Il encaissait son troisième CD de la journée alors même que le magasin avait ouvert il y avait à peine dix minutes. L'album des idoles, les BTS, venait de sortir et tout un tas de collégiennes s'étaient ruées pour enfin le tenir en mains propre. Elles fatiguaient déjà le bleu qui soupirait derrière sous sourires feints.
Il s'attarda sur la couverture, l'image était jolie, lumineuse, et les sept garçons arboraient une mine à faire fondre un homme de pierre. L'un d'entre eux attira Yoon-gi, il était blond avec des joues rebondies, il lui faisait penser à Jimin. Le même air enfantin et si pur qui l'avait fait chavirer. Jimin, ce prénom le paralysa, comme si sa simple évocation le mettait en lévitation, le bloquait dans un entre deux mondes, perdus entre le manque et la douceur. Il secoua la tête pour chasser son colocataire de son esprit. La journée va être longue se disait-il alors qu'il rendait l'objet à une main, grande épaisse comme celle d'un homme.
Le bleuté tiqua surpris. Il étouffa un rire moqueur alors qu'il relevait les yeux sur le client. Aussitôt son rictus narquois disparu. Son estomac le lançait soudainement douloureux. Il venait de s'éprendre de jalousie, il se mordait l'intérieur de la joue. Le danseur. Ces deux mots sonnaient avec violence en lui, ses poings se serraient. Il l'avait vu il y'a quelques jours. Il avait remarqué son regard envers Jiminie. Il l'avait vu rester devant la boutique à observer son cadet. Et, il osait se présenter à lui. L'esprit de Yoon-gi vrillait, assommé d'agressivité.
Il lacha le CD, seul geste qu'il parvenait à faire devant le garçon aux pommettes. Ce dernier le rattrapa dans un rire alors que ses yeux s'écarquillaient surpris. Yoon-gi s'excusait sans grande volonté la main crispée derrière sa nuque.
- Bonne journée. Sa voix était chantante, enjouée, pleine d'énergie. Il rayonnait alors même que le bleu sombrait.
Il soufflait depuis un bon quart d'heure, l'envie de fermer la boutique le démangeait alors pour ne pas céder il s'était étalé les bras dans le vide sur la bureau de la caisse. Il n'avait même pas prêté attention au vieil homme qui s'était installé à lire. Il allait bien dans cet endroit. On semblait être dans une peinture vivante du début du siècle dernier. Yoon-gi se força à saluer l'homme sans pour autant daigner se relever, l'effort lui coutait trop.
Ses prunelles sombres s'éternisaient dans la contemplation du tableau qui se dressait à quelques mètres de lui. Le vieux fauteuil au tissu de velours bordeaux semblait avoir été créé pour lui. Ses cheveux coiffés d'un béret et sa mallette de cuir rendait le chic du polo vieilli par les années. Leurs iris se rencontrèrent, elles arboraient les mêmes nuances, la même lassitude, mais un espoir semblable brillait en elles. Yoon-gi se reconnu en ce monsieur, comme s'il était son alter ego en plus âgé.
Comme poussé par une force invisible il s'inclina devant le client qui ne le quittait pas des yeux. Sans rien dire de plus, il farfouilla dans les rayons de bouquins. Sa mine concentrée laissait poindre un pli sur son front. Du bout des doigts il retira un recueil de poésies de l'étagère, il le caressa de sa paume, le livre semblait important.
- Je vous conseil ce recueil. Tristan Corbière, incompris mais sincère. Il déposa doucement l'ouvrage dans la main tendue du vieillard qui l'écoutait une moue rieuse peinte sur son visage.
- Pourquoi cette détresse ? La voix cassée de l'ainé avait étonné le bleu qui se renfrogna plongeant ses doigts dans ses poches. Il haussa les épaules l'air de rien alors qu'il se détournait pour retourner à la caisse. Vous savez, continua l'homme, l'amour est joueur et trompeur, ne vous emballez pas pour des sentiments déguisés, Yoon-gi s'était arrêté net, était-il si lisible ? Son corps était tendu à l'extrême, chaque mot le transperçait et sa haine contenue s'écoulait dans ses veines. Ça rend aigri les gens comme nous. Il soupira sans répondre au vieil homme, il préférait penser à Jiminie. Il lui avait promis de venir le chercher après son cours.
Il s'engouffrait dans sa voiture, la pluie battante le mouillait jusqu'à l'os. Il pesta contre le ciel, l'eau dégoulinait de ses mèches bleues lui brouillant la vue, il les plaqua vers l'arrière dans un mouvement brusque. Son sweat lui collait à la peau, désagréable sensation du tissu mouillé, il le retira et le balança sur la plage de la voiture.
