Il était une fois... une amitié naissante

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Alors que je commençais à perdre espoir de revoir ma voiture un jour, le jeune vendeur entra, essoufflé, dans la boutique et trottina vers moi. Je souris, soulagée d'avoir donné ma confiance à quelqu'un d'honnête. Il reprit son souffle et me dit :

« Excusez-moi d'avoir été si long, j'ai eu du mal à trouver la voiture...

- Il n'y a pas de mal, jeune homme, temps que vous êtes revenu. Je viens de remarquer, par contre, que je suis pieds nus...

- Ne bougez pas, je vais vous remettre vos chaussures ! Vous ne voulez pas acheter les autres aujourd'hui, du coup ?

- Non, non, je repasserai quand j'irai mieux.

- Bonne idée ! »

Il m'enfila et me laça mes chaussures. J'en restais toute chose ! Cela faisait longtemps qu'on ne s'était pas occupé de moi comme ça, et même si c'était dû à l'état d'urgence, je trouvais qu'il était vraiment un garçon serviable et prévenant ! Quand il eut fini, je le remerciai :

« Merci infiniment pour tout ce que vous faites pour moi, je vous suis redevable !

- Je vous en prie, c'est normal d'aider quelqu'un dans le besoin !

- Ah ! Si seulement tout le monde pensait comme vous... »

Il me sourit et m'aida à me lever. Mon dos me faisait affreusement souffrir et je grimaçai, mais personne ne pouvait rien faire pour moi, il fallait juste que j'aille jusqu'à la voiture. Mon regard se posa brièvement sur les boîtes à chaussures éparpillées à mes pieds. Le vendeur remarqua ma gêne et me rassura en me disant qu'il s'occuperait de tout ranger en revenant. Alors nous avançâmes, doucement mais sûrement, vers la voiture. Une fois que j'étais assise et attachée à la place passager, le jeune homme courut encore vite vers sa collègue pour la tenir au courant. Puis, il revint s'asseoir au volant et démarra le véhicule.

Pendant le trajet, je lui donnais régulièrement des indications pour arriver chez moi. Une fois garés dans la cour devant la maison, il m'ouvrit la portière, me détacha et m'aida à me lever. Nous entrâmes dans la maison vide et je m'allongeai sur le canapé. Il m'aida, me demanda encore quinze fois si ça allait, me proposa des coussins, etc. il me faisait sourire, à s'agiter comme ça, mais je le stoppai et lui demandai :

« Ne vous inquiétez plus pour moi, jeune homme, je vais rester allongée et ça passera. Mais vous, est-ce que vous voulez quelque chose à boire ou à manger ? Ça doit bien faire une heure que vous courez partout pour moi, ça serait la moindre des choses de vous offrir un verre de jus ou un café, ou peu importe.

- Hum... je crois que je vais prendre simplement un verre d'eau. Ne bougez pas, dites-moi juste où je peux trouver un verre.

- C'est dans la cuisine, en face de la porte, le deuxième placard en partant de la gauche. Servez-vous, n'hésitez pas !

- Est-ce que vous voulez aussi quelque chose, Madame ?

- Non, ça ira, merci. »

Il alla se chercher un verre d'eau, revint et le but. Puis il resta debout devant moi, en jouant avec ses doigts. Il semblait ne pas savoir où se mettre, alors je lui proposai :

« Vous ne voulez pas vous asseoir un peu ? Est-ce que je peux faire quelque chose pour vous remercier ?

- Euh... non, non, c'est pas nécessaire, Madame !

- Si, j'insiste. Mais attendez... mince ! Je suis en train de vous retenir alors que vous devriez retourner au travail, je suis désolée ! Allez-y, si vous voulez, je me débrouillerai, et puis mes enfants rentreront de l'école bientôt.

- En fait, ça ne me dérangerait pas de rester encore un peu avec vous, surtout que mon service est bientôt fini et que, si je peux gratter un peu de temps, ça m'arrange ! »

Je levai les yeux au ciel et soupirai :

« Ah, les jeunes d'aujourd'hui ! »

Il rigola et répliqua :

« Je me considère déjà comme un jeune d'hier !

- Pourquoi, quel âge avez-vous, 25 ans ? Enfin, sans vouloir être indiscrète...

- J'ai 26 ans.

- Voilà, c'est à peu près ce que j'estimais. Donc vous avez encore toute la vie devant vous ! Vous verrez, quand vous serez un vieux de 41 ans, comme moi ; là, vous pourrez dire que vous faites partie de la jeunesse d'hier !

- Vous avez 41 ans ? Madame, vous n'êtes pas non plus encore très vieille !

- Appelez-moi Catherine, ça ira !

- D'accord, enchanté. Appelez-moi Martin, alors.

- Enchantée, Martin ! Alors, pour en revenir aux chaussures, quelle paire me conseillez-vous, du coup ?

- Hm... je dirais la paire couleur crème.

- D'accord, ça me va ! De toute façon, j'aimais bien les deux. »

C'est ainsi que nous discutâmes pendant trois bons quarts d'heure. J'appris qu'il était encore étudiant en fac de médecine pour devenir pédiatre et qu'il travaillait quelques heures par semaines dans ce magasin de chaussures pour payer le loyer de son appartement, qu'il habitait en collocation avec un ami. Il aimait donc s'occuper des enfants, mais il aimait aussi les animaux ainsi que le tennis, qu'il pratiquait en amateur de temps à autre. Ses parents vivaient à une centaine de kilomètres d'ici et il avait justement déménagé ici pour ses études. C'était un jeune très souriant, mais assez sérieux, il ne se laissait pas facilement dérider. Nous nous entendions plutôt bien et il était intéressant à écouter, j'espérais que nous pourrions devenir amis.

Avant de partir, il prit un bout de papier de sa poche et un stylo posé sur la table basse, puis, il écrivit ce que je devinai être son numéro de portable. Il me tendit le bout de papier et m'expliqua :

« Si j'ai bien compris, vous n'avez pas grand monde sur qui compter à part vos enfants, donc si vous avez besoin que je vous conduise chez le médecin, ou que je vous cherche des médicaments à la pharmacie, ou n'importe quoi, n'hésitez pas !

- Merci beaucoup, Martin, c'est très prévenant de votre part ! Lorsque j'irai mieux, je vous inviterai quelque part boire un café pour vous remercier.

- Ce n'est vraiment pas nécessaire, je n'ai rien fait de spécial, selon moi, mais je serais ravi de vous revoir !

- Je vous enverrai un message, alors !

- D'accord. Bon, je vais y aller, je vous souhaite un bon rétablissement. »

Je le remerciai, nous nous fîmes la bise et il s'en alla. Quelques dizaines de minutes plus tard, mes deux enfants arrivèrent, et je devais bien avouer que même si la compagnie de Martin était très agréable, retrouver mes enfants était un vrai soulagement. Quand je leur eus expliqué mes mésaventures, il furent tous deux aux petits soins avec moi, restèrent dans les fauteuils en face de moi et on discuta comme cela faisait longtemps qu'on avait pas discuté. Ma fille semblait avoir oublié qu'elle était vexée contre moi et nous passâmes une très agréable soirée.

Il était une fois une mamanOù les histoires vivent. Découvrez maintenant