Vies lycéennes

Lundi 15 janvier

7h43, sur le chemin du lycée

Comme convenu, Thomas et moi allons nous montrer aujourd'hui. Je dois dire que j'appréhende grandement ce moment. Je pense que Thomas se rend compte que cela me tracasse, puisqu'il n'arrête pas de me dire que tout va bien se passer. Ce n'est pas lui qui s'est fait "bousculer" dans l'enceinte même du lycée ! Enfin, je me dis qu'il me protégera.

7h54, au lycée

À notre arrivée, nous nous tenons la main et les gens se tournent vers nous. Cependant, je ne relève aucune trace de haine ou de dégoût dans leur regard. Après tout, ils s'amusent à regarder de la même manière les nouveaux couples hétéro. Peut-être ne sont-ils pas tous aussi stupides que les deux brutes qui m'ont agressé. Manon se précipite vers nous.

- Vous êtes mignons ! hurle-t-elle alors que la gêne m'envahit. Ravie de faire réellement ta connaissance, Thomas, je m'appelle Manon, ajoute-t-elle avec un large sourire.

- Plaisir partagé, répond Thomas avec le même sourire.

Une voix retentit derrière nous, je la reconnais : c'est celle du grand roux.

- Dégueulasse ! grogne-t-il. Vous n'avez pas honte !?

Je sens les larmes me monter au yeux et Thomas sent bien que ces mots m'ont blessé. Il s'apprête à riposter quand Manon prend les devant.

- Tu ferais mieux de fermer ton claque-merde, ça nous ferait des vacances.

Le rouquin prend sa respiration pour parler, mais Manon poursuit.

- T'es jaloux, c'est ça ? Je comprends : les deux sont plutôt beaux gosses. Lequel te plaît ?

Déstabilisé, son adversaire se tait.

- Je t'ai percé à jour ! Sache que si tu étais moins con, on pourrait très bien être pote... Dommage ! Maintenant, fous le camp.

Sous le choque, il s'exécute. Je remarque ses yeux brillants : l'aurait-elle vexé ? l'aurait-elle vraiment percé à jour ? Cela voudrait dire que... Non... Lui ?

Thomas aussi reste bouche bée face aux événements. Voyant que mes yeux sont rougis par les larmes que je retiens, il me serre contre lui.  « Ne vous en faites pas : personne ne touchera à Léomas » lance soudain Manon, fièrement.

12h06, au réfectoire

Manon, Thomas et moi mangeons tranquillement. Une fille se dirige soudain vers nous. Que nous veut-elle ? « Salut ! Euh... Désolé de vous déranger, mais je voulais seulement vous dire que j'admire le courage dont vous faites preuve, parce qu'on est pas à l'abri des gros cons comme l'autre là-bas » dit-elle en montrant le grand roux d'un coup de menton. Après un court silence, elle ajoute : « Enfin bref, vous êtes un exemple pour la communauté LGBT du lycée, et pour moi, donc... Merci ! ». Puis elle s'en va. Nous échangeons des regards perplexe quant à l'intervention de cette fille, avant de continuer notre repas. Je ne vois pas en quoi le sexe des gens qu'on aime nous fait appartenir à une communauté plus qu'à une autre... Enfin, je comprends qu'il soit nécessaire de lutter contre les gens obtus, mais de là à en faire un symbole de ralliement, je trouve ça étrange, du moins, ce n'est pas trop mon truc. Et puis, c'est se considérer comme différent des autres, non ?