Il arrivait devant le bâtiment imposant avec un quart d'heure d'avance. Un maigre sourire étirait ses lèvres, il allait retrouvé son cadet. Il s'enfonçait dans l'université. des couloirs s'étendaient à perte de vue, ils donnaient à Yoon-gi le tournis, comment Jimin faisait-il pour ne pas s'égarer ?
Un étudiant pressé passa près de lui, le bousculant presque. Il l'interpella d'une voix qu'il voulait enjouée.
- Excuses-moi, est ce que tu pourrais m'indiquer la salle de danse ? Il lui offrit un sourire ravageur, il tenait à une réponse claire.
Le jeune homme lui indiqua le chemin les joues rougies. Yoon-gi s'apprêtait à s'en aller au parcours de l'orientation quand on lui reteint le poignet. Geste un brin timide, comme si la personne regrettait son acte, ou bien qu'elle venait de s'en rendre compte. L'étudiant, les yeux baissés sur ses converses.
- Je... Il se coupa dans son élan, détourna son visage vers l'horizon du corridor.
- Tu ? enchaina le bleu qui s'impatientait autant qu'il s'amusait de la situation. Il glissa sa main dans ses cheveux les traits rieurs. Je t'en pris continue, encouragea-t-il.
- J'aimerais ton numéro. Le garçon osa lever ses prunelles sur le beau visage de Yoon-gi dont les yeux pétillaient de malice. Enfin si tu veux bien, il se triturait la nuque gêné alors que le bleu lui tendait un papier le crayon coincé entre les dents dans une attitude nonchalante.
- À bientôt. Il s'en alla parcourir les couloirs laissant l'étudiant abasourdi.
- Je m'appelle Jungkook ! S'époumonait-il dans le dos du bleuté qui feint de l'ignorer.
Yoon-gi souriait bêtement, cette rencontre incongrue lui avait fait oublier le temps capricieux, les interrogations du vieillard. Il semblait s'être apaisé juste par le simple fait d'avoir tapé dans l'oeil de quelqu'un. Il aimait plaire, il aimait se faire désirer. Il eut tout de même un sentiment de compassion pour le jeune homme qui s'essayait à une peine perdue. Il appartenait à Jimin. Il savait que jamais personne ne lui apporterait autant de douceur, d'attention que son bonbon rose.
Des battants d'où s'échappait une mélodie entrainante et entêtante. Il les poussa chantonnant sur le rythme de la musique. Le son était joyeux, une boule douloureuse se forma dans son estomac. Il secoua la tête, il refusait les mauvaises pensées.
Il découvrit une salle immense, des miroirs couvraient tout un pan de mur, des bars étaient installées. Dans le reflet de la glace le bleu ne vit que deux silhouette. Une rose dépassée par garçon habillé tout en noir, à la posture qu'il aurait pu détestée les yeux fermés. Une pointe de jalousie s'enfonça dans sa poitrine. Il était là, encore. Il était proche de celui qui était sien. Il partageait sa passion. Il se dirigea vers le rosé d'un pas vif qui s'accélérait au fur et à mesure qu'il s'approchait de la raison de sa haine naissante. Le sang battait contre ses tempes, la violence lui martelait le crâne, il se mordait la joue jusqu'au sang. L'inconnu avait sa main posée sur l'épaule de Jimin, ils riaient ensembles, ils lui paraissaient si complices.
Il entoura la taille du rose des ses bras, il déposait des baisers dans son cou. Des baisers mélanges d'amour et de jalousie, il voulait montrer son territoire. Pourtant, malgré ses marques d'affections, ses iris froides restaient figées sur les traits de l'inconnu aux pommettes saillantes. Il observait la réaction du jeune homme. Il espérait le dissuader de tourner autour de son Jiminie. Le client de la matinée esquissa une moue de surprise avant de sourire chaleureusement.
- Salut, s'exclamait-il en lui tendant la main alors que le rose présentait son ami.
- Yoon-gi, je te présente Hoseok, mon nouveau duo à la danse. Le poignard s'enfonça plus profondément, son mal-être grandissait alors même que le rosé se montrait attentionné à son égard. Il tenta de chasser ses doutes et son appréhension, pourtant un pincement persistait, comme si cette rencontre était annonciatrice de colère à venir.
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Les complications d'une colocation (Wattys2018)
Fiksi PenggemarUne porte qui claque. Une révélation. Et un ouragan de sentiments. L'amitié et l'amour se mêlent et se démêlent. La peur et la haine s'enchainent, doucement, ils sont rongés. Yoon-gi et Jimin s'harmonisent pour mieux s'écorcher. Et si l'amour n'ét...