Mercredi 3 janvier

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12h16, au réfectoire

Je mange avec Manon. Je suis en train d'engloutir ma plâtrée de spaghetti bolognaise tandis qu'elle me parle.

- Je le comprends pas ce mec ! Il va sérieusement me gonfler s'il continue de t'ignorer.

Je hausse les épaules pour montrer un désintérêt profond pour Thomas, même si, au fond de moi, je souffre.

- Fais pas comme si tu t'en fichais, Léo : je commence à te connaître. Je vois bien la douleur qui se cache derrière ta froide expression.

Je tourne les yeux vers mon assiette, comme pour m'avouer vaincu.

- Tu dois aller lui parler. Vous devez tirer ça au clair.

Elle a raison et je le sais. Mais je ne peux pas me résoudre à le voir, encore moins à lui parler.

- Tiens : quand on parle du loup. remarque Manon en fixant son regard derrière moi.

Thomas entre dans le réfectoire. Il est seul et part s'asseoir à un table, loin de tout. Je reçois un coup de pied de Manon qui me fait signe d'y aller.

Je saisi mon dessert et me lève mollement. Un pas après l'autre, je me dirige vers Thomas avec ma nonchalance habituelle. Je m'asseois en face de lui et entame ma dégustation en le contemplant. Il m'a vu et il m'ignore, fuyant mon regard et retenant sa respiration.

- Tu comptes m'éviter longtemps ? lancé-je enfin.

Pas de réponse.

- Pourrais-je au moins savoir ce qu'il y a ? ce que j'ai fait ? Pourquoi tu m'en veux comme ça ?

Il fait durer le suspens encore un moment avant d'ouvrir la bouche pour parler.

- Retrouve-moi là où tu passes toutes tes récrés à dessiner, dans vingt minutes.

J'acquiesce d'un hochement de tête et le laisse terminer son déjeuner.


12h52, dans la cour de récréation

Je suis assis sous mon arbre. À cette heure-ci, la cour est toujours déserte : les gens mangent ou sont en cours. Thomas me rejoint et s'assoit à côté de moi. Nous restons en silence pendant quelques minutes jusqu'à ce qu'il daigne enfin parler.

- Je suis désolé, Léo... lance-t-il, la gorge serrée.

- Pourquoi est-ce que tu m'évites comme ça ? Est-ce que j'ai fait quelque chose de mal ?

- Non ! Tu n'as rien fait ! Tout est de ma faute... me répond-il en commençant à pleurer.

- Raconte-moi, ordonné-je en passant mon bras dans son dos pour le réconforter.

- J'aurais pas dû t'embrasser. C'était idiot. Surtout chez toi, alors qu'on était pas seul. Tu dois me détester maintenant !

- Pourquoi devrais-je te détester ?

- Parce que ta mère nous a surpris ! et... et que lorsque nos visages étaient l'un contre l'autre, j'ai senti une larme glisser sur ta joue ! J'aurais dû m'assurer que je te plaisais avant de passer à l'acte.

Je me mets à rire.

- Pourquoi tu ris ? me demande Thomas, perturbé par ma réaction.

- Ma mère s'en fiche complètement, en fait. Et quand à moi...

À cet instant, mes lèvres vont à la rencontre des siennes. Je ne sais pas vraiment ce qu'il se passe. Ce n'est pas vraiment mon genre d'embrasser les gens, de rire, de faire le premier pas. Quelque chose en moi a changé dès que nous nous sommes retrouvés seuls au McDo. Je lui explique cela.

- Cette larme que tu as sentie, ajouté-je d'une voix douce,  c'était une larme de bonheur : je n'espérais plus rien de l'amour et tu m'as montré qu'on pouvait s'intéresser à moi, que je pouvais plaire. Et le fait que ce fut toi et pas un autre, m'a comblé davantage.

Un sourire encore tordu par le souvenir des pleurs illumine maladroitement le visage de Thomas qui m'enlace fortement. Il me susurre alors les mots magiques : "Je t'aime, Léo, je t'aime depuis le premier jour...". Sa voix trahit l'importance qu'il donne à ces mots et je ne sais pas quoi répondre. Après un court instant, je me risque à prononcer une parole : "Moi aussi...". C'est certes bien moins lyrique que sa phrase romantique, mais je ne suis pas capable de mettre des mots sur ce que je ressens pour Thomas. La sonnerie retentit, annonçant l'arrivée d'une foule bruyante et indiscrète. Nous cessons alors notre câlin et échangeons un sourire. Nous nous retrouverons plus tard. Pour le moment, je dois faire mon rapport à Manon.

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