ROC

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L'un des inconvénients aux petits tocs de Yoongi, c'était qu'ils étaient réveillés tous les matins par la lumière du jour. Les volets restaient toujours entrebâillés, claquants parfois leurs des nuits ventées, grinçant dès qu'il bougeait. 

Cette nuit avait été calme et silencieuse, Yoongi n'avait même pas ronflé, alors c'est seulement au matin que Jungkook grogna d'inconfort. Les épais filets de soleil envahissaient la pièce et léchaient leur corps nu, ils les aveuglaient par-dessous leurs paupières et réchauffaient leur peau un peu fraîche. 

C'était énervant mais une fois le réveil passé, Jungkook se sentait plutôt bien.

Il finit par s'y habituer et reprit rapidement ses repères : la couverture autour de ses hanches, la sensation fourmillante d'une récente et bonne partie de jambes en l'air, son état à fleur de peau et le petit sourire qui commençait à se dessiner sur son visage.

Il se rappelait très bien de pourquoi il était là. Il se rappelait très bien tout ce qu'il s'était passé et il avait juste envie de se foutre de lui.

Il avait complètement perdu les pédales la veille, la sur-veille, et quelques jours avant encore. Il devenait complètement parano, complètement fou même et Yoongi l'avait doucement ramené les pieds sur terre. Ça avait été son ancre hier soir parce qu'il se sentait sincèrement dériver ces temps-ci.

Bordel, il avait le sentiment d'aller tellement mieux et c'était dingue comme la seule présence de quelqu'un pouvait aussi rapidement le calmer, le rassurer.

Il devenait complètement fêlé de jour en jour et il avait suffi à Yoongi de lui faire l'amour pour qu'il retrouve sa tête. Paradoxalement, il l'avait complément perdu hier, flirtant avec le brouillard de la défonce et Yoongi lui faisant tellement de bien qu'il en avait oublié son prénom.

Mais ce foutu matin où le soleil lui cramait la rétine, il se sentait de nouveau lui.

L'autre garçon était toujours à ses côtés, allongé sur son flanc en lui tournant le dos. Jungkook était étonné qu'il ne se soit pas réveillé car son visage était tourné vers sa fenêtre et il baignait dans la lumière alors il souffla doucement.

« - Hé, tu dors encore ? »

Seuls les oiseaux lève-tôt lui répondirent.

« - Yoongi., il tenta de nouveau. »

Encore une nouvelle fois, rien. Son aîné était plongé dans un sommeil profond.

Ce n'était pas vraiment étonnant en fait. Yoongi était toujours le dernier à être debout, il se couchait souvent au matin et sa nuit était le jour. Mais Jungkook détestait être le premier levé, il devait toujours se faire silencieux, tout petit et il s'ennuyait comme un rat mort.

Souvent, il filait dans la petite cuisine et préparant un petit déjeuner trop gras, faisait claquer les placards, couverts et assiettes en espérant que ça tire son ami des bras de Morphée. Mais bien des fois, ça ne faisait que leur rendre plus ronchon au réveil glisser ses doigts froids le long de ses flancs restait la meilleure des solutions.

Alors ce matin là où le son de sa voix ne le tira évidemment pas de son sommeil, Jungkook soupira. Il entreprit de se coller torse contre dos à un Yoongi qui n'aimait pas qu'on s'accroche à lui comme un koala et le noiraud vint enrouler son bras autour de sa taille se rapprochant lentement de lui.

Il se demandait si sa main se posait sur son bras, il goûterait la chair vivante de l'amour. Jungkook n'était pas stupide. Yoongi cultivait ces sentiments trop forts depuis que leur petit jeu était devenu régulier. L'homme les laissait s'abattre sur leurs deux corps alors qu'ils s'unissaient, déluge inconscient, amour suintant par tous ses pores. Il y avait l'ivresse dans ses yeux parfois, les caresses trop lentes pour être réglementaires, et le je t'aime qui lui brûlait les lèvres.

Mais pour Jungkook, Yoongi n'était que de ceux qui le faisait s'évader le temps de quelques heures. Un ami. Précieux. Un proche pour qui l'odeur de détergent n'était qu'un parfum comme un autre. Un proche qui parfois lançait une pommade sur le lit, sans un regard, sans un mot, seulement car les crevasses dans les mains du noiraud lui faisaient mal au cœur.

