Mme Bovary

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     Jimin installé sous un plaid bleu lisait distraitement. Les bruits de la ville lui faisaient lever les yeux vers la grande fenêtre du salon. Il souffla, un soupir las et contrit. Il abandonna son livre sur la table basse tachée et alla se caler contre le rebord de la vitre la tête reposée sur ses petites mains. Le regard perdu dans le vague il semblait rêver rivé vers les troubles du ciel. Il paraissait si paisible en cet instant oubliant ainsi ses maux un moment.
Un frisson lui parcourant l'échine vint rompre son onirisme. Un grimace traversa son visage, il ne comprenait pas se soudain changement de ressenti. Il baissait la tête, quelques mèches brunes venaient lui chatouiller le front, derrière lui il entendit un froissement de tissu. Il sursauta surpris, il pensait être seul. Cette simple pensée lui contracta la mâchoire : il n'était plus seul. Une colère sourde revint lui broyer les tripes. Son corps s'échauffait et ses poings se serraient. Il se détourna des nuages à contre coeur.
Il découvrit une paire d'yeux sombre entrain de le dévisager avec insistance. Jimin réprima une envie de hurler sur celui qui lui faisait face. Ses cheveux colorés étaient devenus insupportables pour ses rétines et ses pupilles froides des appels à la violence. Tout chez Yoon-gi lui donnait des pulsions brutales. Il voulait lui rendre la monnaie de sa pièce, lui faire payer son comportement injuste et injustifiable. 

- Que veux tu ? Demandait le plus jeune en contenant avec difficulté son animosité. L'autre une moue moqueuse en guise d'expression tenait le livre de Jimin. Le coloré l'agita alors en arquant un sourcil avant de répondre.

- Vraiment ? Tu lis Madame de Bovary, et pourquoi pas La Belle au bois dormant tant que tu y es ? Il esquissa un sourire carnassier qui fit frissonner le petit. Vraiment quelque chose ne tournait pas rond chez son colocataire aux cheveux teintés de vert. Jimin leva les yeux au ciel d'exaspération les bras lui tombant le long du corps. 

- T'as d'autres commentaires aussi intéressants ? Et au passage c'est Madame Bovary. Lui renvoya le brun sarcastique les iris pétillantes de malice. Le plus âgé se perdit une seconde dans les prunelles de son colocataire alors qu'une vague de chaleur le submergeait subitement. Il se détourna de Jimin un brin dérangé sans en connaitre la raison. 

- Oui, il n'y a plus de café. Reprit Yoon-gi le plus naturellement du monde sans se soucier de la tête abasourdie du plus jeune. Il faut aller en acheter. Termina-t-il à l'attention de Jimin.
Ce dernier lâcha un grognement d'exaspération. Comment avait il pu choisir Yoon-gi en tant que colocataire ? Il se souvint alors de la mine adorable qu'il avait aperçu lors de la visite et de la signature de l'avis de cohabitation. Quel manipulateur ! Réfléchit le brun en colère. D'un pas franc il frôla son colocataire écroulé dans le canapé pour s'emparer de son bouquin. Mais alors que le brun pensait enfin pouvoir échapper au plus grand il sentit une résistance. Jimin lui dégaina un regard haineux qui aurait dû convaincre Yoon-gi d'abandonner au lieu de ça ce dernier lui accorda un superbe sourire alors ses yeux le détaillaient de haut en bas.

- Tu ferais un superbe serveur tu sais. Une tenue bien ajustée à ton corps, tu tomber plus d'une personne. Le ton utilisé était suave, chaud comme un appel à la luxure tandis que son visage lui ne laissait transparaitre que de l'indifférence. Le jeune colocataire observait celui qui le retenait avec étonnement. Il sentait le rouge lui monter aux joues et une gêne le gagner au point de ne plus savoir où était sa place. Il offrait un superbe spectacle dont Yoon-gi se délectait amusé de voir ainsi son cadet perturbé les yeux ronds. Que Jimin pouvait être adorable.


     Jimin regrettait de plus en plus d'avoir emménagé avec la « salade ». Ses réflexions le blessaient, le perturbaient, l'affectaient. Il se sentait entravé comme pris au piège dans un jeu dont il n'avait pas décidé les règles. Il secoua la tête pour reprendre un peu de contenance et arracha son bien des mains abimées de son camarade d'habitation. 

- Va diable démon. Finit il par dire avec une moue dégoutée. 

- C'est ainsi que tu remercies mon compliment ? Réagit faussement outré et la paume sur le coeur le plus âgé, je me sens violé dans mon âme. Jimin tu es si dur avec moi. Il faisait papillonné ses paupières comme pour mimer de futures larmes inexistantes. Le « vilain garçon » souffla mais ne pu s'empêché un de retenir un gloussement tant le situation lui paraissait inappropriée, inexplicable et improbable. Pour te faire pardonner de ton comportement tu vas aller m'acheter du café. Jimin s'étrangla. Quel culot il avait, il se moque de lui sans cesse et il devrait être à ses soins, c'est la meilleure. Les lèvres épaisses du brun s'entrouvrirent pour protester mais il se ravisa. Il avait compris que s'il ne faisait pas ce qu'il voulait il continuerait son manège. Il acquiesça de mauvaise grâce et s'en alla laissant seul un Yoon-gi un peu désarçonné.


     Le vert suivit des yeux Jimin jusque la porte sans s'en rendre compte. La porte claqua et le ramena brutalement sur terre. Il passait une main dans ses mèches teintées distrait, alors que l'autre retombait sur un objet rugueux. Il baissa le regard, finalement Jimin avait laissé Mme Bovary entre les griffes du garçon. Il s'en empara d'abord victorieux puis curieux. Qu'est ce que ce livre pouvait avoir de si intéressant pour que Jimin le lise? Yoon-gi se plongea dans les premières lignes ennuyé alors que son esprit revoyait les lèvres charnues et entre-ouvertes de son colocataire. Il se mordilla le pouce alors qu'il se laissait emporter par la mésaventure d'Emma Rouault.

Les complications d'une colocation (Wattys2018)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant