Stephen Parker

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"Stephen Parker avait dix-huit ans. Il était en terminal, au lycée privé près de chez lui. Il était américain de son père et colombien de sa mère. Cette dernière était chirurgienne dans un grand hôpital et son mari était un homme d'affaires fortuné. Ils vivaient tous les trois dans une très grande maison, avec un très grand jardin et une piscine toute aussi grande dont les parents de Stephen ne profitaient jamais puisqu'ils n'étaient que rarement chez eux.

Leur fils aimait aller en cours, dans sa nouvelle voiture de sport même s'il pouvait simplement s'y rendre à pied puisqu'il habitait à quelques rues de son établissement. Il le faisait uniquement pour pouvoir montrer à tout le monde le cadeau d'anniversaire de ses paternels et bien évidemment s'en vanter.

C'était un garçon intelligent, cultivé, quelque peu arrogant voire parfois insolent mais tout de même attachant. Les filles rêvaient toutes d'avoir un petit ami aussi beau que lui : Il avait la peau mate et sans imperfections, les dents blanches et bien alignées, les yeux en amandes et marrons foncés.

Stephen Parker était un garçon extrêmement chanceux et avait une vie parfaite. Il était jeune, riche, beau, il avait tout pour être heureux[...]"

Voilà ce que tout le monde pensait de lui. Pourtant Stephen était loin d'être heureux.

Il détestait le lycée. Les gens là-bas étaient remplis d'hypocrisie à son égard, aussi bien les profs que les élèves. Il s'était seulement mis à bosser en seconde, quand il a compris que ses parents payaient chaque année trois fois plus cher les établissements privés où ils l'inscrivait pour qu'il ait d'excellentes moyennes et appréciations et; pouvaient même aller jusqu'à falsifier les résultats de ses examens pour qu'il puisse accéder aux meilleures écoles possibles.

Tous les élèves essayaient de sympathiser avec lui, de s'attirer ses bonnes grâces, espérant ainsi être invités à une de ses incroyables fêtes, être ramené chez eux en voiture, où à venir faire trempette dans sa piscine olympique après les cours.

Les professeurs lui faisaient toujours de grands sourires, des compliments et le félicitaient pur les devoirs qu'il rendait. Pourtant ce n'était qu'une façade, ils ne prenaient jamais le temps de corriger ses contrôles, de lire les deux copies doubles qu'il avaient passé tant de temps à soigneusement écrire, ils n'y jetaient même pas un coup d'œil. Peu importe ce que ça valait, c'était Stephen Parker. Il aurait une note plus que satisfaisante, jamais en dessous de 17. Ce n'était pas pour rien que ses parents payaient des sommes exorbitantes.

C'était pareil pour son comportement, peu importe ce qu'il faisait. Il répondait aux professeurs ? Il insultait ses camarades ? Il se battait avec les surveillants ? Il séchait les cours ? Peu importe, c'était Stephen Parker. Il pouvait faire tout ce qu'il voulait, rien ne lui était interdit.

Personne ne lui imposait jamais de limites. On lui offrait tout sur un plateau d'argent. Il était totalement pourri-gâté. Ses parents se contentaient de lui ouvrir toutes les portes possibles grâce à leur argent et de lui offrir monts et merveilles pour combler leur manque de temps et d'amour.

Comme s'il était incapable d'obtenir honnêtement un diplôme ou une bonne note à un contrôle, en travaillant dur comme tout le monde. Il se sent incompris, mais comprend qu'on ne le comprenne pas. Tout le monde voudrait être à sa place, vivre de billets et de bières fraiches, avoir une vie facile, tout obtenir sans un battement de cils.

Mais quelle vie vit-on quand on a pas la vie qu'on veut ?

Il crie, crise, s'écrie pour se faire entendre mais tout le monde fait la sourde oreille. Il se sentait cloisonné dans l'effort d'être ce qu'il n'était pas, enfermé dans un code social qu'il ne voulait pas suivre, contraint de se comporter comme le détestable petit gosse de riche que tout le monde voulait qu'il soit.

Quelle genre de vie vivait-il ? Avait-il des chaines en or ou des menottes ? Il n'avait pas choisi cette vie.

Stephen vit sa vie, vit ses vices, sévit avec délices. Ne plus se soucier de sa vie de privilégié, vivre le cœur léger parce que du jour au lendemain tout peut s'arrêter, c'est ce qu'il avait décidé .

Vivre ses belles années, sans jamais regretter ce qu'il a fait, laisser le diable le tenter.

Il se devait de profiter de sa vie, il ne pouvait pas se plaindre : Tant de personnes dans le monde sont dans le besoin, manquent de tout, feraient n'importe quoi pour avoir une vie comme la sienne.

Mais pouvait-il continuer éternellement à faire semblant d'être heureux ? Son sourire était le plus beau des mensonges, mais faire croire que l'existence qu'il mène lui plaisait était devenu chose impossible. S'il pouvait tromper son entourage, il ne pouvait pas se mentir à lui-même.

Stephen étouffait, sa vie d'enfant gâté était comme une bulle omniprésente qui le privait d'oxygène et qui l'empêchait de respirer comme il le voulait.

Un soir où il était encore seul chez lui, il n'en pût plus : Les gens ne venaient vers lui que par intérêt, ses parents ne servaient qu'à décorer sa vie puisqu'en réalité ils n'y jouaient aucun rôle, personne ne le comprenait, il haïssait sa vie . Alors, il décida de de retirer cette cuillère en or avec laquelle il était né et qui lui empoisonnait la vie.

Un soir d'été, Stephen s'installa à son bureau et rédigea; de sa plus belle écriture, et à la lueur d'une bougie; sa lettre d'adieu à la vie.
Il y fît ses adieux à sa famille, à ses illusions, à ses amis, à ses passions.
Il y inscrît ses plus beaux moments, ses plus grandes peurs, ses plus grands regrets et ses plus belles erreurs.

C'était une sorte de poème, où il se disait adieu à lui-même, à ce qu'il était et à celui dont aurait rêvé d'être celui qu'il avait été.
Il ecrît en se remémorant ses regards et ses faux espoirs, ses cris de détresse et ses sos.

Puis quand il eût fini, quand il jugea qu'il avait tout dit; il alla déposer la lettre sur le lit de ses parents.

Ensuite il prît la fameuse seringue à laquelle il avait pensé jour et nuit, celle qui mettrait un terme à sa pitoyable existence; et injecta son contenu dans ses veines, avant d'aller se jeter une dernière fois dans son immense piscine, où il attendrait sa mort prochaine.
Il pouvait déjà voir la lumière blanche au bout du tunnel de la mort, il croyait apercevoir un ange qui lui tendait les bras, son visage miroir du sien; les traits détendus, l'air béat.

Sentant le poison faire effet, Stephen ferma les yeux pour mieux laisser son âme quitter son corps, pour s'envoler à travers les ténèbres et enfin trouver la lumière. Il se laissa sombrer au fond de l'eau, il se laissa mourir, un sourire innocent sur les lèvres.


"Stephen Parker était un garçon extrêmement chanceux et avait une vie parfaite. Il était jeune, riche, beau, il avait tout pour être heureux. Malheureusement, ce jeune garçon apprécié de tous est décédé dans de mystérieuses circonstances, sa famille ayant décidé de garder le silence sur les conditions de sa mort. Aimé et regretté de tous, Stephen restera à jamais gravé dans la mémoire de tous ceux qui l'auront connu."

Voilà ce que tout le monde pensait de lui. Pourtant Steph est loin d'être malheureux.

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