Impression soleil levant

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Après de trop courtes heures de sommeil, Camille qui était à présent Léa dut se lever pour aller travailler. Lucie enfin endormie, pelotonnée comme à son habitude autour de son oreiller, grogna en entendant sonner le réveil du téléphone que Léa s'empressa d'éteindre avant de se glisser à regret hors du lit. Lucie n'aimait pas se lever tôt, et comme elle ne travaillait que l'après-midi cette semaine, elle la laissa se rendormir en paix.

Dans la cuisine, Léa trouva tous les accessoires du petit déjeuner à leur place, et lorsque sa tasse favorite fut posée devant elle, remplie de thé vert à la menthe fumant, elle la contempla un long moment avec un sourire idiot. A quoi tient le bonheur parfois...

Avant de partir, elle laissa un mot sur l'ardoise effaçable du frigo : Pause déjeuner demain ? Appelle-moi ! Elle y ajouta son numéro de portable pour être sûre.

D'instinct, Léa avait senti qu'elles avaient toutes deux besoin d'un peu de recul après cette nuit un peu étrange. Mais la matinée à la boutique ne lui parut pas moins interminable tandis qu'elle tenait distraitement la caisse. Il y avait peu de clients avant onze heures, et tous ses sens étaient tournés vers le téléphone dans sa poche qui attendait pour lui apporter une réponse le réveil tardif ou le simple bon vouloir de Lucie. Et si elle avait changé d'avis ? Peut-être était-ce trop tôt ?

Monsieur Jean arriva à treize heures, et voyant Léa tourner comme un fauve en cage, lui mit d'autorité dans les mains une boîte de 36 feutres pinceaux d'une marque peu connue à prix accessible qu'il comptait proposer aux clients.

― Vois ce qu'on peut faire avec ça ! ordonna-t-il. Montre-moi ce que ça donne, et dis-moi si ça vaut la peine d'en commander.

Léa s'exécuta, et réalisa de mémoire une impression du soleil levant qui traversait la fenêtre et jouait sur les draps du lit ce matin avant qu'elles ne finissent par s'endormir. Elle mit à contribution les teintes froides pour figurer la pénombre de la pièce, et les teintes chaudes pour le ciel et les draps embrasés par l'aurore. Elle laissa hors du dessin le corps nu de Lucie caressé par les premiers rayons de soleil et ses yeux verts semés de paillettes d'or dans la lumière du jour naissant.

Dessiner n'empêchait pas de penser mais permettait de se concentrer sur quelque chose de constructif. Léa fignolait avec soin les dégradés de couleurs chaudes et froides sur les plis des draps lorsque son téléphone vibra enfin, porteur d'un message de Lucie. Lundi midi, écrivait-elle, au parc. Lundi – encore quatre jours à attendre. Elle avait envie de répondre Je t'aime, tu me manques, mais se retint de peur de la faire fuir, et écrivit : Très bien, tête de pioche, j'y serai !

Monsieur Jean vint jeter un coup d'œil à son travail, ce qui l'arracha à ses pensées inquiètes sur la raison de ces quatre jours de délai et sur l'éventuel revirement de Lucie.

― Hm, dit-il, pas mal non ? Beaux aplats. Les couleurs sont vives, elles se fondent bien entre elles. Qu'est-ce que tu en penses ?

― Ils sont parfaits pour débuter, dit Léa en remettant soigneusement les feutres par ordre de couleur dans leur emballage cartonné. Commandez-en une douzaine !

CamilleOù les histoires vivent. Découvrez maintenant