrer. Assise derrière le bureau, il y avait la proviseure et devant le bureau, ma fille et celle que je devinais être la prof avec qui avait eu lieu la dispute. Une autre chaise était libre à côté de Laurine et je m'y installai après avoir serré la main de la proviseure et de la professeure. Mme la proviseure m'expliqua :
« Mme Delambre, la secrétaire, a déjà dû vous dire deux mots sur ce qu'il s'est passé. Mais dans un premier temps, je vais vous raconter les différentes versions des faits et nous aviserons ensuite.
- D'accord.
- Donc, l'événement s'est produit ce matin, pendant le cours de biologie de Mme Jasmin ici présente. L'activité du jour était la dissection d'un œil de porc. Laurine a refusé de prendre part à l'exercice, ce qui est compréhensible. C'est à partir de là que les versions diffèrent. Laurine témoigne que Mme Jasmin se serait exclamé "Que les chochottes incapables me suivent vers le fond de la classe et fassent gentiment une feuille d'exercices minables pour pauvres enfants sensibles. À rendre à la fin du cours, bien sûr, il faut bien que vous fassiez quelque chose." Votre fille s'est emportée à cause du discours de sa professeure qu'elle a trouvé insultant et c'est ainsi qu'a débuté la dispute. Selon Mme Jasmin, elle n'aurait pas été aussi insultante que rapporté, mais votre fille se serait énervée car elle trouvait injuste d'avoir des exercices notés à faire simplement parce qu'elle ne voulait pas faire la dissection. Bref, dans les deux cas, l'histoire se termine par votre fille claquant Mme Jasmin. »
Laurine releva la tête et marmonna :
« 'Fin claquer, claquer, c'est un bien grand mot... »
Je lui pris le bras et lui lançai un regard sévère. Ce n'était pas le moment pour elle de se faire remarquer. Elle leva les yeux au ciel en soupirant discrètement. Je me reconcentrai sur la proviseure et demandai :
« D'autres élèves ont dû voir ce qu'il s'est passé ; non ?
- Effectivement. Certaines versions se rapprochent plus de celle de Laurine, d'autres plus de celle de Mme Jasmin, mais dans l'ensemble, il semblerait que cela soit un mélange des deux.
- D'accord. Donc que proposez vous ?
- Même si Mme Jasmin est aussi partiellement en faute, puisqu'il paraîtrait qu'elle s'est montrée irrespectueuse envers votre fille, je ne peux pas laisser Laurine impunie. Elle a frappé son professeur, donc peu importe le sujet de dispute, elle est en faute. Je me vois donc obligée de l'exclure deux jours du lycée. Quant à vous, Mme Jasmin, vous êtes avertie : si j'entends encore une plainte de ce genre à votre égard, ça se passera moins bien pour vous. »
Lors de sa dernière phrase, elle s'était tournée vers la prof de bio. Celle-ci acquiesça. La proviseure me donna encore un papier officiel attestant que ma fille était renvoyée pour deux jours. Puis nous nous en allâmes.
Une fois en dehors de l'établissement, Laurine explosa :
« Nan mais cette prof ! Quelle sa...dique-aigrie-lépreuse-obèse-pourrie-énervante ! Qu'elle aille au Diable !
- Attends, tu as dit quoi avant ? Avec sadique, lépreuse, obèse et tout ?
- Ah, sadique-aigrie-lépreuse-obèse-pourrie-énervante ? Si tu prends la première lettre de chaque mot, ça donne s, a, l, o, p, e. Sal...
-... Laurine ! Je ne te permets pas...
- C'est pour ça que je ne l'avais pas dit ! »
Je soupirai d'exaspération et entrai dans la voiture avec ma fille. Ces ados alors, quelle imagination débordante avaient-ils quand il s'agissait d'insultes ! Sinon, je me demandais bien comment j'allais pouvoir punir ma fille... d'une part, la situation était ambiguë et peut-être injuste pour elle, mais d'autre part, Laurine avait quand même frappé sa prof et en tant que mère, je ne pouvais pas laisser passer ça...
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Il était une fois une maman
ChickLitIl était une fois, dans un royaume pas si lointain et pas si charmant, une reine qui avait deux enfants. Abandonnée par son mari un an après la naissance du second, elle jonglait entre boulot et famille pour tenir à flot son petit château. Il fallai...