Aujourd'hui nous sommes le premier avril 1939, la situation est plus que tendue en Allemagne et la guerre ne saurait tarder, tout le monde ici le sait et je doute que le monde entier ne soit pas déjà au courant. Il n'est question que de mois, voir de semaines avant qu'une guerre certaine éclate.
Mais voilà, demain, j'ai dix-sept ans. Demain, je suis libre de rentrer chez moi. Je n'ai jamais été autant heureuse aujourd'hui que pendant ces cinq derniers mois.
Je rassemble rapidement le peu d'affaires que je possède et les plis pour les ranger proprement dans ma petite valise.
Mes parents viendront me chercher à la première heure. J'appréhende. Une part de moi ne veut pas les revoir pourtant je n'ai attendu que de revoir mon chez moi. J'en rêvais chaque soir, bon sang.
Je ressens un léger stresse à cette idée mais je sais que je ne reverrais pas cet endroit et cette pensée suffit à me rassurer un peu.
J'ai mangé à la hâte la nourriture infâme que nous sert l'établissement pour rapidement pouvoir regagner mon dortoir et me reposer pour la longue journée qui m'attend demain.
Et je plonge en un instant dans un sommeil profond sans me rendre compte de la fatigue que j'avais accumulée au cours de ces derniers temps.
Il est, comme tous les jours, cinq heures du matin quand la surveillante nous réveille, elle se dirige vers moi pour m'annoncer pour départ imminent de la BDM.
- Tu as quinze minutes pour prendre ta douche et te préparer. Tes parents t'attendent au bâtiments administratif, tâche de ne pas les faire attendre.
- Oui, madame.
- Bien, je te laisse.
Sans un mot de plus elle avait déjà quitté la pièce avant même que je puisse juste ouvrir la bouche.
J'ai retrouvé mes parents après les quinze minutes convenues. Ils paraissent vraiment heureux de me revoir et je me demande pourquoi ils m'ont envoyés ici si je leur ai manqué autant qu'ils semblent le prétendre. Je ne relève pourtant pas et les enlace chacun à leur tour.
Le chemin du retour me paraît être une éternité et quand on entre au frontière de ma ville natale, je ne peux m'empêcher de la contempler, admirative, comme si je ne l'avais pas revue depuis dès années.
Les bâtiments et les monuments défilent devant mes yeux pendant que la voiture regagne le manoir.
Mais pourtant, j'ai comme l'impression que Berlin n'est plus Berlin. Je vois, en traversant la ville, des magasins saccagés dont il ne reste qu'à peine les murs.
Je n'ose pas poser la question à mes parents, redoutant leur réponses.
Pourtant, ma curiosité est plus forte que mes doutes.- Mère, père ! Que s'est-il passé ici ?
- Oh, Franziska ! Le bien est passé ici ! Tout cela c'est pour notre bien, ne t'en fais pas. Ces magasins n'étaient que ramassis de bêtises.
Ma mère a l'air sûre d'elle. Pour notre bien ? Je ne comprends vraiment plus ce qui se passe, je suis complètement larguée.
Je la vois échanger des regards remplis de sous-entendus à mon père, et je devine clairement que je ne sais pas tout.
Serait-ce cette histoire de boutiques juives détruites que j'ai entendu à la BDM ?
J'essaie d'éviter le sujet mais plus mes parents refusent de prendre la parole plus je suis déterminée à me renseigner moi même sur ce qu'il en est de tout cela.
J'aperçois au loin notre manoir, visible à des kilomètres à la ronde qui s'immisce petit à petit dans mon champ de vision.
Je me sens de plus en plus étrangère à cet endroit et je pense qu'il est grand temps que je m'en aille le plus loin possible.
Je n'arrive pas vraiment à comprendre ni à expliquer le mal-être que je ressens en redécouvrant mon environnement pourtant il est bien présent.
J'ai pénétré la cour d'un pas hésitant, sans conviction et j'ai de suite regagné ma chambre, évitant à tout prix tout échange avec mes parents.
Rien avait changé, tout était resté à sa place. Si proprement entretenu par les domestiques de la maison, ma chambre demeure aussi somptueuse que le jour où je l'ai quittée.
Je m'assois à mon bureau et y sors mon petit carnet, celui où j'écris quand j'en éprouve le besoin et je commence à écrire.
"Qu'est-ce le mal-être au final ? Un ressenti ? Un sentiment de solitude ? Une dépression ? Une envie d'en finir avec une maudite vie ? Une envie de fuir ?
Tout cela est, je pense, très subjectif. Ça doit dépendre de la personne, de son entourage, son mode de vie.
Mais, en fin de compte cela peut aboutir à deux conclusion selon la personne qui ressent ce mal-être ; l'envie de partir ou l'envie de guérir, d'aller mieux.Je pense que l'envie de partir est plus courante face à un désespoir tel que le mal-être, pourtant on devrait se battre pour ce que l'on a bâti au court de notre existence. On devrait se battre au nom de nos idéologies, des causes que l'on défend et au nom des choses qui nous tiennent à cœur.
C'est vrai, vous allez dire que quand on atteint le stade d'une totale dépression plus rien ne nous tient à cœur mais dans ce monde, pour chaque personne, il y a le bonheur qui se cache quelque part. Voilà notre mission. Trouver ce bonheur avant que la mort ne nous trouve et se battre pour lui coûte que coûte, car chaque individu mérite cette part de bonheur."
Écrire me fait du bien, assembler ces mots éparpillés sur une feuille dans des phrases brouillonnes me libère de tous les poids que je porte au quotidien dans cette famille loin d'être là pour la réelle personne que je suis.
Ces pressions sociales auxquelles je suis soumise en tant que fille d'importants bourgeois nazis me rendent folle. C'est le mot. Je deviens littéralement folle.
Je rejoins le salon et j'aperçois mes parents et ma grande sœur discuter autour d'un verre de vin rouge aux côtés d'un jeune homme d'une vingtaine d'années, probablement.
- Franziska ! Installes toi, nous devons parler.
Je ne discute pas les ordres de mon père et m'assieds immédiatement en face de mes parents. Juste à côté de cet inconnu.
Ma sœur, Marta, me lance un regard désolé et je redoute à présent l'annonce de mes parents.
- Ta mère et moi avons une grande nouvelle à t'annoncer !
- Ah oui ? Quoi donc ?
- Tu es fiancée, ma chérie !
Ma mère a prononcé ces paroles comme si tout était normal tandis que je déglutis.
J'ai du mal à bouger et l'air devient tout à coup irrespirable.
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Voici le (court) troisième chapitre !N'hésitez pas à donner vos avis, partager l'histoire, ça m'aiderait énormément!
Merci !
Prochain chapitre, comme d'habitude ; samedi prochain :)
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Le Dernier Convoi [EN PAUSE]
Historical FictionFranziska est issue de la bourgeoisie berlinoise des années 1930. Après avoir intégrée la Bund Deutscher Mädel en 1938, à l'âge de 16 ans, elle est forcée de consacrer son existence à l'idéologie nazie. Ses parents, fiers d'avoir procréé une magni...