Yoongi prenait soin de lui et c'était sans doute cruel de rester à ses côtés en sachant que jamais il ne pourrait contracter cette fièvre désireuse, partager ces sentiments. Mais qu'importait, il ne voulait pas vraiment le perdre Yoongi. Vraiment pas.

Si bien qu'il sentit cette espèce d'attraction entre leur deux corps et qu'il ne réfléchit plus avant de se blottir tout contre l'homme qui l'aimait.

Et dès lors que leurs deux peaux s'embrassèrent,

il goûta la chair froide.

Jungkook poussa un cri et bondit en arrière.

Il plaqua son bras qui l'avait touché contre son torse, fourmillements désagréables. Ses yeux s'écarquillèrent et il sonda ce dos sculpté comme une statue grecque.

Il ne pouvait décrire la sensation qu'il avait ressentie.

C'était juste tellement insensé ? Il s'attendait à toucher de la matière moelleuse, qui rebondit sous nos doigts, chaude, vivante, palpitante, quelque chose d'humain et de rationnel, il s'attendait seulement à toucher Yoongi.

« - Y-yoongi ? »

Yoongi qui semblait soudainement dans une position étrange. Yoongi qui ne bougeait pas vraiment. Yoongi qui ne paraissait pas très vivant.

Un drôle de cri se mêla au souffle du jeune et il chercha à fuir, à tâtons, fuir ce lit qui était tout froid. Il tomba ses fesses contre le parquet qui gondolait et se redressa bien vite sur ses jambes. Il ne savait pas vraiment ce qu'il essaya de se prouver en titubant jusqu'au côté de lit de Yoongi. Mais à mesure qu'il avançait, il découvrait le mort.

Son bras était tendu vers l'avant, comme s'il avait voulu atteindre quelque chose, quelqu'un l'espace d'un instant mais ses doigts tous figés, recroquevillés dans l'air du temps nous disaient qu'il n'avait pas réussi. Sa bouche déchirée dans un hurlement qu'il pouvait presque entendre pousser à l'infini, il voyait sa glotte immobile, le fond de sa gorge.

Et ses yeux, ses yeux, ses orbes sur le point de sauter de leurs orbites. Ses yeux qui ne sont plus blancs mais sang et où on ne voit même plus chemin des vaisseaux qui ont éclaté. Jungkook réalise qu'ils ont dû rester ouverts jusqu'à tant qu'ils sèchent, jusqu'à tant que les larmes d'hémoglobine glissent jusqu'à ses tempes et que Yoongi perde la vue.

Et comme pour un portrait tracé au bout d'un pinceau, Jungkook avait l'impression que le reste de son regard s'était planté dans son âme et qui le suivait, roulait à mesure que le garçon avançait.

« - Yoongi... »

Il poussa le cri que l'aîné ne poussait plus et retomba avec force au sol. Le fracas de ses genoux contre le parquet lui envoya une onde de choc dans tout le corps et l'esprit. Son hurlement s'étrangla dans sa gorge, sa poitrine se convulsa dans un spasme terrible, ses épaules remontèrent jusqu'à ses oreilles et il régurgita violemment la bile à côté du lit.

Tout faisait si mal.

Jungkook porta le dos de sa main à ses lèvres, lançant un dernier regard au cadavre avant de traverser la chambre à quatre pattes. Il atteignit la porte entrebâillée et s'accrocha à la poignée pour se relever. Il tituba, se retenant aux murs jusqu'à atteindre la salle de bain où il retrouva ses vêtements puant la sueur de la veille. Le bain était encore plein, l'eau grise stagnait toujours et il n'y avait plus de mains.

Comme hier, il ne pouvait quitter la baignoire des yeux, enfilant ses vêtements comme il le pouvait. Et cette fois-ci ce n'était pas car qu'il voyait des doigts en sortir mais parce qu'il avait peur qu'il en sorte. Il retourna à reculons dans la pièce principale et vomit une nouvelle fois.

Puis, il enfila ses chaussures, hasardeux, n'y voyant plus trop clair. Il posa un pied hors de l'appartement, s'arrêta, rentra de nouveau, courut jusqu'à la salle d'eau, attrapa la boîte en métal du mort et quitta son cercueil.

MEDUSA. ::taekookOù les histoires vivent. Découvrez maintenant