Quand t'es jeune, adolescent précisément, la vision qu'ont les autres de toi est importante. Très importante. Alors quand, pendant des années, on t'appelle "Alice aux Pays des Merveilles ", ça te reste à vie. Quand on te viole pour la première fois et que la dernière chose que tu entends sont des rires moqueurs, tes geignements de douleur et les gémissements de ton agresseur, tu ne peux que baisser la tête et raser les murs.
C'est " Bienvenue au Pays des Merveilles, Alice" et tu ne veux plus entendre parler de bonheur et encore moins d'amour.
Mickaël aurait pu tout avoir. Mais Dame Nature a décidé qu'on ne pouvait pas tout avoir dans la vie, aussi décida-t-elle qu'il n'aurait rien. Pensez donc, plutôt androgyne, cheveux blonds vénitiens et raides, une passion prononcée pour le cuir et le chocolat noir.
Pas si mal, dit comme ça, hein ? Puis intelligent, il faut le dire. Cependant Mello, c'est comme ça qu'on l'appelait parfois, possède également un sens aigu de la compétition, de la tyrannie et beaucoup, peut-être beaucoup trop d'égo.
Pourtant ça ne colle pas avec le fait qu'il soit pris de force, chaque soir, par des petits crétins plus vieux et plus fort que lui..? Bien sûr que si, Réfléchissez. Le soir, tu es rabaissé, complètement souillé; et la journée, par orgueil, tu ne montres rien, tu t'affirmes, joues les dictateurs intouchables... Comme ça, la nuit c'est juste des cauchemars, pas la réalité.
Arrive alors une lumière inattendue. Il te paraît alors inaccessible, ce petit brun isolé sur sa Nintendo. Pourtant... il vient te voir, après un de tes mauvais rêves. Et sans un mot, il te prend dans ses bras. Ca continuera, des années de cette façon ; il chasse les vilains monstres et tarie les larmes sur tes joues froides.
Mais tu restes impétueux, tu restes cet enfant qui refuse de voir le rêve, toujours si réaliste. Une vision désabusée d'adulte coincé dans un corps de jeune de quatorze ans, ça asphyxie l'âme.
Et puis tu décides que tu seras le meilleur, que tu t'en iras loin de la violence; loin de la connerie humaine; loin de Matt, ce beau brun obsédé par sa Nintendo...
Le temps à cette tendance à vous filez entre les doigts, on ne se rend pas forcément compte des années passées. À la capitale, l'absence de soleil remplit la ville de phares de voitures, de whisky et de cocaïne. Un blond affalé sur un banc miteux du boulevard de la Bastille, ça ne choque personne. Qu'il soit défoncé, les yeux rouges et la bouche tordue dans un sourire dément, non plus. Alice pour croire aux Merveilles, elle s'en injecté dans le veines.
Y'a tous ses amis autour, plein de gens, tout aussi bourrés, tout aussi défoncés. Ca rigole, ça crie des bribes de mots incompréhensibles, points de couleurs mouvants pour le cerveau torturé du Mello. Lui, reste simplement à demi allongé, à demi assis sur son bout de bois bancal, tagué de graffitis de la jeunesse parisienne. Il sent le monde qui tourne et vacille près de lui, l'odeur gerbeante et sucrée, sûrement celle d'une fille, contre son nez.
- Qu'est-ce que tu veux, rouquine ?
- Toi.
- Paie.
- T'es pas appelé "La Pute de Wonderland" pour rien, toi.
Et Mello ne répond rien, empoche le fric et commence à embrasser la rousse. Chevelure rougeoyante.
"Ne pas penser à Matt, jamais."
Elle l'entraîne plus loin, derrière un bosquet assez épais. On voit des capotes usagés qui traînent dans l'herbe, un reste de string en dentelle à moitié arraché. Il lui enlève son haut court puis, très rapidement, lui défait et baisse le pantalon de cuir. Ca commence... puis ça finit.
Les matins parisiens sont gris et souvent pluvieux. Les gens courent pour chopper le bus qui sera toujours en avance ou en retard, mais jamais à l'heure. Il est sept heures et quart et Mickaël est à nouveau, cette fois à l'arrière d'un 317. Il a son mp3, vieux et rafistolé, le volume poussé à fond, ne couvrant même pas les bruits du moteur dans les oreilles.
Le teint blafard et l'œil vide. C'est vraiment l'heure d'aller dormir. Qu'est-ce qu'il disait ? Le meilleur ? Oui pour sûr, le meilleur des désœuvrés, des fauchés, prostitués, streap-teasers à ses heures perdues. Non, il n'était pas pitoyable. Pitoyable, c'était pour les gens qui croyaient en quelque chose. Pour Mickaël, c'est juste la merde qui nous tombe dessus chaque jour.
Et Matt lui manquait.
Arrivé à son arrêt de bus, il descend et se rend chez lui, un appartement mal éclairé, où les meubles tombent en ruine et le lit est un simple matelas deux places défoncé et plutôt sale. La salle de bain qui devait à l'origine être jaune, renvoie une couleur plutôt maronnasse accompagner d'un fort relent d'égout lorsque la minuscule fenêtre n'est pas laissée ouverte.
À peine est-il entré, qu'il remarque de suite sa présence : Matt est là, allongé sur son vieux canapé, les yeux injectés de sang, une fine couche de mousse autour des lèvres. Il se lève et s'approche à pas de loup d'un Mello troublé et confus mais qui ne le laisse pas paraître.
Une tension palpable règne alors. Ils se regardent, yeux dans les yeux : Un éclair de malice dans les pupilles de l'un, de l'incompréhension dans les iris de l'autre. Le brun fixe attentivement les fines lèvres du blondinet puis réduit enfin l'espace qui les séparait. Il l'embrasse lentement d'abord du bout des lèvres, une légère pression qui donne déjà la nausée à Mello.
Si c'était au début un baiser timide, c'est désormais un baiser amoureux, langoureux, passionné que s'échangent les deux garçons. S'étaient-ils embrassés comme ça pendant quelques heures, quelques minutes, quelques secondes où l'espace d'un clin d'œil ? Aucune idée. Toujours est-il qu'ils s'arrêtèrent, à bout de souffle, essayant de se remettre de ce baiser fiévreux. Mello avait les yeux qui pétillaient de désir et un sourire figé sur le bout des lèvres. Sourire qui disparut quand il aperçut enfin un jeune homme assis parterre, au fond de la pièce, les yeux mis-clos et un air mauvais sur le visage.
Son sang se glaça tandis que Matt sortait un cutter de sa poche.
- "La Pute de Wonderland", hein ? Voyons ce que tu vaux, gamin; lança le mec au fond, en se levant.
- Allez Alice, on va t'emmener au Pays des Merveilles; murmura Matt en baissant son pantalon.
Sur le matelas il y avait une petite cuillère, un briquet et une seringue; autrement dit des restes de défonces.
Mello, ne sachant que trop bien ce qui allait lui arriver, se mit tout de suite à genoux.
Les rires moqueurs, les geignements de douleur et les gémissements des agresseurs allaient recommencer.
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Overdose
RastgeleAmours empoisonnés, meurtres passionnés, overdoses sucrées. Gamins désorientés, jeunes adultes désabusés, adolescents qui ne savent plus aimer. Poésie à l'eau de rose, parsemée de seringues et d'ecchymoses. Douce mélancolie, berce moi le temps d'...